Gagné c. Clinique dentaire Hélène Nadeau inc.

2015 QCCQ 9247

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUCE

LOCALITÉ DE

SAINT-JOSEPH

« Chambre civile  »

N° :

350-32-009484-140

 

 

 

DATE :

30 septembre 2015

 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ANDRÉ J. BROCHET, J.C.Q.  (JB3844)

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HUGUETTE GAGNÉ, […] , Saint-Georges (Québec)  […]

Demanderesse

c.

 

CLINIQUE DENTAIRE HÉLÈNE NADEAU INC., 140, 123 è Rue, Saint-Georges (Québec)  G5Y 2Z1

 

et

 

D re HÉLÈNE NADEAU, 140, 123 è Rue, Saint-Georges (Québec)  G5Y 2Z1

 

et

 

D re GENEVIÈVE HOULE, 69, du Collège, suite 202, Pont-Rouge (Québec)  G3H 0J4

            Défenderesses

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JUGEMENT

 

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[1]            La demanderesse, Huguette Gagné, réclame aux défenderesses solidaires une somme de 6 500 $, amendée à 9 933 $ le jour de l’enquête avec l’autorisation du Tribunal.

[2]            Il s’agit pour elle du remboursement de soins dentaires reçus et frais occasionnés par la correction et reprise partielle de ces soins.

[3]            La défenderesse D re Hélène Nadeau conteste.  À l’audience, elle réitère sa proposition de régler la réclamation de Mme Gagné par le paiement de la somme de 1 705 $, soit 1 205 $ pour la reprise de la couronne sur la dent 21, et 500 $ pour inconvénients reliés à la reprise des travaux.

[4]            Quant à la D re Geneviève Houle, elle se dit étrangère à la réclamation et se porte demanderesse reconventionnelle pour un montant de 3 705 $ relié à sa perte de travail pour être présente à l’audience et le temps consacré à l’étude du dossier.

[5]            Voici les faits principaux sur lesquels le Tribunal s’appuiera pour décider de la présente affaire.

[6]            Le 21 avril 2008, les dents 21 et 22 de Mme Gagné sont dévitalisées.  Le 29 mai suivant, ces deux dents sont taillées et des couronnes sont posées et cimentées le 19 juin 2008.

[7]            Ces traitements furent entrepris par la D re Nadeau avec représentations qu’elles devraient satisfaire Mme Gagné pour 20 ans. Cette dernière a eu à encourir pour ces frais 4 331,40 $.  Elle n’a pas eu satisfaction et elle a dû reprendre les travaux sur ces dents.  La somme ci-dessus mentionnée ne tient pas compte de la participation de son assureur au paiement des frais.

[8]            Voici la chronologie des événements subséquents.

[9]            Dès novembre 2008, suite à un inconfort persistant de la dent 22, elle consulte la D re Nadeau qui procède à un ajustement.

[10]         Le 27 avril 2009, la dent 22 est mobile et est recimentée.

[11]         Toujours en avril, la couronne de la dent décolle et une recimentation temporaire est procédée par la D re Nadeau, avec ajustement d’occlusions et ses notes indiquent que le pivot et la couronne sont à refaire.

[12]         Le 21 mai 2009, la dent 22 se décimente et nécessite une nouvelle intervention qui a lieu le lendemain.

[13]         Le 28 juin 2009, une opération de limage est nécessaire pour égaliser la dent 22 qui est trop courte alors que Mme Gagné voulait des dents plus longues.

[14]         En mars 2010, une radiographie est rendue nécessaire pour une fistule à la dent 22 et en septembre de la même année, Mme Gagné note «mobilité et fistule».  La D re  Nadeau indique dans ses notes que l’extraction est à prévoir pour la pause d’un implant.

[15]         En octobre 2011, Mme Gagné est référée au D r Yvan Fortin pour implant.

[16]         En mai 2012, la dent 22 est extraite.

[17]         En septembre 2012, la prothèse partielle inférieure casse.  Mme Gagné est alors référée à un denturologiste.

[18]         En mars 2014, Mme Gagné consulte toujours en urgence pour un morceau de porcelaine perdu au lingual de la dent 21 près de la gencive.  Il lui est alors suggéré de refaire la couronne.

[19]         À partir de décembre 2013, Mme Gagné, qui a perdu toute confiance en la capacité de la D re Nadeau de la soigner, consulte un autre dentiste, le docteur Philippe Grenier.

[20]         Voici ce que ce dernier dit dans une lettre qui est admise en preuve et qui est datée du 3 décembre 2014.

A qui de droit,

J’ai rencontré Madame Huguette Gagné en décembre 2013 une première fois pour une consultation pour remplacer par un implant sa dent 22, absente depuis quelque temps  Suite à l’extraction de cette dent, il s’est fait une perte osseuse et gingivale relativement importante, on pouvait également noter un déchaussement appréciable non-esthétique au niveau du collet de sa 23.  J’ai donc procéder en premier lieu à une greffe osseuse et gingivale allogénique au site de la 22 et gingivale au site de la 23.  Durant la phase de guérison avant la pose de l’implant 22, Mme Gagné est revenu me consulter en raison d’un pivot-couronne cassé sur la dent 21.  Le pivot étant cassé environ à la moitié de la dent, je lui ai dit qu’elle avait deux options, soit de tenter d’extraire ce pivot pour tenter d’en mettre un nouveau, ou bien d’enlever la dent et d’installer un 2 è implant, en même temps que l’implant en position 22.  Je n’étais pas à l’aise de tenter d’extraire le pivot et puis d’en remettre un par rapport au pronostic de cette intervention qui se voulait quand même coûteuse mais surtout à risque de trop affaiblir sa racine.  Je ne lui ai donc pas recommandé.  Je sais que son autre dentiste traitante lui a offert ce traitement, mais avec frais (même s’il s’agissait d’une reprise d’un de ses traitements), et qu’elle ne pouvait garantir le résultat.  Devant ce constat, la patiente a choisi d’extraire la dent et de se faire poser un implant, ce choix était de loin, le plus sûr à long terme.  Elle aurait peut-être dut y avoir recours de toute façon à plus ou moins long terme après avoir tenté l’option du nouveau pivot, advenant un éventuel échec de cette procédure puisque la situation était plutôt précaire.

[Texte reproduit intégralement]

[21]         La réclamation de Mme Gagné vise le remboursement de ce qu’elle doit payer pour régler le problème de ses couronnes qui n’ont pas eu une vie utile conforme à ce qui lui avait été avancé par la D re Nadeau.  Ces frais d’implants s’élèvent à 9 583 $ plus 350 $ pour services de denturologiste.

[22]         Voici comment le Tribunal décidera du présent litige.

[23]         À l’égard de la dent 21, il est admis que la couronne devait être refaite.  Avec raison, Mme Gagné a choisi plutôt son extraction et la pause d’un implant.  En effet, il appert des notes de la D re Nadeau qu’elle lui a offert la reprise du travail avec coûts même s’il s’agissait d’un travail antérieur qu’elle avait exécuté incorrectement, en ajoutant qu’elle ne pouvait garantir le résultat.  À l’égard de cette dent, une seule conclusion s’impose :  Il y a faute professionnelle et Mme Gagné sera indemnisée jusqu’à concurrence d’une somme que le Tribunal fixe de façon discrétionnaire à 3 500 $, représentant les coûts de correction, inconvénients et partie de frais payés au D r Grenier.

[24]         À l’égard de la dent 22 qui fut extraite et qui a nécessité la pause d’un implant, le Tribunal ne peut en venir à la conclusion qu’il y a eu faute professionnelle de la D re  Nadeau lorsqu’elle a prodigué les premiers soins.

[25]         Comme l’indique le docteur Rodier St-Louis dans son expertise :

Pour ce qui est de la dent 22 qui fut l’objet de nombreux rendez-vous, sa restauration reste acceptable malgré un pivot radiculaire relativement court.  Les événements qui ont conduit son extraction ne peuvent être attribuables à une faute professionnelle probante.  La fragilité de toute dent dévitalisée en serait plutôt la cause d’autant plus que l’absence de dents postérieures a pu y jouer un rôle.

[26]         Certes, le Tribunal est bien conscient des nombreux troubles et inconvénients, douleur, souffrance et frais encourus par Mme Gagné pour les soins dentaires à l’égard de cette dent qui n’ont pas toujours eu les résultats escomptés.

[27]         Mais avant de conclure à une faute, le Tribunal doit être convaincu que les règles de l’art de la médecine dentaire n’ont pas été respectées.  Lorsqu’elle consulte le D r Grenier, la dent 22 a été extraite et la perte osseuse et gingivale a eu lieu suite à l’extraction de cette dent.  Ainsi donc, il ne saurait être question de condamner la D re  Nadeau pour cette pose d’implant rendue nécessaire par les extractions, non plus que la chirurgie de l’ossement de la gencive.

[28]         Comme l’indique le D r St-Louis, la dévitalisation de cette dent lui donnait une fragilité plus grande et les problèmes encourus ont probablement un rapport avec un défaut des forces masticatoires.

[29]         Ainsi, la requête de Mme Gagné sera accueillie pour la somme de 3 500 $ contre la D re Hélène Nadeau.

[30]         À l’égard de la D re Geneviève Houle, la requête sera rejetée.

[31]         En effet, le Tribunal ne peut conclure à quelque faute professionnelle attribuable à la D re Houle pour son intervention limitée au 3 mai 2012, soit l’extraction de la dent 22 qui montrait une fistule et une mobilité importante.

[32]         La demande reconventionnelle de la D re Houle sera rejetée pour les motifs principaux suivants.

[33]         Le Tribunal comprend très bien qu’il s’agit pour elle d’une perte de revenus de se présenter lors de l’audition du 19 août 2015 et d’avoir mis du temps à la préparation de sa défense.  Cette dernière a été exprimée simplement, vu que sa responsabilité n’était vraisemblablement pas concernée par la preuve apportée.

[34]         Toutefois, il faut comprendre que Mme Gagné voulait s’assurer de sa présence qui, sans qu’elle le sache, aurait pu avoir une importance dans la présentation de sa réclamation.

[35]         Nous sommes ici en matière de petites créances où les gens se défendent seuls sans avocat et bien souvent sans avis ni conseil à l’égard de la procédure et des personnes à assigner.  Il faut faire preuve d’un esprit libéral pour donner à ce tribunal son véritable sens, c’est-à-dire une justice accessible, peu coûteuse et simple.

[36]         Le recours de Mme Gagné contre la D re Houle n’est pas appuyé sur la mauvaise foi ou une intention vexatoire ou malveillante ou de lui causer préjudice.  Dans un tel cas, il faudrait conclure à l’abus de procédures et au paiement des dommages en conséquence.

[37]         Nous le répétons, le Tribunal comprend très bien ce qu’a exprimé la D re  Houle et il faut ajouter ceci.  La vie professionnelle d’une dentiste qui assure des services médicaux à un large public a des avantages, mais aussi des inconvénients dont celui d’être visée incorrectement par des procédures.  Et il faut accepter ces conséquences qui font partie des aléas de cette vie professionnelle.  Elles ne seront considérées comme des dommages remboursables que lorsqu’on prouvera mauvaise foi de la partie poursuivante.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE les défenderesses, la docteure Hélène Nadeau et Clinique dentaire Hélène Nadeau inc., solidairement, à payer à la demanderesse, madame Huguette Gagné, la somme de 3 500 $ intérêt fixé au taux de 5% l’an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis la mise en demeure du 21 mai 2014, ;

REJETTE la requête à l’égard de la défenderesse, la docteure Geneviève Houle;

Le tout , avec frais limités à la somme de 169 $.

 

 

 

 

 

 

ANDRÉ J. BROCHET, J.c.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

19 août 2015