COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AM-2001-3649

Cas :

CM-2014-7537

 

Référence :

2015 QCCRT 0506

 

Montréal, le

1 octobre 2015

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Guy Roy, juge administratif

______________________________________________________________________

 

 

Shawn Proctor

 

Plaignant

c.

 

Syndicat des employé-es de Martin Brower —CSN

Intimé

 

et

 

Cie Martin Brower du Canada

 

Mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]            Le 22 décembre 2014, Shawn Proctor (le plaignant ) dépose une plainte en vertu des articles 47.2 et suivants du Code du travail , RLRQ, c. C-27 (le Code ) , dans laquelle il allègue que Syndicat des employé-es de Martin Brower—CSN (le Syndicat ) a contrevenu à son devoir de représentation.

[2]            Plus précisément, il blâme le Syndicat de n’avoir pas déposé un grief le concernant dans le délai prévu à la convention collective.

remarques

[3]            La veille de l’audience, le Syndicat ainsi que la représentante de Cie Martin Brower du Canada (l’ Employeur ) avisent la Commission qu’ils ne seront pas présents lors du procès.  

[4]            Au jour fixé pour l’audience, le 29 septembre 2015, la Commission constate que seul le plaignant est présent. Elle procède donc dans cette situation.   

les faits

[5]            Le plaignant est préposé aux chargements des camions chez l’Employeur.

[6]            Le 31 octobre 2014, l’Employeur lui remet une mesure disciplinaire. Il est suspendu pendant une journée pour insubordination en lien avec une absence pour maladie. Cette suspension a lieu le 1 er novembre 2014.

[7]            Il communique avec son représentant syndical, monsieur Louis Renaud, afin qu’un grief soit déposé pour contester cette suspension. Ce dernier accepte.

[8]            Un mois plus tard, le plaignant veut en savoir plus long sur le grief. Il apprend alors que monsieur Renaud, par oubli, n’a pas déposé le grief dans le délai prévu à la convention collective.

[9]            Le plaignant veut que sa plainte soit déférée à l’arbitrage. Il a confiance que le Syndicat sera en mesure de bien le représenter à cette occasion.

motifs et décision

[10]         La question en litige est de déterminer si le Syndicat a contrevenu à ses obligations prévues à l’article 47.2 du Code.

la loi

[11]         Il y a lieu de reproduire le texte des articles 47.2 et 47.3 du Code  :

47.2 . Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non.

47.3 .  Si un salarié qui a subi un renvoi ou une mesure disciplinaire, ou qui croit avoir été victime de harcèlement psychologique, selon les articles 81.18 à 81.20 de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1), croit que l'association accréditée contrevient à cette occasion à l'article 47.2, il doit, dans les six mois s'il désire se prévaloir de cet article, porter plainte et demander par écrit à la Commission d'ordonner que sa réclamation soit déférée à l'arbitrage .

[12]         Quant au devoir de représentation, la Commission, reprenant les conclusions de la Cour suprême dans l’arrêt Noël c. Société d'énergie de la Baie James, [ 2001] 2  .C.S. 207, énonce ce qui suit dans Barrouk c. L'Union des employés d'hôtels, restaurants et commis de bars, local 31 , 2005 QCCRT 0047 :

[55] Au sujet des contraventions alléguées par les plaignants, la Cour suprême explique les quatre comportements interdits par l'article 47.2 dans Noël c. Société d'énergie de la Baie James , [2001] 2 R.C.S. 207 , aux paragraphes 46 à 55. La mauvaise foi « suppose une intention de nuire, un comportement malicieux, frauduleux, malveillant ou hostile » . Le comportement discriminatoire comprend « toutes les tentatives de défavoriser un individu ou un groupe sans que le contexte des relations de travail dans l'entreprise ne le justifie » . La mauvaise foi et la discrimination impliquent un comportement vexatoire de la part du syndicat.

[56] Dans le cas de l'arbitraire et de la négligence grave, même sans intention malicieuse, les actes de l'association ne doivent pas dépasser « les limites de la discrétion raisonnablement exercée » . Au sujet de l'arbitraire, une association ne peut pas traiter une plainte d'un salarié « de façon superficielle ou inattentive » . L'association doit faire une enquête. Elle doit « examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables, le cas échéant, mais aussi tenir compte des ressources de l'association, ainsi que des intérêts de l'ensemble de l'unité de négociation » . L'association jouit d'une discrétion importante au sujet de la forme et de l'intensité de ses démarches.

[57] La négligence grave comprend «[u] ne faute grossière dans le traitement d'un grief » . Cependant, l'article 47.2 n'impose pas une norme de perfection. L'analyse du comportement syndical peut tenir compte des facteurs suivants : les ressources disponibles; l'expérience et la formation des représentants syndicaux, le plus souvent des non-juristes; les priorités reliées au fonctionnement de l'unité de négociation; l'importance du grief pour le salarié; les chances de succès du grief; l'intérêt concurrent des autres salariés dans l'unité de négociation.

principes jurisprudentiels

[13]         La jurisprudence abondante sur le sujet consacre le fait que le plaignant a le fardeau de prouver de façon prépondérante une contravention à l’article 47.2 du Code .

[14]         La démonstration de négligence grave exige la preuve d’une faute grossière, notamment dans le traitement d’un grief. En tenant compte de l’objectif du grief ou des droits prétendus du salarié, la négligence grave repose sur la manifestation d’actes, paroles et autres qui vont au-delà de la simple négligence ou de la simple incompétence.

[15]         Il est manifeste que le défaut de soumettre un grief contestant une suspension dans le délai imparti dans la convention collective constitue de la négligence grave. Par ailleurs, dans le présent dossier, vu l’absence du Syndicat, il n’y a eu aucune explication sur les raisons ayant mené à cette omission. La plainte est donc accueillie.

[16]         La Commission comprend que le plaignant a confiance que son Syndicat peut le représenter adéquatement à l’arbitrage.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

ACCUEILLE                  la plainte;

AUTORISE                    Shawn Proctor à soumettre sa réclamation concernant sa suspension d’une journée imposée le 31 octobre 2014 à un arbitre nommé par le ministre du Travail pour décision selon la convention collective, comme s’il s’agissait d’un grief;

RÉSERVE                     sa compétence pour décider de tout litige découlant de la présente décision.

 

 

__________________________________

Guy Roy

 

M. Martin Pagé

Représentant de l’intimé

 

M me Chantal Henripin

Représentante de la mise en cause

 

Date de l’audience :

29 septembre 2015

 

/rl