Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 29 septembre 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 09632

Dossier  : SAS-Q-211095-1508

Devant le juge administratif :

JACQUES BOULANGER

 

L… L…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               Le requérant conteste une décision rendue en révision le 19 août 2015 par la partie intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec.

[2]               Le requérant demande la levée de la suspension de son permis de conduire pour une durée de 90 jours, laquelle lui avait été imposée à la suite d’une arrestation pour conduite avec les facultés affaiblies le 8 août 2015.

[3]               En révision, l’intimée rejette la demande du requérant. Dans sa décision du 19 août 2015, elle précise que le requérant devait prouver de façon prépondérante que son taux d’alcool ne dépassait pas 80 milligrammes par 100 millilitres de sang, ou qu’il ne conduisait pas ni n’avait la garde de son véhicule. L’intimée conclut que le requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et elle maintient la suspension de 90 jours.

[4]               Le Tribunal a pris connaissance de l’ensemble de la preuve documentaire versée au dossier et a écouté le témoignage du requérant.

La preuve documentaire et testimoniale

[5]               Les faits sont relatés dans le rapport intitulé « Enquête sur la capacité de conduite affaiblie » rédigé par l’agente Guylaine Roy, policière à la Sûreté du Québec, lequel rapport a été déposé au dossier du Tribunal par l’intimée comme pièce I-1.

[6]               Soulignons que les faits relatés audit rapport ne sont pas contestés par le requérant. Nous ne nous attarderons qu’à ceux pertinents à la solution du litige :

·         Le 8 août 2015, l’agente Roy et l’agent Jutras procèdent à l’interception du requérant alors que ce dernier est au volant de son véhicule. Il s’agissait d’un barrage routier pour un contrôle d’alcool à la sortie d’une exposition à la ville A. Lors de son témoignage, le requérant admet qu’il conduisait son véhicule au moment de son arrestation.

·         Les agents demandent au requérant de sortir de son véhicule. Ils constatent alors que le requérant a un léger déséquilibre à la sortie de son véhicule et dégage une forte odeur d’alcool. Il a aussi les yeux très rouges.

·         Les agents suivent alors les procédures requises par une telle situation, tel qu’il appert de leur rapport. Le requérant se soumet au test de l’appareil de détection approuvé et échoue à ce test.

·         Les agents amènent le requérant au poste pour qu’il soit soumis à un alcootest.

·         Le premier test donne un résultat de 114 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang. Le second test présente un résultat de 109 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang, tel qu’il appert du certificat du technicien qualifié, l’agente Roy [1] . Dans les deux cas, le requérant dépasse largement le 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang qui est la limite maximale autorisée par le Code de la sécurité routière [2] .

·         Par la suite, le requérant se voit remettre le procès-verbal de suspension de permis. Il quitte le poste avec un ami.

[7]               Le requérant, lors de l’audience, admet que 8 août 2015, il avait consommé 3 bières de 17 h à minuit. Il se dit surpris que l’alcootest ait donné les résultats ci-dessus mentionnés.

[8]               Toutefois, au document intitulé « Scénario de consommation et condition physique [3]  », le requérant, peu après son arrestation, déclare qu’il a consommé 3 ou 4 bières de 8 h à 11 h [4] .

[9]               Il déclare vouloir récupérer son permis de conduire pour pouvoir se rendre à son travail ainsi que pour travailler, car il est conducteur de bétonnières.

[10]            L’agente Roy témoigne. Elle atteste et corrobore le contenu du document « Enquête sur la capacité de conduite affaiblie » ainsi que du certificat du technicien qualifié.

[11]            Le Tribunal comprend des représentations de la procureure de l’intimée qu’on peut inférer de la demande de révision du requérant que sa demande s’apparente aussi à une demande d’émission d’un permis restreint. Elle soumet cependant que le Code de la sécurité routière ne lui permet pas de faire une telle demande.

Les dispositions applicables

[12]            Les articles suivants du Code de la sécurité routière s’appliquent en l’espèce :

«  118.  Un permis restreint peut être délivré par la Société à une personne dont le permis de conduire a été révoqué en vertu de l'article 185 ou dont le permis probatoire a été révoqué en vertu de l'article 191.2, sur ordonnance d'un juge de la Cour du Québec , lorsque cette personne démontre au juge qu'elle doit conduire un véhicule routier dans l'exécution du principal travail dont elle tire sa subsistance. »

«  202.4. Un agent de la paix suspend sur-le-champ au nom de la Société:

1° pour une période de 90 jours, le permis de toute personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle et dont l'alcoolémie se révèle, par suite d'une épreuve d'alcootest effectuée conformément aux dispositions du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), supérieure à 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang;

(…) »

«  202.6.6. La Société lève la suspension du permis ou du droit d'en obtenir un si la personne concernée établit de façon prépondérante:

(…)

qu'elle conduisait le véhicule routier ou en avait la garde ou le contrôle sans avoir consommé une quantité d'alcool telle que son alcoolémie dépassait 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang ;

(…)

qu'elle ne conduisait pas un véhicule routier ou n'en avait pas la garde ou le contrôle dans les cas prévus au présent article.

(…) »

«  202.6.7. Le procès-verbal et tout autre document pertinent dressés par l'agent de la paix peuvent tenir lieu de ses constatations si ce dernier y atteste qu'il a lui-même constaté les faits qui y sont mentionnés. Il en est de même de la copie du procès-verbal certifiée conforme par une personne autorisée.

Une copie du certificat du technicien qualifié visé à l'article 258 du Code criminel fait preuve de son contenu sans qu'il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du signataire ou que la copie est une copie conforme. »

(Nos soulignements)

Les motifs

[13]            En vertu des articles ci-dessus mentionnés, le requérant devait présenter une preuve prépondérante quant aux deux aspects suivants :

·         il ne conduisait pas son véhicule ou n’en avait pas la garde et le contrôle;

·         dans le cas contraire, que son alcoolémie ne dépassait pas 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang.

[14]            Le Tribunal est d’avis que le requérant n’a pas présenté une telle preuve. Celui-ci admet qu’il conduisait son véhicule lors de l’arrestation.

[15]            Le requérant soumet qu’il est surpris du taux d’alcoolémie obtenu lorsqu’il s’est soumis à l’alcootest compte tenu des consommations prises. Il ne présente toutefois aucune preuve pouvant permettre de mettre en doute ses résultats.

[16]            Le Tribunal ne peut considérer les éléments relatifs à la nécessité pour le requérant d’obtenir la levée de la suspension de son permis de conduire car il est essentiel à l’exercice de son emploi. Ces éléments ne sont pas pertinents eut égard aux dispositions légales ci-dessus mentionnées.

[17]            Le Tribunal estime aussi que l’article 202.6.7 du Code de la sécurité routière , qui s’applique en l’espèce, lui permet de donner toute la crédibilité au rapport des policiers, ainsi qu’au certificat du technicien qualifié.

[18]            Tel qu’il appert de l’article 118 du Code de la sécurité routière , l’intimée ne peut émettre de permis restreint qu’aux cas visés par les articles 185 et 191.2 (articles qui ne visent aucunement la révocation imposée au requérant en la présente affaire), et seulement à la suite d’une ordonnance d'un juge de la Cour du Québec . Le présent Tribunal ne dispose d’aucun pouvoir en semblable matière.

[19]            Conséquemment, le Tribunal estime que le requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et que la décision rendue en révision le 19 août 2015 par l’intimée doit être maintenue.

POUR CES MOTIFS , le Tribunal :

REJETTE le recours;

CONFIRME la décision rendue en révision le 19 août 2015 par l’intimée.


 

 

JACQUES BOULANGER, j.a.t.a.q.


 

Dussault, Mayrand avocats

Me Marie-Ève Orlup

Procureure de la partie intimée


 



[1] Voir à la page 2 du dossier du Tribunal.

[2] RLRQ, chapitre C-24.2.

[3] Voir la dernière page de la pièce I-1.

[4] On doit comprendre « de 20 h à 23 h ».