Thellen c. Pavages Théorêt inc. |
2015 QCCQ 9796 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEAUHARNOIS |
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LOCALITÉ DE |
SALABERRY-de-VALLEYFIELD |
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« Chambre civile » |
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N° : |
760-32-015947-130 |
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DATE : |
10 juin 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CLAUDE MONTPETIT, J.C.Q. |
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YVES THELLEN & NATHALIE RAYMOND |
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Demandeurs-défendeurs reconventionnels |
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c. |
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LES PAVAGES THÉORÊT INC. |
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Défenderesse-demanderesse reconventionnelle |
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JUGEMENT |
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[1] Au cours des étés 2012 et 2013, les demandeurs retiennent les services de la défenderesse pour la réalisation de travaux d’aménagement paysager (murets et pavé-uni) sur la bande riveraine d’un canal situé au fond de leur propriété du 141, 85 e Avenue à St-Zotique.
[2] La particularité du présent dossier est que le représentant-vendeur de la défenderesse, monsieur Robert Cousineau, agit également en 2013 comme conseiller municipal pour la Ville de St-Zotique.
[3] Vers le 9 octobre 2013, les demandeurs reçoivent un avis de la Ville de St-Zotique (pièce P-3) les informant que les travaux réalisés par la défenderesse dans les premiers cinq mètres de la bande riveraine sont interdits selon la réglementation municipale et qu’ils doivent être démolis et enlevés.
[4] Suite à la réception de cet avis, les demandeurs contactent monsieur Cousineau et l’informent de la situation. Monsieur Cousineau mentionne qu’il s’informera à la Ville où il est toujours conseiller municipal.
[5] Le 29 octobre 2013, les demandeurs font parvenir une mise en demeure à la défenderesse dans les termes suivants :
« St-Zotique, le 29 octobre 2013
SOUS TOUTES RÉSERVES
Les Pavages Théorêt Inc.
1080, rue Principale
St-Zotique, Québec
J0P 1Z0
Objet : Mise en demeure
M. Robert Cousineau pour Les Pavages Théorêt Inc. et Les Pavages Théorêts (sic) Inc.
Le 16 avril 2013 et le 01 mai 2012, M. Robert Cousineau est venu à notre résidence du 350, 86 ième Avenue Est, St-Zotique pour un contrat de pavé unis (sic). Les travaux ont été effectués sur 2 ans dans la cour arrière de notre résidence. Lors de la signature ont (sic) lui a demandé si nous avions besoin d’un permis de la ville. M. Cousineau nous a spécifié que nous n’avions pas besoin de permis pour les travaux et que votre compagnie en effectuait souvent. Les travaux on (sic) eu lieux (sic) en mai et juin 2012 et 2013.
Le 09 octobre 2013, la ville de St-Zotique nous a envoyé une lettre pour nous signifier que les travaux ne sont pas conforme (sic) avec le règlement de la Municipalité et nous exige de corriger la situation dans les plus bref (sic) délai (sic) (Voir la lettre annexée).
M. Robert Cousineau est conseiller municipale (sic) pour la Municipalité de St-Zotique depuis plus de 15 ans. Il était au courant des restrictions pour les travaux effectués à notre résidence.
Travaux réalisé (sic) été 2013
Coût : 4 656,96$
Travaux réalisé (sic) été 2012
Coût : 1 719,80$
Nous vous mettons en demeure de nous rembourser la somme de 6 376,76$ dans un délai de 10 jours ou de recommencer les travaux en apportant les correctifs, en respectant les normes d’urbanisme de la Municipalité de St-Zotique. Et ce, dans un délai raisonnable avec l’approbation du service d’urbanisme de la Municipalité de St-Zotique.
Dans le cas contraire de votre refus de coopérer, nous engagerons une autre compagnie pour rectifier les travaux, et ce, à vos frais en plus des amendes de la Municipalité. Des procédures judiciaires pourront être intentées contre vous sans autre avis ni délai.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE.
(S) Yves Thellen
(S) Nathalie Raymond
350, 86 ième Avenue Est
St-Zotique, Québec
J0P 1Z0
Téléphone : 450-217-1511 (maison) / 514-212-2636 (cellulaire). »
[6] Encore une fois, le vendeur Cousineau informe les demandeurs qu’il va tenter « d’arranger ça » avec la Ville.
[7] Par la suite, les demandeurs sont informés de la position irrévocable du Service de permis de la Ville de St-Zotique, soit que les travaux sont non conformes à la réglementation municipale et doivent être détruits.
[8] Les demandeurs retiennent les services d’une architecte paysagiste afin de confectionner des plans de réaménagement de leur bande riveraine pour l’obtention d’un permis à la Ville.
[9] Les demandeurs déboursent la somme de 1 045,00$ (P-6) pour les honoraires de l’architecte dont les plans sont acceptés par la Ville.
[10] Le 25 novembre 2013, ils envoient une deuxième mise en demeure à la défenderesse (P-7) donnant l’option à celle-ci de rembourser intégralement les travaux exécutés plus les frais encourus, soit 8 606,51$ ou de recommencer les travaux en apportant les correctifs nécessaires afin de respecter les règlements municipaux.
[11] La défenderesse répond à cette lettre dans les termes suivants (D-2, datée du 29 novembre 2013) :
« RECOMMANDÉ
SOUS TOUTES RÉSERVES
Saint-Zotique, le 29 novembre 2013
M. Yves Thellen
350, 86 e avenue Est
St-Zotique, Qc J0P 1Z0
Monsieur,
En réponse à votre mise en demeure, nous vous informons que nous avons été mandaté (sic) pour faire des travaux d’aménagement d’asphalte, de pavé uni (sic) et de muret à votre résidence par vous personnellement.
Les Pavages Théorêt Inc. et M. Cousineau n’est (sic) pas responsable (sic) d’obtenir un permis pour les travaux exécutés autant sur les propriétés résidentielles que commerciales. C’est la responsabilité du client de s’informer auprès de l’urbanisme de sa municipalité pour tout (sic) travaux à être exécuter (sic) sur sa propriété. M. Cousineau étant un conseiller de la municipalité peut vous renseigner mais ne peux (sic) pas prendre la décision de l’urbanisme, ceci est de votre responsabilité de vous informer de vos droit (sic). De plus, il n’a jamais mentionner (sic) que vous pouviez faire exécuter les travaux sans permis.
Pour les frais exigés nous n’avons aucun remboursement à vous faire. Nos travaux ont été exécutés à votre demande et en bonne foi de notre compagnie avec du personnels (sic) compétents (sic). Le contrat était de 4 050,40$ plus taxes, soit un total de 4 656,96$. Vous nous avez remis 6 chèques antidaté (sic) de juin à novembre 2013 au montant de 776,16$ chaque (sic). Vous avez fait des arrêt (sic) de paiement sur les derniers chèques.
Nous ne sommes pas responsable (sic) des exigences de la municipalité envers vous, nous exigeons de recevoir le paiement final de 1 552,32$ plus 50,00$ de frais pour les arrêt (sic) de paiement. À défaut de recevoir le paiement d’ici 10 jours, des procédures judiciaires seront intentées contre vous sans autre avis ni délai.
(S) Michel Théorêt
Président »
[12] À l’été 2014, les demandeurs retiennent les services d’un autre entrepreneur en terrassement afin de corriger les travaux exécutés par la défenderesse en éloignant ceux-ci du canal pour dégager la bande riveraine de cinq mètres, le tout au coût de 4 369,05$ (facture P-19).
[13] Les demandeurs Thellen et Raymond effectuent plusieurs travaux eux-mêmes afin de mitiger leurs dommages. Ils font l’achat de matériaux (terre, tourbe, bois, etc) pour plus de 1 865,44$ (P-20, P-21, P-22, P-23, P-24 et P-25) en sus des nombreuses heures consacrées aux travaux.
[14] La réclamation des demandeurs excède la somme de 7 000,00$ et acceptent en conséquence de se limiter à la somme à 7 000,00$ afin de s’adresser à la présente division.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
[15] Les demandeurs affirment s’être informés dès 2012 auprès de la Ville de St-Zotique à savoir s’il était nécessaire d’obtenir un permis pour des travaux de murets en pierre et de pavé-uni. La réponse obtenue a été qu’un permis n’était pas nécessaire pour ce genre de travaux.
[16] Toutefois, les demandeurs n’ont pas précisé à ce moment que les travaux seraient effectués à l’intérieur de la bande riveraine de cinq mètres le long du canal.
[17] Selon les demandeurs, le représentant de la défenderesse, Robert Cousineau, savait que les travaux étaient interdits dans la bande riveraine de cinq mètres puisqu’il était déjà conseiller municipal en mai 2010 lors de l’adoption du règlement de zonage #529. Il était présent également lors de la séance du conseil qui a adopté ce règlement :
« CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
MUNICIPALITÉ DE SAINT-ZOTIQUE
RÈGLEMENT DE ZONAGE
NUMÉRO 529
À une session ordinaire du conseil de la Municipalité de Saint-Zotique, tenue aux lieu et heure ordinaires des sessions de ce conseil, ce 4 e jour du mois de mai 2010, à laquelle sont présents :
M. Robert Cousineau
M. Guy Saint-Laurent
M. Patrick Lécuyer
M. Patrice Hovington
M. Pierre Chiasson
M. Yvon Chiasson
formant quorum sous la présidence de madame le Maire Gaétane Legault,
il a été adopté ce qui suit :
ATTENDU QUE le schéma d’aménagement et de développement révisé de la MRC de Vaudreuil-Soulanges est entré en vigueur le 25 octobre 2004;
ATTENDU QUE la Municipalité de Saint-Zotique doit, en
vertu des dispositions de l’article
ATTENDU QU’en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (L.R.Q., chap. a-19.1), le conseil peut adopter un Règlement de zonage pour l’ensemble du territoire de la Municipalité;
ATTENDU QUE la Municipalité de Saint-Zotique procède à la refonte globale de sa planification et de sa réglementation d’urbanisme;
ATTENDU QUE le Règlement de zonage doit être conforme au nouveau Plan d’urbanisme de la Municipalité de Saint-Zotique;
ATTENDU QUE le Règlement de zonage doit être conforme au schéma d’aménagement et de développement révisé de la MRC de Vaudreuil-Soulanges en vigueur et à son document complémentaire;
ATTENDU QU’un avis de motion a été régulièrement donné par Madame le Maire Gaétane Legault à la séance de ce conseil tenue le 6 avril 2010, résolution no 2010-04-124;
ATTENDU QUE ce règlement a été soumis à la consultation prévue à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (L.R.Q., chap. A-19.1);
ATTENDU QUE ce règlement a été soumis à l’approbation des personnes habiles à voter conformément à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (L.R.Q., chap. A-19.1);
À CES CAUSES, il a été ordonné et statué par règlement de ce conseil et ledit conseil ordonne et statue, ainsi qu’il suit, à savoir … ».
[18] La défenderesse, de son côté, allègue qu’elle n’a pas à vérifier la réglementation municipale auprès de la Ville lors de l’exécution de travaux et que cette obligation incombe à son client, le citoyen, qui doit présenter sa demande de permis afin d’être en règle.
[19] La défenderesse admet que les travaux ont été commandés auprès de son vendeur, Robert Cousineau, qui a également supervisé les travaux à l’endroit désiré par les demandeurs, sur la bande riveraine de cinq mètres.
[20] Le vendeur Cousineau est venu témoigner et affirme avoir avisé les demandeurs de l’interdiction prévue par le règlement municipal #529, qu’il connaissait bien, et les avoir prévenus qu’ils pouvaient se voir imposer des constats d’infraction et d’avoir à « démancher tout ça » pour employer ses propres mots, si la Ville s’en rendait compte.
[21] Les demandeurs nient énergiquement cette affirmation et ajoutent qu’ils n’auraient jamais, en toute connaissance de cause, dépensé des milliers de dollars s’ils avaient su que ces travaux étaient non conformes aux règlements.
ANALYSE
[22] Le Tribunal ne peut mettre de côté la situation particulière du vendeur de la défenderesse, monsieur Robert Cousineau, qui était également conseiller municipal de la Ville de St-Zotique au moment des travaux chez les demandeurs en 2012 et 2013.
[23] Il est également admis qu’il a supervisé les travaux et qu’il connaissait le règlement #529 concernant l’interdiction de construire et d’aménager la bande riveraine de cinq mètres.
[24] Le Tribunal croit le témoignage clair, précis et ordonné du demandeur Thellen que jamais il n’a été informé par monsieur Cousineau qu’il pourrait avoir des problèmes avec la Ville et que les travaux envisagés dans la bande riveraine étaient interdits et qu’au contraire, monsieur Cousineau l’a mis en confiance en raison de son titre de conseiller municipal élu.
[25] Les demandeurs ont par conséquent été officiellement induits en erreur par le représentant de la défenderesse, Robert Cousineau. Son employeur, Les Pavages Théorêt Inc., devra compenser les demandeurs pour les dommages qu’ils ont subis.
[26] La preuve démontre clairement que le vendeur Cousineau a préféré s’avantager au plan commercial et financier plutôt que de donner les informations exactes à ses clients et risquer ainsi de perdre un contrat lucratif.
LES DOMMAGES
[27] Les demandeurs ont prouvé avoir dû débourser les sommes suivantes afin de corriger la situation problématique créée par la faute du préposé de la défenderesse, Robert Cousineau :
· Frais d’architecte paysagiste (1 045,00$ plus taxes) 1 200,00$
· Travaux de déplacement des murets et pavé-uni 4 369,05$
· Achat de matériaux divers 1 865,44$
[28] Puisque le total de ces sommes excède déjà 7 000,00$, le Tribunal ne peut accorder les dommages pour ennuis et inconvénients subis par les demandeurs ni les heures qu’ils ont consacrées aux travaux.
[29] La défenderesse devra payer aux demandeurs la somme réclamée de 7 000,00$ puisqu’elle n’a pas prouvé les allégations de sa contestation datée du 9 janvier 2014.
[30]
La défenderesse est responsable des gestes posés et de la faute commise
par son préposé, Robert Cousineau, en vertu de l’article
« 1463. Le commettant est tenu de réparer le préjudice causé par la faute de ses préposés dans l'exécution de leurs fonctions; il conserve, néanmoins, ses recours contre eux. »
DEMANDE RECONVENTIONNELLE
[31] Suite à la découverte de la non-conformité des travaux à l’automne 2013, les demandeurs ont fait arrêter les deux derniers chèques payables à la demanderesse pour une somme de 1 602,32$.
[32] Le Tribunal doit constater que ces sommes étaient dues pour des travaux réalisés en vertu du contrat intervenu à l’été 2013 entre les demandeurs et Les Pavages Théorêt Inc., représenté par Robert Cousineau.
[33]
Cependant, la défenderesse n’a pas prouvé avoir droit au paiement de ces
sommes vu la conduite de son représentant, Robert Cousineau, qui n’a pas
transigé de bonne foi avec les demandeurs et a ainsi contrevenu aux articles
« 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. »
[34] Par conséquent, la demande reconventionnelle est rejetée.
FRAIS DE L’ARCHITECTE PAYSAGISTE
[35] La présence à la Cour de l’architecte paysagiste, Chantal Tremblay, a été fort utile à la compréhension du litige et le Tribunal lui accorde une somme de 400,00$ que la défenderesse devra également supporter.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande des demandeurs;
CONDAMNE
la défenderesse, Les Pavages Théorêt Inc., à payer aux
demandeurs la somme de 7 000,00$ avec intérêts au taux légal, l’indemnité
additionnelle prévue à l’article
CONDAMNE la défenderesse, Les Pavages Théorêt Inc., à payer aux demandeurs les frais de présence à la Cour de l’expert Chantal Tremblay, fixés à la somme de 400,00$, avec intérêts au taux légal seulement, à compter du 31 e jour suivant le présent jugement;
REJETTE sans frais la demande reconventionnelle de la défenderesse, Les Pavages Théorêt Inc.
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__________________________________ CLAUDE MONTPETIT, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
29 mai 2015 |
SECTION III
DU RETRAIT ET DE LA DESTRUCTION DES PIÈCES
Les parties doivent reprendre possession des pièces qu'elles ont produites, une fois l'instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l'acte mettant fin à l'instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement.
Lorsqu'une partie, par quelque moyen que ce soit, se pourvoit contre le jugement, le greffier détruit les pièces dont les parties n'ont pas repris possession, un an après la date du jugement définitif ou de l'acte mettant fin à cette instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement. 1994, c. 28, a. 20.