Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 8 octobre 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 10165

Dossier  : SAS-M-233316-1501

Devant le juge administratif :

DIANE BOUCHARD

 

M… M…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               Le requérant conteste une décision rendue le 27 novembre 2014 par la Société de l’assurance automobile du Québec (ci-après « SAAQ ») qui mentionne que le rapport d’évaluation de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ci-après « ACRDQ ») démontre que son comportement envers sa consommation de drogues et d’alcool demeure un risque pour la sécurité routière. S’il désire obtenir un nouveau permis, il devra se soumettre à un examen médical et à une évaluation complète auprès d’un centre reconnu par l’ACRDQ.

[2]               Le recours en contestation ne contient aucun motif; on ignore donc sur quelle base il est fondé.

[3]               Le requérant se présente seul à l’audience.

[4]               Notons que la soussignée a été autorisée à siéger en quorum réduit aux fins du présent dossier [1] .

Le contexte

[5]               Dans une lettre datée du 1 er octobre 2012 adressée par la SAAQ au requérant, on l’informe qu’en raison d’une déclaration de culpabilité prononcée le 27 août 2012 relative à l’infraction perpétrée le 10 février 2011 de conduite ou garde d’un véhicule avec plus de 80 mg d’alcool dans le sang (253.1)b) du Code criminel (ci-après « C.cr. »), son permis de conduire est révoqué à compter de cette date.

[6]               La révocation du permis est effectuée conformément à l'article 180 du Code de la sécurité routière [2]  (ci-après «C.s.r.»).

[7]               Puisqu’il s’agit d’une première infraction au C.cr. liée à l’alcool au cours des dix dernières années, on informa le requérant qu’il doit se soumettre à une évaluation sommaire afin d’être admissible à l’obtention d’un nouveau permis le 27 février 2015. On mentionne, entre autres, que si l’évaluation n’est pas favorable, la SAAQ lui transmettra par écrit des informations sur la marche à suivre pour obtenir un nouveau permis.

[8]               La requérante se soumet à l’évaluation sommaire, d’où il en résulte un rapport non favorable le 21 novembre 2014. Cette évaluation sommaire, prescrite par l’article 76.1.2 C.s.r., vise à établir si le rapport du requérant à l’alcool ou aux drogues compromet, ou non, la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. En vertu de cette disposition, la personne doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l’alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[9]               Au rapport d’évaluation sommaire, on rapporte que le requérant a fait une évaluation du risque de récidive le 25 mai 2007. Selon le dossier de conduite, le requérant a été reconnu coupable de conduite/garde d’un véhicule avec plus de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang le 27 août 2012 suite à une 3 e infraction survenue le 10 février 2011. Il partait d’un bar pour revenir à son domicile. Il a été intercepté par les policiers pour conduite erratique. Il avait consommé trois bières. Selon le certificat du technicien qualifié, son taux d’alcoolémie était de 114 mg d’alcool par 100 ml de sang.

[10]            On relate que le requérant a été déclaré coupable de conduite/garde d’un véhicule avec les facultés affaiblies par l’alcool selon l’article 253.(1)a du C.cr. le 27 septembre 2000 suite à une 2 e infraction survenue le 11 août 2000. Il a aussi été reconnu coupable de conduite/garde d’un véhicule avec les facultés affaiblies par l’alcool selon la même dispo-sition du C.cr. le 5 août 1998 à la suite d’une première infraction survenue le 23 mai 1998.

[11]            Aux termes de l’évaluation, il ressort que la recommandation formulée est émise à partir d’un cumul d’éléments qui sont associés au risque de conduite avec les facultés affaiblies. L’évaluatrice mentionne que, dans le cas du requérant, le cumul de facteurs de risque atteint le seuil de risque significatif.

[12]            Elle note que, concernant les questionnaires autoadministrés liés à la consommation, il ressort quelques conséquences négatives dans la vie de monsieur. Selon les questionnaires autoadministrés liés aux attitudes, intentions, comportements et cognition, monsieur démontre une attitude laxiste envers la conduite avec les facultés affaiblies, ce qui sous-tend une certaine tolérance à la conduite avec présence d’alcool.

[13]            L’évaluatrice prend également en considération les deux antécédents du requérant de conduite avec les facultés affaiblies. Elle conclut que monsieur présente un potentiel de risque de récidive et elle recommande de le soumettre à une évaluation de réduction du risque de récidive afin de s’assurer que ses habitudes de consommations d’alcool ne seront plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. Les résultats démontrent qu’il faut approfondir l’évaluation avant d’indiquer à la SAAQ si la consommation d’alcool de monsieur est compatible avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

Preuve et prétentions des parties

[14]            Le requérant témoigne à l’audience. Il a maintenant 74 ans. Il ne comprend pas pour quelles raisons il ne peut récupérer son permis de conduire puisque, selon lui, il n’est pas dépendant à l’alcool. Il a été accusé au criminel pour conduite avec facultés affaiblies et déclaré coupable, donc il a payé cher pour ce qu’il a fait. Il était certain qu’il pouvait obtenir un nouveau permis dès le 27 février 2015.

[15]            À une question posée par la procureure de la SAAQ, il précise n’avoir jamais fait usage de drogues ou de psychotropes.

[16]            Le procureur de la SAAQ dépose les documents relatifs à l’évaluation sommaire [3] , les remet au requérant, et demande que soit rendue une ordonnance de confidentialité et de non-publication, non-divulgation et non-diffusion, ainsi que de non-utilisation à d’autres fins que celles prévues dans le cadre du Programme, en vertu de l'article 131 de la Loi sur la justice administrative [4]   (ci-après « L.j.a. »). Le Tribunal rend cette ordonnance.

[17]            Elle explique que le requérant a coté 3 sur les 10 facteurs de risque, soit le facteur B relatif aux problèmes liés à l’alcool, le facteur H relatif aux infractions au C.s.r., et le facteur I relatif aux risques liés aux attitudes, intentions, comportement et cognition. La procureure explique d’une manière détaillée le calcul du pointage relativement à chacun de ces facteurs de risque.

[18]            L’évaluatrice Natalie Tremblay témoigne sommairement sur les circonstances de l’administration du test de l’évaluation sommaire, des entrevues structurées et informatisées. Elle confirme que le requérant a bien répondu ne pas consommer de drogues, sa problématique étant davantage liée à la consommation d’alcool.

Analyse

[19]            Il appartenait au requérant de démontrer que le test a été mal appliqué ou que ses réponses aux différentes questions ont été mal comprises ou mal transcrites. Il devait démontrer qu’il y avait eu des erreurs dans l’administration du protocole d’évaluation sommaire. Or, aucune telle preuve n’a été présentée.

[20]            Les motifs soulevés par le requérant à l’audience ne sont pas susceptibles de mettre en doute les résultats de l’évaluation sommaire et la recommandation non favorable. Les dispositions de l’article 76.1.2 C.s.r. sont d’ordre public et sont édictées afin d’assurer la sécurité du titulaire du permis de conduire ainsi que la protection du public, et c’est dans ce contexte que s’inscrit le processus d’évaluation du risque.

[21]            L’évaluation sommaire a consisté à déterminer si le rapport du requérant à l’alcool compromet la conduite sécuritaire d’un véhicule routier et la recommandation qui en a découlé est défavorable. Il s’agit d’un processus de nature civile, qui interagit en parallèle avec le processus criminel.

[22]            Le fait que le requérant a été condamné au criminel pour une infraction liée à sa consommation d’alcool a entraîné la révocation de son permis de conduire et l’application de l’article 76.1.1 du C.s.r. sur l’évaluation du risque. Puisqu’il a échoué à l’évaluation sommaire, cette disposition fait en sorte que le requérant doit se soumettre à une évaluation complète.

[23]            Ici, les déclarations faites par le requérant sont contemporaines à l’évaluation et elles sont spontanées. Le requérant a consenti à l’évaluation et il a accepté de répondre à l’ensemble des questions en étant informé de ses objectifs, de la façon de procéder pour répondre et des suites possibles de cette démarche. Il en a accepté les conditions. Ces éléments n’ont jamais été remis en cause par le requérant.

[24]            La preuve prépondérante établissant la perpétration d’infractions reliées à l’alcool, les circonstances révélées par l’évaluation sommaire, et les réponses aux nombreuses questions données volontairement démontrent que le rapport à l’alcool du requérant est incompatible avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[25]            Le requérant doit se soumettre à un examen médical et à une évaluation complète auprès d’un centre reconnu par l’ACRDQ.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

-         REJETTE le recours;

-         ORDONNE la confidentialité des documents produits en lien avec l'évaluation sommaire et en INTERDIT la diffusion, la publication, la divulgation et l'utilisation à des fins autres que celles prévues dans le cadre du Programme d’évaluation.

 


 

 

DIANE BOUCHARD, j.a.t.a.q.


 

Dussault, Mayrand

Me Elena Iliescu

Procureure de la partie intimée


 



[1] Le Tribunal a autorisé une réduction du quorum à un seul membre, en vertu de l’article 83 , alinéa 3 de la Loi sur la justice administrative.

[2] RLRQ, chapitre C-24.2.

[3] Pièce I-1.

[4] RLRQ, chapitre J-3.