RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX
DÉCISION
[1] Le 16 juin 2015, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a adressé à la titulaire un avis de convocation à une audience afin d’examiner et d’apprécier les allégations décrites aux documents annexés à l’avis, d’entendre tout témoignage utile aux fins de déterminer s’il y a eu ou non manquement à la loi et, le cas échéant, suspendre ou révoquer les permis de la titulaire.
LES FAITS
[2] Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :
[Transcription conforme]
Contenant non timbré et omission de garder les boissons alcooliques dans les contenants originaux
Le 12 novembre 2014, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le contenant de boisson alcoolique suivant : (Document 1)
- 1 sac de plastique/d'aluminium de vin blanc de 4 litres de marque inconnue, 10,7% alc./vol.
Le timbre de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce contenant.
Ce contenant a été trouvé dans le réfrigérateur du restaurant sur une étagère.
Total en litres du contenant non timbré : 4 litres.
De plus, ce contenant a été trouvé hors de son contenant original.
La Régie a été informée que vous avez, le 14 avril 2015, plaidée coupable devant les autorités compétentes, de l’infraction d’avoir omis de garder les boissons alcooliques dans les contenants originaux. (Document 2)
[3] L’audience s’est tenue à Québec le 1 er septembre 2015, par conférence téléphonique. M me Micheline Proulx, actionnaire unique de la titulaire, était présente. La Direction du contentieux de la Régie (le Contentieux) était représentée par M e Félix Plante.
[4] M e Plante réfère au document 1 joint à l’avis de convocation, soit le rapport d’infraction général de la Sûreté du Québec (Victoriaville), où il est fait état que, à la suite de l’inspection de l’établissement faite dans le cadre de l’opération ACCES le 12 novembre 2014, 1 sac de plastique/d’aluminium de vin blanc de 4 litres de marque inconnue a été saisi.
[5] Le timbre de la Société des alcools du Québec (SAQ) n’était pas apposé sur ce contenant. De plus, ce contenant a été trouvé hors de son contenant original
[6] Le titulaire a plaidé coupable, le 14 avril 2015, de l’infraction d’avoir omis de garder les boissons alcooliques dans les contenants originaux (document 2).
Preuve de la titulaire
[7] Lorsque les policiers ont saisi le sac de plastique le 12 novembre 2014, il y restait du vin pour servir à peine un verre.
[8] Les policiers ont fait une inspection ce matin même, le 1 er septembre 2015 et tout était correct.
[9] Elle achète toujours des contenants de vin blanc et de vin rouge de marque Jouvenceau à la SAQ de Victoriaville. Elle n’achète jamais de bouteilles de vin.
[10] L’employée a fait une erreur en ne conservant pas la boîte de carton. Le timbre de droit était sur la boîte et elle l’a jetée.
[11] Elle fera parvenir des factures de la SAQ démontrant les achats faits à la SAQ.
[12] Elle ne savait pas qu’il est interdit de sortir le sac de plastique/aluminium de son contenant original.
[13] Après l’événement du 12 novembre 2014, elle a donné des directives strictes à ses employés. Ils ne doivent plus sortir le sac de plastique de la boîte.
LE DROIT
[14] Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :
Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)
84. Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie (...)
84.1. Les boissons alcooliques, qu'une personne munie d'un permis pour en vendre se procure dans le but de les distribuer à ses clients ou à ses hôtes, doivent être, pendant qu'elles sont dans l'établissement où cette personne exerce son commerce, gardées dans les contenants dans lesquels elles lui ont été livrées ou dans un système de tuyauterie qui satisfait aux normes prévues par règlement de la Régie.
Tant que ces contenants portent la marque ou étiquette qu'ils portaient lors de leur livraison, il est défendu d'y mettre aucune autre substance et le titulaire du permis, lorsqu'un contenant a été entamé, ne peut le remplir entièrement ou partiellement afin de servir de la boisson alcoolique. Toutefois, le titulaire d'un permis de restaurant pour vendre peut préparer à l'avance des carafons de vin entre 11 heures et 14 heures ou entre 17 heures et 20 heures, pourvu qu'en dehors de ces heures, il détruise ou élimine le reste du vin contenu dans ces carafons.
(modifications aux heures le 18 décembre 2002)
Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)
72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de brasseur, de production artisanale, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S - 13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.
(…)
86. (…) La Régie peut révoquer ou suspendre un permis si :
9º le titulaire du permis ou, dans le cas où ce titulaire est une société ou une corporation visée dans l'article 38, une personne mentionnée dans cet article, a été déclaré coupable d'une infraction à la présente loi ou aux règlements, à la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (chapitre I-8.1), à une loi sur la sécurité, l'hygiène ou la salubrité dans les édifices publics (…) ou à un règlement adopté en vertu d'une telle loi (…)
86. (…) La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si :
(…)
4° le titulaire du permis a contrevenu à l’article 72.1;
(…)
La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l’article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants :
a) la quantité de boissons alcooliques ou d’appareils de loterie vidéo;
b) le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaises qualité ou impropres à la consommation;
c) le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;
d) le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l’article 72.1 dans les cinq dernières années;
e) le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu’elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13)
ANALYSE
[15]
Pour
l’application de l’article
[16] Dans la décision Boule-O-Drome Rive-Sud inc. [3] , on peut y lire la définition du mot « tolérer » :
[Transcription conforme]
[37] Toutefois,
comme l’a précisé la jurisprudence, la preuve d’une faute par négligence ou une
intention de faire n’est pas une exigence de l’article
[17] La Régie estime qu’un titulaire qui connaît la présence dans l’établissement de boissons alcooliques non acquises conformément à son permis ou qui est présumé la connaître en raison des faits et circonstances de l’affaire et qui n’a pas pris les moyens pour s’en défaire dans un délai raisonnable, contrevient à la loi. Il en est de même de celui qui, sans connaître cette présence, n’a pas pris les moyens pour faire en sorte que cela ne se produise.
[18] Dans ce contexte, il est clair qu’un titulaire doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que des boissons alcooliques non acquises conformément à son permis ne se retrouvent dans son établissement.
[19] Le fait que des bouteilles de vin ou de spiritueux gardées en inventaire ne portent pas le timbre légal et que des bouteilles de bière ne portent pas la mention CSP crée une présomption d’acquisition non conforme par le titulaire.
[20] Cette présomption peut être renversée par des moyens de preuve adéquats dont, notamment, la production de factures contemporaines à la saisie et démontrant l’acquisition de produits compatibles et identiques à ceux saisis.
[21] Concernant la présence du sac de plastique/d’aluminium, M me Proulx a fait parvenir, comme elle s’était engagée à le faire lors de l’audience, des factures de la SAQ.
[22] Ces factures, démontrant l’achat par la titulaire de vin de marque «Jouvenceau Cuvée Blanc» en format de 4 litres, sont datées du 5 juin 2013 ( 1 contenant), 5 novembre 2013 (2 contenants) et 23 décembre 2014 (2 contenants).
[23] La facture du 23 décembre 2014 doit être écartée, étant postérieure à saisie du 12 novembre 2014.
[24] Le Tribunal considère que les factures du 5 juin 2013 et 5 novembre 2013 ne sont pas contemporaines à la saisie du 12 novembre 2014. En effet, celles-ci datent respectivement d’un peu plus de 17 et 12 mois avant la saisie.
[25] Le Tribunal conclut que la titulaire n’a pas renversé la présomption d’acquisition non conforme résultant de l’absence de timbre de droit sur le sac de plastique/d’aluminium de vin blanc de 4 litres de marque inconnue saisi le 12 novembre 2014.
[26] La titulaire a toléré dans son établissement des boissons alcooliques non acquises conformément à ses permis.
[27]
Comme il y a
eu contravention à l’article
[28] Dans les circonstances, et compte tenu de la ligne décisionnelle de la Régie, une suspension de 2 jours apparaît juste et équitable.
[29] Quant à l’infraction d’avoir omis de garder une boisson alcoolique dans son contenant original, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu d’intervenir compte tenu des explications fournies et du fait qu’il s’agit d’une première convocation, à ce sujet, pour la titulaire depuis 1992.
[30] Toutefois, le Tribunal l’avise qu’une récidive pourrait entraîner des mesures de suspension du permis exploité.
PAR CES MOTIFS, |
SUSPEND pour une période de 2 jours , le permis de restaurant pour vendre, numéro 9489618 dont 2944-7802 Québec inc. est titulaire, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin;
ORDONNE la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée.
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Régisseure |