COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

AM-1002-2820

Cas :

CM-2014-7545

 

Référence :

2015 QCCRT 0540

 

Montréal, le

16 octobre 2015

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DEVANT LE COMMISSAIRE :

Sylvain Bailly, juge administratif

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Javier Sneyder Rojas

 

Plaignant

c.

 

Union internationale des travailleurs et travailleuses unis

de l'alimentation et de commerce, FAT - COI - CTC - FTQ local 1991-P

Intimée

et

 

Olymel, société en commandite et Olymel inc. (sa commandite)

 

            Mise en cause

 

 

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DÉCISION

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[1]            Le 29 décembre 2014, Javier Sneyder Rojas (le plaignant ) dépose à la Commission une plainte en vertu des articles 47.2 et suivants du Code du travail , RLRQ, c. C-27 (le  Code ), dans laquelle il prétend que l’Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et de commerce, FAT - COI - CTC - FTQ local 1991-P (le syndicat ) a manqué à son devoir de représentation à son égard.

[2]            Plus précisément, il reproche au syndicat de ne pas avoir déféré à l’arbitrage trois griefs concernant une suspension, un congédiement et une plainte en harcèlement psychologique.

[3]            Le syndicat soutient avoir rempli les obligations inhérentes à son devoir de représentation.

[4]            La Commission constate, en conférence préparatoire avant le début de l’audience, que les griefs du plaignant sont toujours actifs. En principe, les griefs n’ayant pas été retirés officiellement par le syndicat, ils sont toujours valides. De ce fait, la Commission explique au plaignant que son recours serait alors sans objet.

[5]            D’ailleurs, le syndicat présente une objection préliminaire voulant que la plainte soit sans objet, puisqu’au moment de l’audience, il ne s’est toujours pas désisté des griefs du plaignant.

[6]            Le syndicat fait valoir qu’il a fait parvenir au plaignant, le 22 mai 2015, une copie de l’avis juridique complété par son avocate. Dans la lettre d’accompagnement, il l’invite à lui indiquer les énoncés qui sont faux ou incomplets et à fournir tous les éléments pertinents à l’analyse des griefs déposés, avant le 28 mai 2015, 9 h 30, date de l’audience à la Commission.

[7]            Devant cette situation, la Commission demande aux parties de se rencontrer afin de faire le point sur le dossier. Cette rencontre a été infructueuse et la Commission décide donc de procéder sans autre formalité.

les faits

[8]            Le plaignant travaille chez Olymel inc. ( Olymel ) depuis neuf ans, à titre de journalier.

[9]            Le 25 novembre 2014, le contremaître de production lui remet un avis écrit avec suspension de 20 jours. Cet avis comporte un résumé des derniers avis qu’a reçus le plaignant :

-       Un avis écrit sans suspension le 25 février 2014;

-       Un avis écrit avec suspension d’une journée le 11 juin 2014;

-       Un avis écrit avec une suspension de trois jours le 19 juin 2014;

-       Un avis écrit avec suspension de cinq jours le 26 août 2014;

-       Un avis écrit avec suspension de cinq jours le 13 novembre 2014.

[10]         Le lendemain, le syndicat dépose un grief afin de contester cette mesure disciplinaire ainsi qu’un autre grief de harcèlement psychologique.

[11]         Le 12 décembre 2014, le plaignant est suspendu aux fins d’enquête.

[12]         Le 18 décembre suivant, le plaignant est congédié par Olymel. On lui reproche les faits suivants : il quitte l’usine sans avoir poinçonné sa carte et en le faisant faire ultérieurement par un autre employé. En agissant ainsi, il falsifie la tenue de son temps afin d’obtenir une rémunération à laquelle il n’a pas droit. De plus, il aggrave la situation en mentant lors de l’enquête d’Olymel. 

[13]         Le lendemain, le syndicat dépose un grief afin de contester ce congédiement.

[14]         Le plaignant dépose la plainte qui fait l’objet du présent dossier
le 29 décembre 2014. Il y soutient, entre autres, que le syndicat n’a pas déposé de griefs pour le défendre, ce qui est inexact.

[15]         Yves Dupont est le représentant syndical affecté au dossier du plaignant. Il explique le cheminement du dossier de celui-ci.

[16]         Après avoir reçu la plainte à l’encontre du syndicat, il demande une opinion juridique à l’avocate du syndicat. Par la suite, il y a eu une enquête interne menée par les délégués syndicaux et des rencontres en avril et en mai 2015 avec l’avocate du syndicat.

[17]         Le 22 mai 2015, l’avocate du syndicat lui remet un avis juridique, mentionné plus haut, portant sur les trois griefs. Dans tous les cas, l’avis conclut que les griefs sont voués à l’échec à la lumière des faits que le syndicat possède. Cet avis juridique est également transmis au plaignant en même temps que la lettre du 22 mai mentionnée plus haut.

[18]         Le matin de l’audience, à l’invitation de la Commission comme on l’a déjà vu, Yves Dupont rencontre le plaignant, car le syndicat est toujours en attente d’une réponse de sa part. Après la lecture de l’avis juridique, il lui demande s’il y a des faussetés dans ce qui est rapporté ou encore s’il a quelque chose à rajouter.

[19]         Le plaignant n’ajoute rien de nouveau concernant le grief de la suspension de 20 jours. Pour ce qui est du grief de congédiement, il prétend que tout est faux, sans toutefois préciser les éléments qui sont faux.

[20]         En ce qui a trait au grief portant sur le harcèlement psychologique, le plaignant ajoute quelques éléments qui, selon Yves Dupont, ne convainquent pas le syndicat.

[21]         Dès lors, le syndicat constate que les griefs sont voués à l’échec et qu’il devra s’en désister.

[22]         Le plaignant soutient ne pas être au courant que des griefs avaient été déposés et que de fait, il n’en a pris connaissance que le matin même de l’audience. Toutefois, en contre-interrogatoire, il admet qu’en février 2013, il a été présent lors d’une rencontre, avec les représentants du syndicat lors de laquelle ils ont discuté des trois griefs.

prétention des parties

[23]         Le syndicat reconnaît que la situation est particulière. Le fait de laisser au plaignant un délai de réponse jusqu’au matin de l’audience fait en sorte que les griefs sont toujours actifs, même si le syndicat a l’intention de les retirer. De plus, aucun représentant d’Olymel n’étant pas présent à l’audience, le syndicat ne peut lui signifier le retrait des griefs.

[24]         Toutefois, le syndicat soutient qu’il a rempli son obligation de juste représentation. Il a entrepris des démarches, complété son enquête et requis un avis juridique qui conclut que les griefs concernant le plaignant sont voués à l’échec. La plainte est irrecevable au moment de son dépôt et elle l’est tout autant après.

[25]         Le plaignant n’ajoute rien.

analyse et motifs

[26]        L’article 47.2 du Code impose au syndicat des obligations en raison du pouvoir exclusif qu’il détient de représenter tous les salariés compris dans son unité de négociation. Cet article énonce que :

47.2.    Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non .

[27]         Le plaignant a le fardeau d’établir que le comportement du syndicat ne respecte pas l’obligation de juste représentation que le législateur lui impose. Qu’en est - il dans le présent dossier?

[28]         Le plaignant a déposé sa plainte le 29 décembre 2014, soit dix jours après que le syndicat ait déposé un grief pour contester son congédiement et un mois après les griefs concernant la suspension de 20 jours et de harcèlement psychologique.

[29]         Il est extrêmement difficile de prétendre qu’un syndicat manque à son obligation de juste représentation à l’intérieur de si peu de temps. Les délais pour déférer un grief à l’arbitrage ne sont pas échus. Néanmoins,  même si aussi peu de temps s’est écoulé entre le dépôt des griefs et la plainte, la Commission doit examiner celle-ci au moment de son dépôt.

[30]         La Commission constate que le plaignant n’a apporté aucune preuve quant à un quelconque manquement du syndicat à son obligation de juste représentation.

[31]         Ce dernier a déposé les griefs comme il se doit et a, de ce fait, protégé les droits du salarié qu’il représente. Aucun reproche ne peut lui être fait à cet égard.

[32]         Cela est suffisant pour disposer du litige et rejeter la plainte.

[33]         Dans ces circonstances, nul ne peut prétendre que le syndicat a failli à son obligation de représentation.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

ACCUEILLE                  l’objection préliminaire;

REJETTE                      la plainte.

 

 

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Sylvain Bailly

 

M e France Saint-Laurent

TRUDEL, NADEAU SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF

Représentante de l’intimée

 

 

Date de l’audience :

28 mai 2015

 

 

 

/ jt