Environnement Sanivac inc. c. Lamoureux |
2015 QCCQ 10261 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT |
D’ALMA |
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« Chambre civile » |
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N° : |
160-22-000056-149 |
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DATE : |
14 octobre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
MONSIEUR LE JUGE |
PAUL GUIMOND, J.C.Q. |
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ENVIRONNEMENT SANIVAC INC. |
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et |
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SANCOVAC 2000 INC. |
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Partie demanderesse |
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c. |
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LUC LAMOUREUX |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Les demanderesses Environnement Sanivac inc. et Sancovac 2000 inc. (ci-après globalement appelées Sanivac) poursuivent pour un montant de 24 000 $ le défendeur M. Luc Lamoureux (ci-après M. Lamoureux) lui reprochant d’avoir quitté son emploi sans préavis et de façon intempestive.
[2] M. Lamoureux, quant à lui, se porte demandeur reconventionnel pour des montants respectifs de 25 000 $, 1 439,10 $ et 2 800 $ faisant ainsi valoir que la procédure principale s’avère abusive puisque manifestement mal fondée et frivole, pour réclamer un solde dû sur bonus ainsi que pour des vacances impayées.
[3] Environnement Sanivac inc. s’avère une entreprise spécialisée dans le pompage et la récupération de matières résiduelles alors que Sancovac 2000 inc. est spécialisée en gestion environnementale.
[4] En date du 4 mars 2013, Environnement Sanivac inc. et M. Lamoureux concluent un contrat d’emploi pour une période d’un an [1] .
[5] Il est prévu audit contrat que M. Lamoureux agira à titre de directeur d’Environnement Sanivac inc. et Sancovac 2000 inc.
[6] Comme M. Lamoureux a reconnu en contre-interrogatoire qu’il travaillait pour les deux entités, c’est la raison pour laquelle il est fait référence à Sanivac globalement dans le présent jugement, la question de déterminer pour le compte de qui, il effectue ses fonctions devenant dès lors purement académique.
[7] Toujours est-il que M. Lamoureux exerce ses fonctions aux installations de Québec de Sanivac et il répond directement du propriétaire, M. Robyn Labonté (ci-après M. Labonté), qui se rend régulièrement sur les lieux à Québec à partir de ses installations d’Alma.
[8] L’article 2.1 du contrat P-2, quant à la durée du contrat d’emploi stipule ce qui suit :
2.1 Le présent contrat d’emploi sera d’une durée d’un an à compter de la signature des présentes et pourra être renouvelé à son terme, uniquement du consentement mutuel des parties survenu dans un délai minimum d’un (1) mois précédant l’expiration du terme du présent contrat d’emploi ou son renouvellement.
(Notre emphase)
[9] Pendant l’année du contrat, la prestation de travail de M. Lamoureux est fournie sans embûche et sans que quoi que ce soit de particulier puisse être noté.
[10] Quelques mois après son embauche, M. Lamoureux se fait même confirmer qu’un bonus de 5 000 $ lui est octroyé par l’entreprise.
[11] Dans les jours qui suivent la fin du contrat, c’est-à-dire le 4 mars 2014, les parties ne discutent d’aucune façon de leur relation future pas plus qu’ils ont jugé pertinent dans les semaines précédant la date d’expiration de l’entente de négocier de nouvelles conditions d’emploi ou encore une nouvelle durée.
[12] Toutefois, le 21 mars 2014, en fin de journée, Sanivac est avisé du départ de M. Lamoureux.
[13] En quittant, M. Lamoureux laisse la lettre suivante [2] :
Lévis, le 21 mars 2014
Environnement Sanivac
(adresse)
Monsieur Robyn Labonté
Je vous informe que j’ai pris la décision de démissionner de mon poste de Directeur que j’occupe actuellement au sein de la société Environnement Sanivac en date du 21 mars 2014. Pour faciliter la transition pour vous et toute l’équipe, si vous le désirez, je resterai disponible par téléphone et par courriel pour deux semaines.
Mon départ s’explique par le fait que mon contrat de travail est terminé depuis le 15 mars 2014. Et que depuis quelques mois, je ne me sens plus apprécié à ma juste valeur avec vos commentaires négatifs sur mon travail, et de la façon que je gère votre entreprise ne semble plus être à votre satisfaction.
Donc, je préfère quitter en étant convaincu que mon mandat d’un an dans votre entreprise a été effectué avec succès.
Je vous demande donc de me payer mon solde de ma dernière semaine de travail et mes vacances accumulées, ainsi que le reste de mon bonus au montant de 1 439,10 $ et la balance de mes heures en banque et mon relevé d’emploi.
Je vous prie de croire, Monsieur Labonté, en l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Signature
Luc Lamoureux
SANIVAC
[14] Le représentant de Sanivac fait valoir que M. Lamoureux a quitté l’entreprise sans laisser de préavis, ce qui lui a occasionné d’importants préjudices.
[15] Il insiste sur l’importance du poste occupé par M. Lamoureux qui entre autres, voit au budget annuel, à ce qu’un entretien adéquat de la flotte mécanique soit effectué, à la sélection, l’embauche et l’évaluation du personnel, à autoriser seul, tous les achats inférieurs à 5 000 $, à approuver les soumissions, etc.
[16] Le départ rapide de M. Lamoureux fait en sorte que Sanivac n’a pas le temps de procéder à l’embauche d’un nouvel employé pour le remplacer si bien que M. Labonté doit se rendre à Québec sur une base beaucoup plus régulière de façon à pallier à la situation d’urgence dans laquelle, il se retrouve.
[17] Il reproche également à M. Lamoureux de ne pas avoir vu au transfert de ses connaissances et de n’avoir assuré une transition adéquate.
[18] De plus, des clients importants se seraient plaints et n’auraient reçu le service auquel ils peuvent s’attendre.
[19] C’est donc un préavis de 8 semaines qu’il aurait considéré comme étant raisonnable si bien qu’il évalue à 24 000 $ les dommages que Sanivac a subis suite à ce départ intempestif.
M. LAMOUREUX
[20] M. Lamoureux limite l’ampleur et l’importance que semble donner M. Labonté à ses fonctions et ainsi qu’à son implication.
[21] À titre d’exemple, alors que M. Labonté indique que M. Lamoureux a été la cause d’un important investissement au niveau d’un camion usine ainsi que dans l’acquisition d’un nouvel immeuble, il rétorque que l’achat du camion s’avère l’idée originale de M. Labonté alors que pour l’acquisition de l’immeuble, cela est dû à l’obligation de quitter l’endroit jadis occupé, et ce, à la demande du propriétaire.
[22] À titre de dirigeant, les décisions finales reviennent toutes à M. Labonté qui se doit d’assumer ses choix.
[23] Quant à son départ, il soumet que le préavis de 2 semaines donné [3] indique clairement qu’il accepte de demeurer disponible, offre que n’accepte pas M. Labonté.
[24] Il nie avoir quitté de façon intempestive, départ qui s’avère prévisible pour M. Labonté qui n’a manifesté aucun désir de le retenir et/ou lui offrir une prolongation de son contrat avant terme.
[25] Non seulement considère-t-il ne rien devoir, mais qui plus est, il fait valoir que les procédures sont à ce point frivoles que cela fait en sorte qu’il a droit d’être indemnisé pour les honoraires et débours extrajudiciaires qu’il encourt.
[26] De plus, il fait valoir son droit au solde dû sur bonus ainsi que ses vacances impayées.
[27] M. Lamoureux a-t-il fait défaut de donner un préavis raisonnable?
[28] Dans l’affirmative, à quelle somme a droit Sanivac?
[29] La demande reconventionnelle à l’égard des 3 postes de réclamation est-elle bien fondée?
[30]
Concernant d’abord le délai-congé, le Tribunal rappelle le libellé des
articles
2090. Le contrat de travail est reconduit tacitement pour une durée indéterminée lorsque, après l'arrivée du terme, le salarié continue d'effectuer son travail durant cinq jours, sans opposition de la part de l'employeur.
2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l'autre un délai de congé.
Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l'emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s'exerce et de la durée de la prestation de travail.
[31] De part et d’autre, les parties définissent mal la fin du contrat D-2.
[32] M. Lamoureux croit qu’il se termine le15 mars alors que M. Labonté ne pense pas que l’échéance du 4 mars 2014 ait une quelconque incidence.
[33] Or, le contrat intervenu entre les parties est à durée déterminée, lequel expire le 4 mars 2014.
[34] Dès lors et comme les parties n’ont aucune quelconque discussion dans les jours qui suivent quant au renouvellement, l’article 2090 qui précède trouve pleine application si bien qu’il y a eu tacite reconduction, et ce, pour une durée indéterminée.
[35] Effectivement, le contrat s’avère renouvelé, mais strictement pour ce qui est des conditions essentielles (salaire, heures de travail et vacances).
[36] De ce fait, le délai-congé d’un mois prévu à l’entente originale D-2 ne tient plus.
[37] Cela ne fait pas en sorte qu’un préavis ne doive tout de même être donné advenant que l’une ou l’autre des parties désire mettre fin à l’entente.
[38] Conformément à l’article 2091 qui précède, un préavis se doit d’être donné par M. Lamoureux avant de quitter.
[39] Le Tribunal ne rejoint pas les arguments de M. Lamoureux lorsqu’il indique avoir réellement donné un préavis de 15 jours.
[40] Tout au plus, M. Lamoureux s’est déclaré disponible par voie téléphonique et/ou par courriel pour assister les représentants de l’entreprise suite à sa décision de quitter.
[41] Or, il ne s’agit pas là d’un préavis de départ respectant la norme usuelle.
[42] La pièce D-2 ne constitue pas un préavis valable puisque M. Lamoureux ne se déclare pas disponible pour demeurer à l’emploi de l’entreprise pour une période supplémentaire de 2 semaines.
[43] Il ne peut donc reprocher à Sanivac de ne pas avoir profité de l’occasion qui lui était offerte de bénéficier de ses services par voie téléphonique ou par courriel.
[44] De toute façon, à une question du procureur de Sanivac, il reconnaît honnêtement qu’il n’avait pas l’intention de demeurer sur place pour une période supplémentaire et même de 2 semaines et d’offrir sa prestation de service.
[45] Ceci étant, l’on se doit de décider de la durée raisonnable du préavis.
[46] S’il est vrai que M. Lamoureux ne travaille que 13 jours après l’échéance du 4 mars 2014, l’on ne peut considérer que cette courte période pour décider d’un délai raisonnable.
[47] En effet, tel que mentionné ci-haut, le Code civil du Québec impose de s’inspirer non seulement de la durée de la prestation de travail, mais également de la nature de l’emploi et des circonstances particulières dans lequel il s’exerce.
[48] Même si le Tribunal reconnaît que l’implication de M. Lamoureux dans l’entreprise n’est pas aussi pointue que le prétend le représentant de Sanivac, toujours est-il qu’on doit qualifier d’important le poste qu’il occupe.
[49] De plus, l’on se doit également de tenir compte du fait que M. Lamoureux quitte l’entreprise alors que cette dernière est en plein déménagement lequel se déroulera sur plusieurs jours et qu’il s’avère un acteur important devant voir à ce que le tout s’arrime le mieux possible.
[50] Dans ces circonstances, le Tribunal considère comme raisonnable un préavis de 2 semaines.
[51] En négligeant de donner un tel préavis, M. Lamoureux a causé des dommages à Sanivac.
[52] Toutefois, comme aucune perte de revenu n’a été démontrée pas plus qu’une quelconque perte de clientèle, le Tribunal a de sérieuses réserves quant aux réels dommages que ce départ a pu occasionner.
[53] Certes, M. Labonté a dû mettre les bouchées doubles pour une certaine période de temps, lui qui se rend sur place à toutes les semaines de toute façon, mais qui a dû augmenter de façon significative la cadence.
[54] D’autre part, la preuve démontre qu’aucun employé n’est venu remplacer M. Lamoureux puisque l’on a pu faire assumer ces tâches par les employés déjà en poste, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.
[55] Considérant ce qui précède et exerçant sa discrétion judiciaire, c’est à une somme de 4 000 $ que le Tribunal détermine le paiement à être effectué par M. Lamoureux à son employeur à titre de dommages, vu l’absence de préavis de départ.
[56] Quant à la demande reconventionnelle, elle sera accueillie en ce qui a trait au solde dû sur bonus ainsi que pour les vacances impayées pour un total de 4 239,10 $.
[57] Aucune somme ne sera toutefois accordée à titre de dommages et intérêts pour compenser des honoraires et débours extrajudiciaires que M. Lamoureux a encourus.
[58] Ni la mauvaise foi ni quelconque abus de Sanivac et ses représentants n’ont été démontrés bien au contraire.
[59] Récemment, la Cour d’appel du Québec sous la plume de l’honorable Nicholas Kasirer indiquait à ce sujet [4] :
Il me semble qu’un
recours manifestement non fondé, techniquement qualifié d’abus au sens du
premier aliéna de l’article 54.1, exigerait la preuve de mauvaise foi, d’un
comportement déraisonnable, ou d’une « témérité » qui s’apparente à
une faute civile, pour justifier une condamnation aux dommages-intérêts,
« outre les dépens », comme le précise l’article
[60] En concluant à un délai déraisonnable, le Tribunal ne peut conclure au caractère frivole du recours entrepris par Sanivac.
[61]
Les critères pour l’exercice d’un recours suivant l’article
[62] ACCUEILLE en partie la demande principale;
[63]
CONDAMNE
M. Luc Lamoureux à verser à Environnement Sanivac inc.
et Sancovac 2000 inc. la somme totale de 4 000 $ portant intérêt au taux
légal de 5 % plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[64] ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle;
[65]
CONDAMNE
solidairement Environnement Sanivac inc et Sancovac 2000
inc. à verser à M. Luc Lamoureux la somme de 4 239,10 $ portant intérêt au
taux légal de 5 % plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[66] LE TOUT , chaque partie assumant ses propres frais, vu le caractère mitigé de la présente décision.
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__________________________________ PAUL GUIMOND |
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Juge à la Cour du Québec |
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M e Jocelyn Pilote |
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LAROUCHE LALANCETTE PILOTE, AVOCATS, s.e.n.c.r.l. |
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Procureurs des demanderesses et défenderesses reconventionnelles |
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M e Julie Dorion |
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BCF s.e.n.c.r.l. |
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Procureurs du défendeur et demandeur reconventionnel |
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Date d’audience : |
16 septembre 2015 |
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