Forget c. Bastien

2015 QCCQ 10366

JL 4270

 
 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

ST-JÉRÔME

« Chambre civile  »

N° :

700-32-029739-149

 

 

 

DATE :

14 octobre 2015

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

DENIS LAPIERRE, J.C.Q.

 

 

 

NANCY FORGET

-et-

PIERRE LÉVESQUE

Demandeurs

c.

EMMANUELLE BASTIEN

Défenderesse

 

 

 

JUGEMENT

 

 

 

[1]            Les demandeurs se plaignent des vices qu'ils ont découverts sur les biens qu'ils ont achetés de la défenderesse le 20 août 2012.

[2]            Il s'agit d'un ensemble situé sur un terrain de camping à Granby, constitué essentiellement d'une roulotte d'une dizaine d'années et des aménagements qui l'entouraient, dont un cabanon et un patio de bois.

[3]            À vrai dire, les demandeurs soulèvent l'état des trois éléments principaux de la vente.

[4]            Un an après l'achat, la roulotte a laissé de l'eau s'infiltrer, ce qui a entraîné des réparations qui ont permis de voir la structure de bois affectée de traces noires et autres indices de dommages par l'eau.

[5]            Quant au cabanon, l'un des quatre murs était gâté par l'eau, en plus de la toiture que l'on savait devoir remplacer au moment de l'achat.

[6]            Enfin, la galerie avait besoin d'être refaite car elle était construite sur une ancienne structure détériorée.

[7]            En défense, madame Bastien soulève n'avoir reçu aucune dénonciation écrite avant que les demandeurs ne procèdent à la réfection de la roulotte.

[8]            Quant au cabanon, les demandeurs l'ont remplacé avant même de prendre connaissance de l'état des murs de celui existant. Cela est confirmé par la date d'achat du cabanon, et par le témoignage du demandeur à l'audience.

[9]            Enfin, selon la défenderesse, la galerie était dans un état normal eu égard à son âge, état qui était révélé par l'écaillement visible de sa finition et quelques planches à remplacer.

Les motifs

[10]         Pour réussir dans leur action, les demandeurs doivent démontrer l'existence d'un vice, le fait qu'il était caché et qu'il existait au moment de la vente [1] . Ils ont à cet égard le fardeau de la preuve [2] , qui doit être prépondérante par rapport à celle présentée en défense.

[11]         Ils doivent aussi démontrer qu'ils ont convenablement informé le vendeur au sens de l'article 1739 du Code civil du Québec .

a)         La roulotte

[12]         Au moment de son achat, il a été dénoncé aux demandeurs que la roulotte avait déjà connu une infiltration d'eau. Celle-ci a été réparée de l'intérieur par le conjoint de la défenderesse, qui a porté cette réparation à la connaissance des demandeurs.

[13]         De l'avis unanime des parties, la réparation a été efficace puisque, d'une part, elle n'était pas du côté où on a dû remplacer une portion de la structure et parce que, d'autre part, aucune trace d'infiltration d'eau n'existait à l'intérieur de la roulotte.

[14]         Il n'y a donc pas lieu de remettre en cause l'examen fait par les demandeurs de la chose achetée. Le vice n'était pas apparent et ils n'avaient pas l'obligation d'engager un expert [3] .

[15]         Par contre, se pose la question de l'antériorité du vice. Manifestement, l'infiltration d'eau vécue à l'automne 2013 n'existait pas au moment de l'achat. Il peut s'agir du résultat d'un joint de scellant arrivé au bout de sa vie utile ou de tout autre motif relié au vieillissement normal d'un bien de consommation.

[16]         Là où le bât blesse, c'est quant à l'état de la structure de la roulotte, découverte en effectuant les vérifications requises. La structure était noircie et les photos démontrent qu'il s'agissait d'un noircissement relié à un dégât d'eau.

[17]         Toutefois, le Tribunal ne détient aucun indice permettant de connaître l'âge et l'origine de cette détérioration par l'eau.

[18]         Il y a bien le rapport du professionnel qui a procédé à la réparation de la structure, mais celui-ci se borne à évoquer une infiltration d'eau ancienne et récurrente dans un rapport écrit, n'ayant pas été entendu comme témoin à l'audience, encore moins qualifié d'expert par le Tribunal.

[19]         Le Tribunal n'est donc en mesure de déterminer ni la cause, ni la gravité, ni l'antériorité de l'infiltration d'eau qui a affecté cette structure.

[20]         Mais il y a plus.

[21]         La défenderesse a raison de se plaindre de l'absence d'avis selon l'article 1739 du Code civil du Québec . Cet article exige de l'acheteur que, dès la découverte d'un vice affectant le bien vendu, il le dénonce par écrit au vendeur.

[22]         La dénonciation verbale ne suffit généralement pas, bien que la jurisprudence ait élaboré au fil des ans certaines exceptions, comme l'urgence ou la dénégation de responsabilité claire de la part du vendeur [4] .

[23]         Mais ici, le vendeur n'a été avisé ni verbalement ni par écrit.

[24]         Son conjoint a bien eu une conversation avec le demandeur, mais ce contrat n'impliquait pas la défenderesse, qui ne peut donc d'aucune façon être taxée d'avoir nié responsabilité, encore moins d'une manière assez claire pour dispenser l'acheteur d'un avis écrit. Elle n'a pas renoncé à son droit à une dénonciation écrite, ni à la possibilité d'examiner ou d'expertiser la roulotte [5] .

[25]         En fait, cet avis n'a été transmis que lorsque les réparations ont été terminées.

[26]         Bref, si les demandeurs ont établi l'existence d'un vice caché, ils n'ont pu en démontrer l'antériorité par rapport à la vente, ni la transmission de l'avis requis par l'article 1739 du Code civil du Québec .

[27]         Ces défauts sont dirimants [6] , et emportent déchéance du droit d'action des demandeurs à cet égard.

b-         Le cabanon

[28]         Le Tribunal est d'accord avec la défenderesse lorsqu'elle affirme que les demandeurs ne subissent aucun préjudice de l'état du cabanon, puisqu'un nouveau cabanon avait déjà été acheté au moment de la découverte des faits à l'origine de la présente action.

[29]         Le Tribunal note également que les acheteurs ont été en mesure de constater avant l'achat l'état de la toiture du cabanon, qui nécessitait un remplacement.

[30]         Quant à l'affirmation du demandeur qu'il comptait conserver la fondation de l'ancien cabanon pour y installer le nouveau, le Tribunal veut bien le croire et estime cette attente légitime, mais il n'est pas étonnant que, en démolissant un vieux cabanon, on ait découvert que son assise n'était plus utilisable pour un nouveau, encore moins un modèle préfabriqué dont les dimensions ne correspondent pas nécessairement à celles de l'ancien.

[31]         La preuve ne permet pas l'attribution d'une indemnité à ce chapitre.

c)         La terrasse

[32]         Selon le demandeur, la terrasse avait l'apparence de son âge, c'est-à-dire de sept à dix ans.

[33]         Il s'agissait d'une terrasse en bois, dont la surface était écaillée et dont quelques planches nécessitaient d'être remplacées.

[34]         Le conjoint de la défenderesse a également affirmé que l'ancienne structure était visible sous la nouvelle, car on pouvait encore apercevoir à certains endroits le tapis gazon qui la recouvrait.

[35]         Quoi qu'il en soit, le Tribunal estime que le remplacement de l'ancienne terrasse par une nouvelle constituerait une amélioration de la situation par rapport au bien acheté, d'autant plus que la preuve n'est pas claire quant au fait que cette terrasse devait de toute façon être démantelée pour permettre le retrait de la roulotte afin de la réparer, ni quant au fait qu'on n’aurait pas pu continuer à l'utiliser pendant quelques années, comme on l'a fait jusque-là.

[36]         Pour le Tribunal, la preuve à cet égard est insuffisante.

[37]         Bien que le Tribunal comprenne la déception des demandeurs à l'égard de leur achat, tout de même payé un bon montant compte tenu de son âge, il n'estime pas avoir la preuve nécessaire pour lui permettre de les indemniser. Aussi le rejet de l'action sera-t-il sans frais.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[38]         REJETTE la réclamation;

[39]         LE TOUT , sans frais.

 

 

 

__________________________________

Denis Lapierre, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

25 septembre 2015

 



[1]     Article 1726 du Code civil du Québec .

[2]     Articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec .

[3]     Article 1726 du Code civil du Québec .

[4]     Weiss c. Raschella (C.A., 2009-11-09), 2009 QCCA 2186, SOQUIJ AZ-50584232 , J.E. 2009-2186.

[5]     Béique c. Rodier (C.S., 2009-04-20), 2009 QCCS 1648, SOQUIJ AZ-50551176 , J.E. 2009-1096.

[6]     Desourdy c. Lagacé (C.A., 2013-11-15), 2013 QCCA 1986, SOQUIJ AZ-51019993 , 2013EXP-3849, J.E. 2013-2093;

Intact, compagnie d'assurances c. Mapp (C.S., 2011-08-01), 2011 QCCS 3929, SOQUIJ AZ-50776802 ;

Claude Joyal inc . c. CNH Canada Ltd. (C.A., 2014-03-21), 2014 QCCA 588, SOQUIJ AZ-51056948 , 2014EXP-1153, J.E. 2014-628.