Nolan c. Gardner

2015 QCCQ 10531

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-80-006901-142

 

 

 

DATE :

29 octobre 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SERGE LAURIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

John Nolan

 

Appelant

 

c.

 

Yves Gardner

 

Intimé

 

Et

 

Comité de discipline de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec

 

Mis en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

 

INTRODUCTION

[1]       Monsieur Nolan porte en appel la décision sur sa culpabilité [1] de trois chefs d’accusation ainsi que la décision sur sanction appliquée par le Comité de discipline de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (Comité) :

 

 

Accusation

Sanction

Chef 1a)

Le ou vers le 3 décembre 2009, concernant l'Immeuble sis au […] à Saint-Thècle, l'intimé n'a pas informé en temps opportun Frédéric Bouchard, agent immobilier, de l'existence de la promesse d'achat PA 29597, commettant ainsi une infraction à l'égard de Brian Ross et Dave Ross, Vendeurs contrevenant aux articles 24, 41 et 43 des Règles de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

suspension de 30 jours

Chef 1b)

Le ou vers le 3 décembre 2009, concernant l'Immeuble sis au […]à Saint-Thècle, l'intimé n'a pas informé en temps opportun Frédéric Bouchard, agent immobilier, de l'existence de la promesse d'achat PA 29597, commettant ainsi une infraction à l'égard de Jean Laberge et Évelyne Paradis, Promettant-Acheteurs contrevenant aux articles 24, 41 et 43 des Règles de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec..

suspension de 30 jours et amende de 1 000 $

Chef 1c)

Le ou vers le 3 décembre 2009, concernant l'Immeuble sis au […]à Saint-Thècle, l'intimé n'a pas informé en temps opportun Frédéric Bouchard, agent immobilier, de l'existence de la promesse d'achat PA 29597, commettant ainsi une infraction à l'égard de Frédéric Bouchard, agent immobilier contrevenant aux articles 24, 41 et 43 des Règles de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.

suspension de 30 jours et amende de 1 000 $

ORDONNE qu'un avis de la décision de suspension soit publié dans le journal Québec express dès que la présente décision deviendra exécutoire si l'intimé est titulaire d'un permis délivré par l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;

ORDONNE que tous les frais de l'instance soient à la charge de l'intimé, incluant les frais de publication de l'avis.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[2]       Le Comité de discipline a-t-il commis une erreur déraisonnable en faits et en droit, justifiant l’intervention de cette Cour, en déclarant monsieur Nolan coupable des chefs d’accusation ?

[3]       Le Comité de discipline a-t-il commis une erreur déraisonnable, justifiant l’intervention de cette Cour, dans la détermination des sanctions imposées à monsieur Nolan ?

 

CONTEXTE FACTUEL

[4]       Monsieur Nolan est titulaire d’un permis de courtier immobilier depuis le 25 juillet 2005.

[5]       Le 21 septembre 2008, messieurs Bryan Ross et Dave Ross (Vendeurs) retiennent les services de monsieur Nolan, courtier chez Re/Max 1 er Choix Inc., afin de vendre l’immeuble situé au […] , Saint-Thècle (l’Immeuble).

[6]       Le prix de vente demandé est de 259 000 $ et le contrat de courtage CC 58618 est valide jusqu’au 30 juin 2009.

[7]       Le 22 mai 2009, le prix de vente est réduit à 239 000 $.

[8]       Le 30 juin 2009, le contrat de courtage est prolongé jusqu’au 31 décembre 2009 et le prix de vente est de nouveau réduit pour s'établir à 219 000 $.

[9]       Le 30 novembre 2009, Jean Laberge et Évelyne Paradis (Promettant-Acheteurs) par l’entremise de leur agent immobilier, Frédéric Bouchard (Courtier Bouchard), signent la promesse d’achat PA 77414 pour l'acquisition de l’Immeuble.

[10]    La promesse d'achat PA 77414 est au montant de 175 000 $ et valide jusqu'à 21h le 3 décembre 2009.

[11]    Le Courtier Bouchard présente en personne cette promesse d'achat à monsieur Nolan et aux Vendeurs. Il la présente comme étant finale et non négociable. Ces derniers sont déçus par cette offre et désirent la refuser immédiatement. Sur les conseils de monsieur Nolan, ils décident d'y réfléchir et de reporter leur décision.

[12]    Le 3 décembre 2009 à 14h10, monsieur Sauliner, par procuration de Jean-Philippe Thomassin (Acheteur) et par l'entremise de monsieur Nolan, signe la promesse d’achat PA 29597 au montant de 195 000 $ pour l'achat de l’Immeuble.

[13]    Le 3 décembre 2009 à 20h50, les Vendeurs, simultanément (ou presque), refusent l’offre des Promettant-Acheteurs et acceptent celle de l’Acheteur.

[14]    La promesse d’achat des Promettant-Acheteurs prend fin quelques minutes après l’acceptation de l’offre de l’Acheteur.

[15]    Étant sans réponse de l’acceptation ou du refus de la promesse de ses clients, le Courtier Bouchard téléphone à monsieur Nolan pour s’enquérir du résultat. Monsieur Nolan l’informe que l’offre des Promettant-Acheteurs est refusée et qu’une autre offre d’achat présentée par l'Acheteur est acceptée. Il ajoute qu’il représente à la fois les Vendeurs et l’Acheteur dans cette transaction. Finalement, monsieur Nolan confirme que le délai de l’Acheteur pour fournir l’engagement d’un prêteur hypothécaire expire le 10 décembre 2009.

[16]    Les Promettant-Acheteurs et le courtier Bouchard portent plainte au Comité de discipline car monsieur Nolan ne les informe pas du refus de leur offre d'achat et qu'ils ne peuvent présenter, en temps, une deuxième offre.

[17]    Le Tribunal note que l'offre d’achat des Promettant-Acheteurs n’est pas expirée lorsque les Vendeurs acceptent la promesse d’achat de l’Acheteur. Le Tribunal note également que monsieur Nolan n’avise pas le Courtier Bouchard de l’existence de cette nouvelle offre avant qu'elle soit acceptée par les Vendeurs.

[18]    Le 5 décembre 2009, les Promettant-Acheteurs, par l’entremise du Courtier Bouchard, signent la promesse d’achat PA 44462 pour la somme de 185 000 $, laquelle est valide jusqu’à 18h, le 12 décembre 2009.

[19]    Le 10 décembre 2009, la modification MO 93907 est transmise par monsieur Nolan aux Vendeurs, laquelle est signée à 14h10. Cette modification accorde à l'Acheteur un délai supplémentaire de 18 jours pour recevoir la confirmation du prêt hypothécaire et satisfaire les conditions prévues à l’offre PA 29597.

[20]    Également, le 10 décembre 2009 à 14h20, les Vendeurs signent la contre-proposition CP 16550, faite aux Promettant-Acheteurs, qui contient la clause suivante :

« 1. PA 44462, clause 4.1, le prix d’achat sera de cent quatre-vingt-quinze mille dollars, 195 000.00

2. Cette contre-offre est conditionnelle à l’annulation d’une autre offre d’achat portant sur l’Immeuble acceptée par le vendeur et ce, avant le 23 décembre 2009. »

 

[21]    Le 13 décembre 2009 à 17h00, les Promettant-Acheteurs refusent la contre-proposition CP 16550.

[22]    Le 24 décembre 2009, toutes les conditions prévues à l’offre PA 29597 sont réalisées. Ce même jour, monsieur Nolan et les Vendeurs signent une dernière modification MO 93937 afin d’établir la rétribution de l’intimé à 4%.

[23]    Le ou vers le 21 janvier 2010, monsieur Jean-Philippe Thomassin se porte acquéreur de l’Immeuble au prix de 195 000 $.

 

ANALYSE

Positions des parties

Monsieur Nolan

[24]    Monsieur Nolan invoque divers moyens à l'encontre de sa culpabilité. Il affirme notamment que le Comité erre en droit sur l’interprétation du concept de la collaboration et de fin de la collaboration. Il soulève également une erreur du Comité lorsque ce dernier qualifie la stratégie du Courtier Bouchard de légitime et normale quand il présente une promesse d’achat comme étant finale et non négociable alors que ce n'est pas le mandat donné par ses clients. Monsieur Nolan invoque aussi que les Promettant-Acheteurs ne subissent aucun préjudice par son comportement, mais bien par celui du Courtier Bouchard qui qualifie sa promesse d'achat de finale et non négociable.

[25]    Il invoque également les moyens suivants concernant la sévérité de la sanction :

·     aucun antécédent déontologique

·     collabore avec le syndic.

·     pas de risque de récidive

·     se considère victime de la stratégie du Courtier Bouchard qui ne correspond pas à la réalité et qui va à l’encontre des instructions de ses clients.

[26]    Finalement, il souligne que la suspension est la sanction ultime et administrée lors d'une conduite contrevenant sérieusement et intentionnellement aux règles déontologiques.

 

 

Le Comité

[27]    Le Comité soumet que monsieur Nolan n’est pas en mesure de se décharger de son fardeau de preuve et démontrer que les décisions sont déraisonnables et qu'il a respecté le principe de collaboration à la base de la profession de courtier ainsi que les obligations déontologiques s'y rapportant.

 

Généralité

[28]    En vertu de l'article 136 de la Loi sur le courtage immobilier [2] , il y a appel des décisions du Comité devant la Cour du Québec. Cette Loi réfère au Code des professions [3] pour tout ce qui traite des règles de dépôt de plainte et d'appel. 

[29]    En vertu de l'article 175 du Code des professions , la Cour du Québec peut confirmer, modifier ou infirmer la décision du Comité. Également, la Cour peut substituer à une sanction imposée par le Comité, toute autre sanction prévue à l'article 156 du Code des professions .

 

Application de l'analyse relative à la norme de contrôle aux appels de décisions administratives

[30]    La Cour suprême, dans l’arrêt Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc. [4] , applique l'« analyse relative à la norme de contrôle » à l'appel d'une décision administrative du Comité et établit la norme à appliquer.  La juge Abella reproche à la Cour d'appel de ne pas appliquer la bonne norme de contrôle :

[18] Le rôle fondamental du comité de discipline est d’assurer le respect de ces règles de déontologie et la Cour d’appel du Québec a toujours appliqué la norme de la décision raisonnable aux décisions qu’il rend sous le régime de la LCI.  Cette méthode d’analyse empreinte de déférence a été établie par le juge Chamberland, dans Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090 (C.A.), et par le juge Dalphond, dans Pigeon c. Proprio Direct inc., J.E. 2003 1780, SOQUIJ AZ 50192600 .  Dans la première affaire, comme en l’espèce, il n’existait aucune clause privative. Le juge Chamberland a expliqué que, en dépit de l’absence de cette mesure de protection, l’expertise du comité dictait une norme de contrôle empreinte de déférence :

[B]ien que la Loi prévoie un droit d’appel des décisions du Comité de discipline, l’expertise de ce comité, l’objet de la Loi et la nature de la question en litige militent tous en faveur d’un degré plus élevé de déférence que la norme de la décision correcte.  La norme de contrôle appropriée est donc celle de la décision raisonnable . . .  [par. 36]                                                                               [SIC]

[19] Dans la deuxième affaire où, en raison d’un régime législatif légèrement différent, une forme de clause privative était en jeu, le juge Dalphond a étoffé ce raisonnement favorable à la déférence envers l’expertise du comité :

Quant à l’expertise du Comité de discipline, comme le souligne mon collègue le juge Chamberland dans l’arrêt François Pigeon c. Stéphane Daigneault , [. . .] elle ne fait pas de doute.  En effet, le Comité est composé, majoritairement, de gens du milieu du courtage immobilier (art. 131 de la Loi) qui connaissent intimement ce secteur d’activités économiques.  Le législateur a donc voulu une justice par des pairs, conscient qu’en matière de déontologie les normes de comportement attendues sont généralement mieux définies par des personnes qui œuvrent dans le secteur et qui peuvent mesurer à la fois les intérêts du public et les contraintes d’un secteur économique donné ( Pearlman c. Manitoba Law Society , [1991] 2 R.C.S. 869 ).  Par contre, le juge œuvrant à la chambre civile de la Cour du Québec [. . .] ne saurait prétendre posséder une expertise particulière en matière de discipline professionnelle et, encore moins, en matière de courtage immobilier. Ce deuxième facteur milite encore une fois en faveur d’un degré de retenue quant à l’interprétation des normes de conduite propres au courtier et l’imposition des sanctions appropriées.   [Je souligne; par. 27]

[20] La décision dont nous sommes saisis s’écarte de cette démarche empreinte de déférence.  J’estime, avec égards, qu’il faut privilégier la norme de contrôle que les juges Dalphond et Chamberland ont appliqué dans ces arrêts antérieurs et qui est davantage conforme à l’arrêt Dunsmuir c . Nouveau Brunswick , [2008] 1 R.C.S. 190 , 2008 CSC 9 (par. 54 et 55).   Précisons plus particulièrement que l’existence ou l’inexistence d’une clause privative, quoique pertinente, n’est pas déterminante ( Dunsmuir , par. 52).                          [Le Tribunal souligne]

[21] En l’espèce, la question en litige est l’interprétation, par le comité de discipline, composé d’experts, de sa loi constitutive ( Dunsmuir , par. 54; voir aussi Moreau-Bérubé c. Nouveau Brunswick (Conseil de la magistrature) , [2002] 1 R.C.S. 249 , 2002 CSC 11; Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia , [2003] 1 R.C.S. 226 , 2003 CSC 19 ; Barreau du Nouveau Brunswick c. Ryan , [2003] 1 R.C.S. 247 , 2003 CSC 20; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) , [1998] 1 R.C.S. 982 , par. 32).  Le législateur a confié à l’Association le mandat d’assurer la protection du public et de statuer sur la conformité des activités de ses membres avec les règles de déontologie, mandat dont elle s’acquitte en faisant appel à l’expérience et à l’expertise de son comité de discipline et qui suppose forcément l’interprétation des dispositions pertinentes.  La question de savoir si Proprio Direct a enfreint ces règles en facturant des frais indépendants non remboursables relève clairement de l’expertise du comité et des responsabilités que la loi attribue à l’Association.  Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion du comité de discipline selon laquelle les dispositions qui subordonnent la rétribution du courtier ou de l’agent immobilier à la survenance d’une vente sont d’application obligatoire. »          (Les soulignés sont ajoutés.)

 

[31]    Le Tribunal réalise que cette dernière décision de la Cour suprême ne laisse aucun doute quant à l'application de l'« analyse relative à la norme de contrôle » face aux appels de décisions administratives. La Cour suprême applique la norme de la décision raisonnable pour l’analyse des décisions du Comité.

 

Nature de la norme de contrôle

[32]    La Cour suprême revoit les normes de contrôle judiciaire dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick [5] . Premièrement, elle change le nom de « méthode pragmatique et fonctionnelle » pour le nom de « l'analyse relative à la norme de contrôle ». Deuxièmement, elle conserve deux normes : celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable.

[33]    Pour appliquer la norme de la décision raisonnable , la Cour de révision doit se demander si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux possibilités acceptables en fonction des faits et du droit.

[34]    La Cour suprême précise que l'application d'une seule norme de raisonnabilité n'ouvre pas la voie à une grande immixtion judiciaire ni ne constitue un retour au formalisme. La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la Cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondées sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une Cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

[35]    Quant à la norme de la décision correcte , la Cour suprême précise qu'elle continue de s'appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit. La Cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n'acquiesce pas au raisonnement du décideur, elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d'accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s'impose. La Cour de révision doit se demander, dès le départ, si la décision du Tribunal administratif est bonne.

[36]    L'arrêt Dunsmuir [6] précise qu'il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle si la jurisprudence a déjà fait cette analyse.

[37]    Le Tribunal retient que dans le cas de la norme de la décision raisonnable, il doit faire le procès de la décision administrative tandis que dans le cas de la norme de la décision correcte, il entreprend de prendre sa propre décision et la compare avec celle de l'organisme administratif décideur. En cas de désaccord, il substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s'impose.

 

 

APPLICATION AU PRÉSENT DOSSIER

Décision sur la culpabilité

Le Comité de discipline a-t-il commis une erreur déraisonnable en faits et en droit, justifiant l’intervention de cette Cour, en déclarant l’appelant coupable des chefs d’accusation ?

[38]    Le Tribunal constate que Monsieur Nolan recommande à ses clients de ne pas refuser immédiatement la promesse d’achat des Promettant-Acheteurs présentée par le Courtier Bouchard, bien qu'elle soit finale, non négociable et qu'ils la considère dérisoire.

[39]    Ceci démontre qu’elle est toujours en vigueur tant qu’elle n’est pas refusée ou tant qu’elle ne devient pas caduque par l’écoulement du temps.

 

[40]    Il y a une dichotomie dans le discours de Monsieur Nolan. D’un côté, il suggère à ses clients de ne pas refuser sous le coup de l’émotion de la déception du prix offert par les Promettant-Acheteurs et d’un autre côté, il affirme que cette promesse d’achat est refusée. Toutefois, il ne pose aucun geste pour en aviser le Courtier Bouchard avant que celui-ci s'en informe.

[41]    Le Tribunal constate que la promesse d’achat des Promettant-Acheteurs est toujours valide lorsque la promesse de l’Acheteur est acceptée. Monsieur Nolan ne communique pas avec le Courtier Bouchard pour l’informer de l’existence de cette nouvelle promesse, ce qui constitue le manquement au devoir de collaboration.

[42]    Malgré le comportement arrogant, selon les Vendeurs, du Courtier Bouchard qui déclare que la promesse des Promettant-Acheteurs est finale et non négociable et malgré que cette stratégie aille à l’encontre du mandat octroyé par ceux-ci, ceci ne justifie pas que monsieur Nolan se dérobe aux règles déontologiques qui le régissent.

[43]    Le Tribunal note que le Comité, sur la culpabilité de monsieur Nolan, se dirige bien en faits et en droit et ne commet pas d'erreur, encore moins une erreur déraisonnable. La preuve démontre clairement le manquement au devoir de collaboration de monsieur Nolan.

[44]    Le Tribunal conclut que monsieur Nolan ne se décharge pas de son fardeau de preuve et ne réussit pas à démontrer que la décision sur culpabilité du Comité est déraisonnable.

 

Décision sur les sanctions

Le Comité de discipline a-t-il commis une erreur déraisonnable, justifiant l’intervention de cette Cour dans la détermination des sanctions imposées à Monsieur Nolan ?

[45]    Dans l’arrêt Pidgeon c . Daigneault [7] , la Cour d’appel énonce les critères de révision pour une sanction disciplinaire :

[36] (…) La sanction infligée n'est pas déraisonnable du simple fait qu'elle est clémente ou sévère; elle le devient lorsqu'elle est si sévère, ou si clémente, qu'elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble des circonstances, atténuantes et aggravantes, du dossier.

 

LES CRITÈRES D'IMPOSITION DE LA SANCTION DISCIPLINAIRE

[37] La sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier. Chaque cas est un cas d'espèce.

[38] La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants:  au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession ( Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins ), [1998] D.D.O.P. 311 ; Dr J. C. Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al , [1995] R.D.J. 301 (C.A.); et R. c. Burns , [1994] 1 R.C.S. 656 ).

[39] Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier.   Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, …   Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement.   La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire.

[40]  Ces principes étant posés tant au niveau du pouvoir d'intervention de la Cour du Québec qu'au niveau de l'imposition des sanctions disciplinaires, il s'agit d'en faire l'application aux faits de l'espèce.

[46]    Aussi, le Tribunal cite une décision du Comité, Gardner c. Desbiens [8] , qui résume l’état de la jurisprudence pour ce type d’infraction disciplinaire :

[17] Il est important de noter que le courant jurisprudentiel selon lequel l’imposition d’une amende doit être ajouté à une suspension du permis pour atteindre l’objectif d’exemplarité, vise des cas où il y a eu volonté consciente de transgresser la règle déontologique et /ou il y a mauvaise foi.

(…)

[19] Il ressort donc de ce qui précède, que l’imposition d’une suspension du permis est de mise dans un contexte d’intention claire d’effectuer du blocage et de transgresser la norme déontologique et que , depuis l’affaire Richer, le Comité impose également des amendes en sus afin d’atteindre l’objectif d’exemplarité.

                                                              

[47]    Le Tribunal ne doit pas rendre une décision sur sanction mais faire le procès de la décision du Comité sur sanction. En d’autres mots, le Tribunal doit déterminer, comme le mentionne la Cour d’appel dans l’arrêt Pidgeon c. Daigneault, si la sanction infligée est déraisonnable. Pour ce faire, le Tribunal doit évaluer si elle est tellement sévère qu'elle est injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble des circonstances atténuantes et aggravantes du dossier.

[48]    La jurisprudence est unanime pour ce genre d’infraction. Premièrement, elle prévoit l’imposition d’une réprimande ou d’une amende dans des cas d'omission involontaire ou d'inadvertance et deuxièmement, elle prévoit l’imposition d’une suspension du permis et d'une amende dans les cas où il y a une intention claire d’effectuer du blocage et de transgresser la norme déontologique.

[49]    Le Comité a déterminé, dans sa décision sur sanction, que monsieur Nolan a sciemment omis d’informer le courtier Bouchard et qu’il a favorisé ses propres intérêts au détriment de ceux des Vendeurs et des Promettant-Acheteurs.

[50]    Le Tribunal juge utile de citer les paragraphes suivants de la décision sur la culpabilité du Comité lorsque ce dernier analyse la preuve et détermine que monsieur Nolan a sciemment omis de respecter le devoir de collaboration et les règles déontologiques qui s'y rattachent.

[42]     La preuve révèle que l’Intimé savait que l’acheteur était intéressé à l’Immeuble bien avant l’expiration de l’offre des promettants-acheteurs, soit la promesse, P-5, qui se terminait le 3 décembre 2009, à 21h00; en effet, l’offre de l’acheteur, P-6, porte la date du 3 décembre 2009 à 14h10, soit avant l’expiration de la première offre; de plus, la procuration signée par Thomassin à Paris, l’a été aussi le 3 décembre 2009; il y a sûrement eu des discussions au préalable;

[43]     Le comité n’a aucun doute que l’Intimé a, en toute connaissance de cause, omis d’informer Bouchard de l’existence de la nouvelle offre, entre autres, afin qu’il puisse potentiellement conserver la totalité de la rétribution;

 

[44]     En étant ou devenant le seul courtier, l’Intimé a été payé 4%, selon P-12, au lieu d’avoir à céder sur son 5% original, un 2.5% annoncé aux fiches descriptives I-3 à I-5; la différence n’est pas négligeable;

[45]     Pour le comité, il est évident que si l’acheteur ne s’était pas manifesté, l’Intimé aurait présenté aux promettants-acheteurs une contre-proposition, il aurait été négligent de ne pas le faire;

[46]     Le comité est d’avis que l’Intimé avait l’obligation d’informer Bouchard de l’offre de l’acheteur, ce qui aurait donné aux promettants-acheteurs l’opportunité de bonifier la leur;

[47]     Il est évident que l’Intimé a privilégié un acheteur plutôt qu’un autre, il a manqué d’objectivité, de transparence et à son devoir de collaboration;

[51]    La théorie de la cause de monsieur Nolan ne tient pas. En effet, si la promesse d’achat des Promettant-Acheteurs avait été implicitement refusée lors de sa présentation par le courtier Bouchard aux vendeurs et leur courtier, pourquoi monsieur Nolan aurait t’il suggéré à ses clients d’attendre avant de refuser et pourquoi aurait t’il fait signer le refus de la promesse d'achat simultanément à la signature de la promesse de l'Acheteur? Ces questions démontrent l’incohérence dans la thèse de monsieur Nolan.

[52]    Également, le Comité est mieux placé que le Tribunal pour évaluer la crédibilité des témoins et de monsieur Nolan. Il a eu l’opportunité de les entendre et de les voir.

[53]    Vu que le Comité a conclu que monsieur Nolan a sciemment omis d’informer le courtier Bouchard et a eu une intention claire d’enfreindre les règles déontologiques concernant le devoir de collaboration, sa sanction se retrouve dans la fourchette des sanctions pour ces types d’infractions.

[54]    Le Tribunal conclut que monsieur Nolan ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et n'a pas réussit à démontrer que la décision sur sanction du Comité est déraisonnable, injuste ou inadéquate eu égard à la gravité de l'infraction et à l'ensemble des circonstances atténuantes et aggravantes du dossier.

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

[55]    REJETTE l’appel ;

[56]    CONFIRME les décisions sur culpabilité et sur sanction du Comité ;

[57]    LE TOUT avec dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

SERGE LAURIN, J.C.Q.

 

 

 

 

Monsieur Nolan

Lui-même

 

Me Isabelle Martel

Le Goff, Pelletier, Khelpa et Savoie, avocats

Procureur de l'intimé

 

Date d'audition : 11 juin 2015

 



[1] Gardner c. Nolan , dossier 33-11-1423, Décision sur culpabilité rendue par le Comité de discipline de l'OACIQ le 21 janvier 2013, Me Claude G. Leduc, président, Mme Luce Fecteau et Mme Danielle Bolduc, membres.

[2] Loi sur le courtage immobilier, LRQ, c. C-73.1

[3] Code des professions , LRQ, c. C-26

[4] Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc. , 2008 CSC 32

[5]     Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick , [2008] 1 R.C.S. 190 , 2008 CSC 9

[6] Id.

[7] Pidgeon c. Daigneault , 2003 R.J.Q. 1090 (C.A.)

[8] Gardner c. Desbiens , 2012 Can LII 95140 (QC OACIQ)