COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
278342 |
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Cas : |
CQ-2015-0238 |
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Référence : |
2015 QCCRT 0578 |
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Québec, le |
4 novembre 2015 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Hélène Bédard, juge administratif |
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Daniel Bélanger
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Plaignant |
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c. |
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Le Groupe Danse Partout inc.
La Compagnie de Danse Partout
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1] Le 11 décembre 2014, le plaignant Daniel Bélanger dépose contre son employeur, Le Groupe Danse Partout inc. (La Compagnie de Danse Partout), une plainte fondée sur l’article 122 (1°) de la Loi sur les normes du travail (RLRQ, c. N-1.1).
[2]
Il allègue avoir été victime de représailles à la suite d’une première
plainte déposée en octobre 2013 et de la décision qui en a résulté (
[3] Dans cette première décision, la Commission rejette la plainte et conclut que la réduction des heures de travail subie par le plaignant à l’automne 2013 ne constitue pas une modification substantielle d’une condition de travail et qu’il n’a donc pas fait l’objet d’un congédiement déguisé.
[4] Puisque les faits dans ces deux litiges sont liés, les parties acceptent d’importer la preuve du premier litige dans la présente affaire.
[5]
Les faits sont décrits dans la décision
- le plaignant est professeur de danse chez l’employeur depuis 2001 au secteur professionnel dans le programme de niveau collégial DEC Danse-interprétation relevant du Cégep de Sainte-Foy;
- de janvier à août 2013, avec l’autorisation de l’employeur, il est en congé de ressourcement;
- de façon parallèle, l’employeur procède à une restructuration importante de l’école et le cégep entreprend une révision du programme DEC Danse-interprétation ;
- la restructuration engendre un changement de culture important : dorénavant, la vision est centrée sur les besoins des étudiants plutôt que sur ceux des professeurs et l’enseignement se fait par blocs intensifs plutôt que selon un horaire se répétant de semaine en semaine;
- les conclusions de l’évaluation du programme par le cégep sont alarmantes et la survie du programme est en péril. L’école doit procéder à des changements majeurs qui ont une incidence sur les enseignants dont sur le plaignant qui voit son nombre d’heures d’enseignement diminué;
- c’est à l’automne 2013 qu’on débute la mise en œuvre de la restructuration et qu’on introduit les premières modifications au programme DEC Danse-interprétation . Le plaignant voit son nombre d’heures réduit du quart de ce qu’il était auparavant;
-
en
octobre 2013, le plaignant dépose une plainte selon l’article
[86] Dans la présente affaire, le plaignant a vu son nombre d’heures de travail réduit d’environ le quart de ce qu’il était auparavant. Toutefois, son contrat de travail ne lui confère aucune garantie d’heures de travail, il prévoit plutôt que ce nombre est variable et que l’École peut modifier son horaire en tout temps. L’École pouvait donc faire varier son nombre d’heures d’enseignement.
[87] Bien que ce nombre ait été stable par le passé, il l’était dans le cadre du programme DEC existant à l’époque antérieure à sa réévaluation. Même dans ce cadre précis, le plaignant n’aurait pu prétendre à aucun droit au maintien d’un nombre d’heures à moins, évidemment, d’établir que l’employeur agissait de manière à provoquer son départ.
[88] Tel n’est pas le cas ici.
[89] On se situe plutôt dans un contexte d’une double réorganisation faisant en sorte que l’École devait modifier son mode de fonctionnement. De façon parallèle, une importante réorganisation s’imposait au sein du Groupe y incluant l’École.
[90] Compte tenu de la décision du cégep, le programme DEC Danse-interprétation, a dû être actualisé, seul programme auquel le plaignant est associé depuis 2001. Le cégep exigeait de l’École des changements majeurs et rapides; la survie du programme était en jeu, tout comme d’ailleurs l’emploi même du plaignant.
[91] La diminution du nombre de ses heures d’enseignement à l’automne 2013 est en lien direct avec l’actualisation du programme DEC. Pour favoriser l’apprentissage des étudiants, l’École introduit un tout nouveau type d’horaire par blocs de semaines, elle recourt à un plus grand nombre de professeurs et à des professeurs invités, elle doit apporter des changements au cours de conditionnement physique dispensé par le plaignant, etc.
[92] Tout ceci a un effet direct sur les professeurs. Dans le cas du plaignant, malgré les conséquences qu’il subit, on ne peut conclure à un congédiement déguisé. Les circonstances justifiaient que l’École modifie les cours qu’il dispensait ainsi que son nombre d’heures d’enseignement et, au surplus, son contrat de travail le permettait.
[93] Enfin, la Commission rejette l’argument du plaignant voulant qu’on ait tenté de le mettre de côté ou de l’inciter à quitter son emploi. Au contraire, la preuve démontre qu’il est talentueux et apprécié. Il demeure un acteur important au sein de l’École, mais, comme les autres professeurs, il évolue dans un autre cadre que celui qu’il a connu jusqu’à l’automne 2013.
[6] La session d’automne 2014 débute au mois d’août. Le plaignant enseigne à un groupe d’étudiants qui en sont à leur troisième année d’études à l’École (DEC 3). Ils termineront le programme au printemps 2015. C’est un groupe reconnu comme étant particulièrement talentueux, exigeant, mais difficile. Un étudiant du groupe a une forte personnalité et a une certaine ascendance sur ses collègues et il peut être intimidant. Le climat de la classe est parfois tendu.
[7] Dès août survient un incident impliquant le plaignant et cet étudiant. Le plaignant se réfère à la direction. La situation perdure et le 14 septembre, il transmet une plainte écrite à la directrice pédagogique, madame Binette, pour dénoncer une situation d’intimidation et d’impolitesse de la part de l’étudiant. Vu l’ambiance malsaine en classe, certains étudiants songent à quitter le programme.
[8] Dès le premier incident survenu en août, la direction intervient pour soutenir le plaignant face à cette situation difficile. Madame Binette le rencontre et lui suggère des approches pour reprendre le contrôle du groupe et lui fixe des attentes.
[9] La direction se mobilise pour désamorcer la crise. On consulte la direction du Cégep de Sainte-Foy qui suggère un protocole d’intervention. Monsieur Huot, le directeur du Groupe Danse Partout inc. et la directrice pédagogique, madame Binette, rencontrent les étudiants soit individuellement soit en groupe. Le plaignant participe aux rencontres de groupe.
[10] Pour la direction, il s’agit d’une crise sans précédent qui doit être réglée rapidement. On tente à la fois de préserver le plaignant et s’assurer que ces étudiants à haut potentiel - qui en sont à leur dernière année du programme - puissent le compléter. Ceci d’autant qu’on est à mettre en œuvre les corrections ou nouvelles orientations retenues à la suite de l’évaluation du programme par le cégep.
[11] Selon le plaignant, la direction a tardé à agir même si la directrice pédagogique l’a rencontré en août et lui a suggéré des méthodes d’intervention en classe et fixé des attentes. Il reconnaît que la direction l’a soutenu en prenant certaines actions, mais l’étudiant fait toujours partie de la classe, ce qui le rend mal à l’aise. Mais vu la nouvelle structure des cours « en bloc », il n’a plus à lui enseigner à compter du début du mois d’octobre.
[12] La crise est colmatée bien qu’ils demeurent des tensions dans le groupe de DEC 3 et ceci perdure au-delà de la session d’automne.
[13] En novembre 2014, madame Binette prépare les tâches des enseignants pour la session d’hiver 2015. Compte tenu de la crise qui a laissé des traces, des commentaires reçus des étudiants sur l’enseignement du plaignant et des attentes qu’elle lui a fixées, elle ne peut lui attribuer de cours relatif au groupe DEC 3. Elle considère qu’il doit être éloigné de ce groupe conflictuel et qu’il est nécessaire qu’il prenne un certain recul. De plus, cet éloignement permettra aux étudiants de compléter leur programme et obtenir leur diplôme sans interférence avec la crise de l’automne.
[14] Informé de cette décision, monsieur Huot s’assure que le plaignant aura quand même une tâche d’enseignement et demande à madame Binette de refaire l’exercice avec cet objectif. C’est ainsi qu’elle lui attribue le groupe de DEC 2 avec lequel il n’a pas d’historique d’enseignement. Cette charge de cours est toutefois inférieure à celle qu’il avait auparavant. Il enseignera 91 heures au cours de l’hiver 2015 alors qu’à l’hiver 2014, il a enseigné 147 heures.
[15] Arrive le spectacle de fin d’année auquel, antérieurement, le plaignant participait à titre de répétiteur ou de chorégraphe. En décembre 2014, il n’y est pas convié ni en mai 2015. Il se sent mis de côté d’autant que le spectacle est un symbole de fierté, une occasion d’échanges, de rencontres avec les étudiants, les enseignants et autres intervenants. De plus, il s’agit pour lui d’une perte d’heures de travail.
[16] Le directeur explique que dans le contexte de restructuration de l’école, toutes les dépenses sont réévaluées. Le spectacle est coûteux et trop de personnes sont impliquées. Monsieur Huot demande de rationaliser et de réduire les coûts du spectacle, l’époque où tout est identique d’année en année est révolue. Monsieur Huot n’est pas impliqué dans le choix des chorégraphes et répétiteurs.
[17] Pour madame Binette, la commande du directeur est claire, on doit simplifier le spectacle et en réduire les coûts. Quant au choix des enseignants impliqués, il doit y avoir corrélation artistique entre le chorégraphe retenu et le répétiteur. Dans l’optique de la diversité recherchée, on fait aussi appel à des invités; ce qui, ajouté aux restrictions budgétaires, explique que plusieurs enseignants ne participent pas au spectacle, dont le plaignant.
[18] Une preuve est administrée pour remettre en question les choix de chorégraphes et répétiteurs retenus pour ces spectacles.
[19]
Il s’agit d’une plainte fondée sur l’article
- La perte ou le retrait du groupe d’étudiants du niveau de la troisième année du DEC (le DEC 3) au cours de la session d’hiver 2015 qui lui a été annoncée en décembre 2014;
- Sa non-participation, à titre de répétiteur ou de chorégraphe, au spectacle des étudiants de décembre 2014 et, par la suite, à celui de mai 2015.
[20] Le dépôt d’une première plainte à la Commission des normes du travail constitue l’exercice d’un droit prévu à la LNT. Cette plainte a fait l’objet d’un traitement continu et était en cours d’audience devant la Commission au moment des décisions prises par la direction de l’École qui affectent le plaignant.
[21]
Compte tenu de la concomitance, la Commission accorde au plaignant le
bénéfice de la présomption découlant de l’article
[22] La preuve est éloquente. L’École a établi que c’est en raison de la crise touchant le groupe d’étudiants du DEC 3 que le plaignant a vu ses heures de travail diminuées à l’hiver 2015. Bien malgré lui, il y a été impliqué à un point tel qu’il eut été irresponsable que l’École lui attribue une tâche pour enseigner à ce groupe.
[23] D’une part, il était impératif que les étudiants concernés complètent leur session et obtiennent leur diplôme sans baigner dans l’environnement de la crise de l’automne. Pour ce faire, il était indispensable pour leur réussite scolaire qu’un autre enseignant les prenne en charge. D’autre part, le plaignant a vécu difficilement cet épisode et il était sage qu’on ne lui confie pas ce groupe.
[24] Aussi, la Commission retient que, bien que la confection des tâches d’enseignement soit une affaire complexe, on a tout fait pour attribuer une tâche d’enseignement au plaignant en faisant même fi des exigences du nouveau programme. À cet égard, la direction a fait primer les intérêts du plaignant.
[25] Le plaignant a réellement subi une diminution de ses heures de travail à l’hiver 2015. Toutefois, cette diminution n’est aucunement attribuable au fait qu’il ait déposé une première plainte fondée sur la LNT.
[26] Quant à sa non-participation aux spectacles de décembre et de mai 2015, elle résulte des conséquences de la réorganisation de l’École. Les spectacles étant coûteux, dans un contexte de rationalisation, on doit en réduire les dépenses et impliquer moins de personnel. Même si le plaignant a toujours contribué aux spectacles jusque-là, la situation a changé. Comme l’a mentionné la Commission dans la décision précédente, les choses ont changé depuis la réorganisation, on évolue dorénavant dans un autre cadre que celui qu’on a connu.
[27] Enfin, il n’appartient pas à la Commission de se prononcer sur les choix effectués par les spécialistes en danse de l’École quant aux enseignants au regard des matières à enseigner aux différents groupes d’étudiants. Il ne lui appartient pas non plus de critiquer les choix artistiques de ces spécialistes quant aux chorégraphes et répétiteurs devant participer à des spectacles.
[28] L’École a donc démontré l’existence d’une autre cause qui justifie les mesures contestées.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la plainte.
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__________________________________ Hélène Bédard |
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M e Catherine Hébert |
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RIVEST, TELLIER, PARADIS |
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Représentante du plaignant |
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M e Samuel Proulx Lemire |
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POULIN PROULX LEMIRE MOREAULT |
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Représentant de l’intimée |
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Date de la mise en délibéré : |
29 septembre 2015 |
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