Paquet (EP Constructions enr.) c. Gagnon

2015 QCCQ 10889

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT  D'

ABITIBI

LOCALITÉ DE

LA SARRE

« Chambre civile »

N° :

620-32-001018-140

 

 

 

DATE :

20 octobre 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MONSIEUR LE JUGE   

CLAUDE P. BIGUÉ, J.C.Q.

 

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ÉRIC PAQUET, ayant fait affaires sous la raison sociale de E.P. Constructions enr.

Demandeur et défendeur reconventionnel

c.

LÉANDRE GAGNON

Défendeur et demandeur reconventionnel

 

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JUGEMENT

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[1]            Le Tribunal est saisi de deux recours. La demande principale est une réclamation de 6 480,27 $ par un entrepreneur, soit le solde du prix d’un contrat de construction; la demande reconventionnelle du client est de 14 000,00 $, soit le coût pour corriger les travaux qui auraient été mal exécutés.

QUESTIONS EN LITIGE :

[2]            Le demandeur a-t-il droit au solde contractuel qu’il demande?

[3]            Si la demande principale est accueillie, le demandeur a-t-il droit à des intérêts à un taux supérieur au taux légal?

[4]            Pour ce qui est de la demande reconventionnelle, les travaux exécutés comportent-ils des déficiences et des portions non exécutées?

[5]            Si la demande reconventionnelle est accueillie, quel est le montant maximal applicable en matière de petites créances pour la présente cause, à savoir 7 000,00 $ ou 15 000,00 $?

LES FAITS :

[6]            Pendant trois ans, le demandeur a été propriétaire d’une petite entreprise de construction, E.P. Constructions, mais il n’est plus en affaires en 2015.

[7]            En 2013, le défendeur a confié au demandeur le contrat d’effectuer certaines rénovations à sa maison, une résidence construite il y a plusieurs années et qu’il voulait rénover.

[8]            Le 17 juin 2013, le demandeur prépare une soumission pour le prix des travaux : son prix est de 22 500,00 $ plus les taxes, soit 25 869,38 $ en tout.

[9]            Le 26 juillet 2013, le défendeur accepte la soumission à ce prix et il verse un acompte de 12 500,00 $.

[10]         Un contrat écrit ratifie l’entente et le début des travaux y est annoncé pour le 19 août 2013.

[11]         Le demandeur débute ses travaux en août 2013 et il quitte le chantier à la fin de septembre 2013.

[12]         Le 26 septembre 2013, considérant son contrat terminé, le demandeur émet sa facture au prix soumissionné.

[13]         Le 17 octobre 2013, le défendeur effectue un paiement de 7 500,00 $, portant le montant des acomptes versés à 20 000,00 $. Il demande à E.P. Constructions de venir terminer ses travaux et corriger ses déficiences.

[14]         Le demandeur n’est pas retourné faire d’autres travaux. Le défendeur refuse de payer le solde de 5 869,38 $.

[15]         Au début de 2014, le demandeur relance le défendeur au sujet du solde dû, mais ce dernier n’est pas prêt à payer le solde, tant que certains travaux n’auront pas été terminés et les déficiences corrigées.

[16]         Par des échanges de messages textes, en janvier et en février 2014, le demandeur insiste pour être payé, et le défendeur réitère ses doléances, non sans proposer un arrangement à l’amiable pour un montant inférieur à celui qui est réclamé. Le demandeur refuse tout arrangement et il réclame tout le solde, plus des intérêts.

[17]         Les positions s’antagonisent. Un recours à la division des petites créances est déposé pour plus de 6 000,00 $. Le demandeur est confronté à une contestation de sa réclamation et à une demande reconventionnelle de 14 000,00 $.

ANALYSE :

[18]         Le litige entre les parties concerne un contrat d’entreprise, lequel est régi par les articles 2098 et suivants du Code civil du Québec .

[19]         La soumission et la facture énumèrent les travaux visés par le contrat de façon plutôt laconique : élever une maison de quatre pieds afin qu’elle puisse avoir un sous-sol d’une hauteur de 8 pieds, installer un mur de bois par-dessus le mur existant de ciment, effectuer des travaux d’isolation, poser de l’Isoclad et des lattes, boucher des trous dans la fondation, couler un plancher de béton sur une mousse de polystyrène.

[20]         Le demandeur considère que son contrat est terminé; le défendeur est d’avis contraire.

[21]         Le demandeur finit par admettre qu’il restait quelques travaux à faire, d’une valeur de seulement 500,00 $ selon lui, mais il considère qu’il n’a pas à les faire, parce qu’il a fourni deux services additionnels non prévus au contrat : l’installation d’une fenêtre et le transport d’une vieille fournaise hors des lieux réparés. Pour ce qui est de la qualité des travaux, il affirme que réparer une maison d’un certain âge ne permet pas d’atteindre le même résultat que des travaux sur une construction neuve.

[22]         Vu le refus du demandeur de venir compléter et reprendre les travaux, le défendeur a fait préparer des soumissions par trois entrepreneurs, dont deux sont à peu près identiques. Selon lui, les travaux correcteurs vont coûter 17 000,00 $ plus les taxes, soit un peu plus de 20 000,00 $ en tout.

[23]         Son raisonnement est que son déboursé sera de 14 000,00 $ si on soustrait le solde impayé, arrondi à 6 000,00 $, qu’il ne paierait pas.

- Le montant maximal de la réclamation : 7 000,00 $ ou 15 000,00 $?

[24]         Une première décision s’impose. La réclamation a été initiée en mars 2014. Le 31 mars 2014, M. Gagnon a contesté la demande et il a annoncé dans ses procédures qu’il voulait faire une demande reconventionnelle en chambre civile de la Cour du Québec, parce que sa réclamation allait dépasser les 7 000,00 $. Mais le 1 er juin 2015, il dépose une demande reconventionnelle de 14 000,00 $ dans le présent dossier, en considérant que la compétence de la division des petites créances a connu une augmentation du montant maximal permis pour la réclamation, qui est passé de 7 000,00 $ à 15 000,00 $ le 1 er janvier 2015.

[25]         M. Gagnon n’a fait aucune démarche pour déposer sa réclamation en chambre civile. Il a plutôt choisi d’attendre le changement de la Loi, et de déposer sa réclamation en 2015, pour réclamer 14 000,00 $. Or, il était limité à une réclamation maximale de 7 000,00 $ et voici pourquoi.

[26]         Le présent dossier a été initié en 2014, c’est ce qui a cristallisé la position des parties à la division des petites créances. Le défendeur a choisi, 15 mois plus tard, de faire valoir contre le demandeur une réclamation résultant de la même source que la demande initiale, au sens de l’article 968 du Code de procédure civile , et admissible en vertu « du présent livre », c’est-à-dire la loi de 2014, qui prévoit une demande maximale de 7 000,00 $ à la division des petites créances. Le 1 er janvier 2015, le maximum est passé à 15 000,00 $.  M. Gagnon ne pouvait pas faire une demande reconventionnelle de plus de 7 000,00 $, étant soumis au Code de procédure civile tel qu’il existait au moment où le recours a été initié. La loi qui a modifié le Code de procédure civile n’a pas d’effet rétroactif. S’il voulait réclamer plus de 7 000,00 $, il devait exercer son recours devant la chambre civile, ce qu’il savait, mais c’est ce qu’il a choisi de ne pas faire.

[27]         Nous considérons que la demande reconventionnelle est limitée à la somme de 7 000,00 $.

- La demande principale :

[28]         Le demandeur affirme que tous les travaux prévus à son contrat sont terminés, sauf peut-être une petite portion valant 500,00 $.

[29]         Tout d’abord, concernant les deux services additionnels fournis par le demandeur, pour la fenêtre et la fournaise, il y a eu transaction entre les parties, au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec  : le défendeur a fourni certains accommodements au demandeur, et celui-ci n’a rien facturé pour ces deux travaux supplémentaires. Cette affaire est donc réglée et elle n’aura aucune incidence dans la présente réclamation.

[30]         Le demandeur admet donc une certaine balance de travaux non exécutés, sans les énumérer précisément. Le défendeur, quant à lui, présente des preuves pour démontrer les déficiences reprochées : plusieurs photographies et trois soumissions d’entrepreneurs qui sont prêts à reprendre les travaux.

[31]         Face à cette preuve, nous n’avons que les affirmations du demandeur à l’effet qu’il a rempli les obligations de son contrat, sans réfuter de façon détaillée les déficiences exposées dans la preuve du défendeur.

[32]         Outre l’aveu de 500,00 $, il y a visiblement d’autres déficiences, dont le montant de la correction devrait être déduit de la réclamation. Quelle preuve avons-nous à ce sujet?  Les deux soumissions à 20 000,00 $ ne fournissent aucune description des déficiences à corriger, ni de ventilation pour déterminer si les travaux proposés comprennent autre chose que la correction de déficiences. Tout ce que l’on peut en retirer, c’est qu’il y a certains travaux de démolition, résultant certainement de déficiences, mais il n’y a aucun détail qui fournisse une ventilation des coûts et la description des travaux à effectuer.

[33]         Par contre, nous avons la troisième soumission, celle de l’entrepreneur Guy Poirier. Il s’agit du seul document qui décrit des déficiences, et il en identifie cinq, pour lesquelles M. Poirier propose une soumission à 7 950,00 $ plus les taxes. Les déficiences énumérées sont confirmées par les photographies et appuyées par le témoignage de M. Gagnon. Le montant de la soumission dépasse le solde réclamé.

[34]         Le Tribunal retient cette soumission et en conclut que la demande principale doit être rejetée, parce que le demandeur n’a pas complété l’exécution de son contrat ni corrigé les déficiences.

- Les intérêts :

[35]         Vu la conclusion à laquelle nous en arriverons ci-après, nous nous prononçons sur la question des intérêts réclamés même si nous rejetons la demande principale. Le Tribunal précise qu’il n’aurait pas accordé les intérêts rajoutés par le demandeur dans sa demande principale. Il n’y a aucune convention entre les parties sur le taux d’intérêt applicable à un compte impayé après 30 jours. Ni la soumission ni la facture ne mentionnent de tels intérêts, ni leur taux annuel. Le montant de la demande principale rejetée est donc de 5 869,38 $ et non de 6 480,27 $.

- La demande reconventionnelle :

[36]         Non seulement le défendeur a contesté le solde du compte du demandeur, mais il lui réclame, par demande reconventionnelle, ce qu’il va lui en coûter pour réparer les déficiences.

[37]         Nous avons décidé plus avant que le montant maximal qui peut être accordé est de 7 000,00 $ et c’est ce montant que nous retenons pour les fins de la présente décision, en considérant que la soumission de M. Poirier dépasse ce montant.

[38]         Nous avons décidé, quant à la demande principale, que M. Gagnon n’aurait pas à payer le solde réclamé. Il va pouvoir utiliser ce montant pour payer une partie du coût de ses réparations.

[39]         Alors, il y a lieu de soustraire le montant de 5 869,38 $ de la somme de   7 000,00 $ qui est considérée au niveau de la demande reconventionnelle, afin d’éviter une double indemnisation de M. Gagnon.

[40]         Appliquant une compensation entre les deux montants, le Tribunal en arrive au calcul suivant, qui établira le montant pour lequel la demande reconventionnelle est accueillie :

Ø   Montant dû par E.P. Construction pour réparer

les déficiences (maximum vu la limitation des

 petites créances en 2014) :                                      7 000,00 $

            MOINS montant non payé par M. Gagnon sur

            le contrat d’entreprise :                                                         (5 869,38 $)

            MONTANT accordé à monsieur Léandre Gagnon :           1 130,62 $

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[41]         REJETTE la demande principale.

[42]         ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle.

[43]         CONDAMNE le défendeur reconventionnel Éric Paquet, ayant fait affaire sous la raison sociale de E.P. Constructions, à payer au demandeur reconventionnel Léandre Gagnon, la somme de 1 130,62 $, avec intérêts au taux légal de 5 % l’an plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec , à compter de la date du présent jugement, soit le 20 octobre 2015.

[44]           CONDAMNE monsieur Éric Paquet aux frais, soit 157,00 $ sur la demande principale, et 90,00 $ sur la demande reconventionnelle.

 

 

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CLAUDE P. BIGUÉ, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

17 juin 2015