Jolin c. Commission municipale du Québec

2015 QCCS 5224

JB 2697

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

 

N° :

450-17-005747-150

 

DATE :

 30 septembre 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

PAUL-MARCEL BELLAVANCE, J.C.S.

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MANON JOLIN

Demanderesse

c.

COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            La demanderesse demande la révision judiciaire d’une décision de la défenderesse qui, le 19 mai 2015, rejetait une requête en irrecevabilité présentée par la demanderesse, conseillère municipale de la Municipalité de Saint-François-Xavier-de-Brompton.  Celle-ci soutient qu’en s’en tenant strictement aux termes de la plainte portée contre elle, la Commission n’a pas de motifs pour faire enquête.

[2]            La demande de révision fut présentée en l’absence d’un procureur de la Commission qui aurait pu donner le point de vue de la Commission sur la demande en révision.  Cette absence, annoncée à la partie adverse quelques jours avant l’audition, oblige à toute fins pratiques le Tribunal à mener lui-même un débat contradictoire avec la demanderesse, une situation inconfortable.

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[3]            La demanderesse et son conjoint, à moins que ce ne soit seulement son conjoint, exploite dans la municipalité une méga porcherie (environ 2 300 porcs et plus).  La demanderesse veut exploiter une seconde méga porcherie.  Plusieurs citoyens s’y objectent et ont dans un premier temps porté plainte sous un nom de regroupement.

[4]            Suite à une décision de la Cour supérieure, précisant qu’il faut qu’une personne physique porte plainte, une citoyenne, Hélène Grenier, a porté la même plainte suivante selon le mémoire de la demanderesse qui a retenu les paragraphes suivants comme pertinents :

«Le 26 juin 2012, Mme Manon Jolin, conseillère municipale et promotrice du projet de porcherie, a convoqué, les élus municipaux par courriel; soit le maire, les 6 conseillers ainsi que la directrice générale, employée de la municipalité, pour qu’ils conviennent de ce qui est acceptable comme mesures de mitigation pour l’implantation de la méga porcherie avant que le maire, accompagné de la directrice générale et d’un conseiller ne rencontrent les membres d’un Regroupement.  Cette rencontre a eu lieu le 26 juin en après-midi dans les locaux de la ville.  Madame Jolin ainsi que tous les conseillers étaient présents, à l’exception de messieurs Frappier et Jolin n’étant pas disponibles de jour.  Le courriel a été fourni à Sylvain Giard par le conseiller Michel Frappier.

[…]

Par ce courriel d’invitation et la rencontre qui a suivie, et en considération des éléments soumis dans ce dossier, Mme Manon Jolin, conseillère municipale, a contrevenu au code de déontologie numéro 2011-142 […].

Je considère que le maire, M. Claude Sylvain et la conseillère, Mme Manon Jolin, n’ont pas respecté les valeurs d’intégrité et de prudence dans la poursuite de l’intérêt public en ne prévenant pas toute situation de favoritisme.

(reproduction intégrale)»

[5]            La demanderesse soutient qu’il n’y avait rien d’illégal à convoquer puis à être présent le même jour à cette rencontre qui a résulté dans un accord sur des mesures de mitigation acceptables pour la promotrice et le conseil municipal, ce que prévoit la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme .  Selon la demanderesse, on lui reproche d’avoir suivi la loi à la lettre.  Pourquoi alors faire une enquête qui va nécessairement conclure à une conduite irréprochable, selon la demanderesse qui soumet aussi que ce type d’enquête n’est pas du niveau d’une commission d’enquête avec un mandat élargi?  La demanderesse soumet aussi qu’en rejetant sa requête en irrecevabilité, la Commission municipale n’a pas exercé sa juridiction.

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[6]            Avec égards, le Tribunal est en désaccord avec cette dernière proposition.  La Commission municipale doit statuer sur les requêtes préliminaires, ce que, de l’avis du Tribunal, elle a fait ici mais en ne donnant pas raison à la demanderesse.

[7]            La Commission a correctement décidé au paragraphe 15 qu’elle devait être convaincue qu’il n’y avait aucune chance de conclure que Mme Jolin ait commis un acte dérogatoire au Code d’éthique.  Elle a préféré les arguments amenés par le procureur de la Commission et, aux paragraphes 23 et 24, elle explique pourquoi il devra y avoir une enquête :

«[23]  Même si elle s’est retirée des discussions au conseil, elle a tout de même piloté son projet et rencontré les membres du conseil avant la séance publique ou la rencontre avec les citoyens.  Les allégations ne sont pas aussi claires que ce qui est démontré par le procureur de madame Jolin.

[24]  La Commission est d’avis que certaines questions ou zones d’ombre que seule l’instruction de la demande pourra éclaircir ou résoudre, demeurent»

[8]            Pour ce Tribunal, ces considérations retenues par la Commission sont suffisantes pour conclure qu’une demande de rejet, basée sur une incapacité alléguée, doit elle-même être rejetée.

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[9]            Il y a toutefois une méprise de taille dans la décision du 19 mai 2005.

[10]         Dans son résumé de la position défendue par le procureur de la demanderesse, la Commission retient l’élément suivant :

«[7]  La demande d’enquête est non fondée et n’a aucune chance de succès, même en tenant les faits allégués pour véridiques.  Il (le procureur de la demanderesse) appuie sa demande sur les éléments suivants :

Les mesures additionnelles auxquelles madame Jolin et son conjoint Claude Sylvain ont consenti pour leur projet, ne constituent pas des avantages pour eux-mêmes, mais plutôt des avantages pour les citoyens de la Municipalité.»

(Soulignement par le Tribunal)

[11]         Or, Mme Manon Jolin, conseillère municipale, et monsieur Claude Sylvain, maire de la municipalité, qui font tous les deux objet de la même plainte, ne sont pas conjoints et monsieur Sylvain n’est pas un copromoteur du projet.

[12]         Il aurait été intéressant d’avoir un procureur représentant la Commission pour donner des explications sur cette méprise dont on ne peut savoir si elle a influencé la décision sur la requête en irrecevabilité ou s’il s’agissait d’une coquille résultant d’une simple erreur de nom, ce qui pouvait être le cas, si on se fie au fait que dans l’extrait cité, on n’ajoute pas le mot "maire" après le nom de M. Sylvain.

[13]         En fait, espérons que c’était une coquille.

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[14]         Néanmoins, le Tribunal est d’avis que la demande de révision judiciaire doit être rejetée, sans frais, tout en rappelant que nous en sommes qu’au niveau du dépôt d’une plainte, sur laquelle la Commission entend faire enquête.  Les preuves n’ont pas été entendues et il ne faut pas conclure, des décisions rendues à date dans ce dossier, qu’il y a faute des élus.  Tout reste à prouver et s’ils désirent le faire, les élus pourront présenter une défense et faire des représentations.  Il faut y aller avec la plus grande prudence face à ce type d’allégation.  Il est préférable d’attendre l’audition au fond avant de se faire une idée trop rapidement.

[15]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]         REJETTE la requête introductive d’instance en révision judiciaire datée du 2 juin 2015, sans frais.

 

 

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PAUL-MARCEL BELLAVANCE, J.C.S.

 

Me Ghislain Richer

(Richer & Associés, Avocats)

Procureur de la demanderesse

 

 

Date d'audience:

21 septembre 2015