Communauté autochtone Muskwa de Mistassini c. Bérubé

2015 QCCA 1897

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE QUÉBEC

 

N :

200-09-008721-141

 

(155-17-000004-131)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

16 novembre 2015

 

CORAM :  LES HONORABLES

PAUL VÉZINA, J.C.A. (JV0409)

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. (JG1843)

ÉTIENNE PARENT, J.C.A. (JP1892)

 

PARTIE APPELANTE

AVOCATE

 

COMMUNAUTÉ AUTOCHTONE MUSKWA DE MISTASSINI

 

 

Me NICOLE BÉRUBÉ

 

PARTIES INTIMÉES

AVOCAT

 

VÉRONIQUE BÉRUBÉ et GILLES BÉRUBÉ

 

 

Me MARC WATTERS

(Gagné, Letarte)

 

PARTIE MISE EN CAUSE

AVOCAT

 

L’OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS

DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE

DE LAC-SAINT-JEAN-OUEST

 

 

     

 

 

En appel d'un jugement rendu le 16 juillet 2014 par l'honorable Jacques G. Bouchard de la Cour supérieure, district de Roberval.

 

 

NATURE DE L'APPEL  :

 
Biens et propriété (prescription acquisitive) - Vente (formation)

 

Greffière :  Marianik Faille (TF0891)

Salle :  4.33

 


 

 

AUDITION

 

 

14 h 01

Observations de Me Bérubé;

 

Observations de la Cour;

 

Me Bérubé poursuit;

14 h 27

Suspension;

14 h 29

Reprise;

 

La Cour précise qu'il ne sera pas nécessaire d'entendre les représentations de Me Watters;

 

Arrêt.

 

 

 

(s)

Greffière audiencière

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]            Le juge de première instance (le Juge) devait trancher qui est propriétaire d’un terrain, l’Appelante ou les Intimés.

[2]            L’Appelante allègue l’avoir acquis de l’auteur des Intimés (l’Auteur) en 1983 au prix de 2 800 $, ce que les Intimés nient catégoriquement.

[3]            Le Juge note l’absence de tout document pour établir le consentement de l’Auteur à pareille vente :

[5]        Selon CAMM, G.B. aurait accepté de lui vendre ce terrain.  N’ayant pas procédé par acte de vente en bonne et due forme, avec enregistrement et publication, elle n’a pour seule preuve de ses prétentions à cet égard que deux relevés bancaires où l’on peut voir des débits de 1 000 $ et de 150 $, de temps à autre, entre 1983 et 1984, sans que l’on ne sache à qui ils sont destinés.  Il n’existe d’ailleurs aucun chèque ni reçu pour attester du bénéficiaire de ces sommes.

[4]            Puis, il rejette la prétention de l’Appelante :

[12]      De l’avis du Tribunal, cette prétention n’est aucunement soutenue par la preuve.  Rappelons que CAMM a procédé à l’acquisition du terrain sur lequel elle a construit son local communautaire, en passant un acte notarié et publié, en bonne et due forme.  Pour le second terrain, elle ne détient aucun document.  Sa preuve n’établit tout au plus qu’une intention d’offrir d’acheter le terrain en cause.  La trame factuelle appuie plutôt la version de G.B. qui affirme avoir refusé de vendre.  Une seule conclusion s’impose; il n’y a jamais eu de vente de ce terrain entre les parties.

[5]            Le Juge s’est bien dirigé en droit. Le Code civil du Québec édicte l’irrecevabilité de la preuve testimoniale en pareil cas :

2862. La preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500 $.

 

Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; […]

 

[…]

 

2865. Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d'un élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué.

 

2862. Proof of a juridical act may not be made, between the parties, by testimony where the value in dispute exceeds $1,500.

 

However, in the absence of proof in writing and regardless of the value in dispute, proof may be made by testimony of any juridical act where there is a commencement of proof; […]

 

[…]

 

2865. A commencement of proof may arise from an admission or writing of the adverse party, his testimony or the production of real evidence that gives an indication that the alleged fact may have occurred.

[6]            L’Appelante allègue encore avoir acquis le terrain par prescription décennale :

12. Depuis 1983, la demanderesse n’a jamais cessé d’être seule et unique propriétaire de ce terrain et elle l’est toujours, se comportant comme la véritable propriétaire, et le possédant à titre de propriétaire.

[7]            Le Juge rappelle d’abord le « cadre légal » qui doit le guider; le C.c.Q. édicte :

2911. La prescription acquisitive requiert une possession conforme aux conditions établies au livre Des biens.

 

[…]

 

922. Pour produire des effets, la possession doit être paisible, continue, publique et non équivoque.

2911. Acquisitive prescription requires possession conforming to the conditions set out in the Book on Property.

 

[…]

 

922. Only peaceful, continuous, public and unequivocal possession produces effects in law.

[8]            Puis, en analysant la preuve, il constate que la possession de l’Appelante ne saurait être qualifiée de « non équivoque ». Il écrit :

[17]      Le Tribunal est d’avis que la possession invoquée par CAMM n’existe tout simplement pas.  Celle-ci n’a jamais donné suite à sa prétention d’être le véritable propriétaire depuis 1983, alors qu’elle aurait dû intenter un recours en passation de titre dans un délai raisonnable.  Elle aménage un stationnement et installe un puits avec la simple tolérance de G.B.  Ajoutons que c’est ce dernier qui paie de façon constante et non interrompue les taxes municipales et scolaires. […]

[9]            Ce constat de fait s’appuie sur la preuve et ne comporte pas d’erreur.

[10]         En outre, un témoin indépendant relate qu’en 1993, lorsque l’Appelante a voulu installer un puits sur ce terrain, lui-même et le mandataire de celle-ci sont allés rencontrer l’Auteur pour solliciter et obtenir son autorisation :

Là, moi, [le témoin]  je peux vous faire un prix, mais moi je ne pique pas là, ce n’est pas sur votre terrain, moi je ne veux pas avoir les blâmes de tout ça, c’est sur le terrain [de l’Auteur].

Ça fait que ce qu’on a fait, moi puis [le mandataire] on a été rencontré [l’Auteur], puis [celui-ci] est venu voir sur le terrain. […]

Ça fait qu’il a accepté qu’on peuve creuser…

[11]         Le propriétaire d’un terrain qui veut y creuser un puits ne demande pas la permission à son voisin.

[12]        Le Juge conclut avec raison que la possession de l’Appelante était équivoque.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[13]         REJETTE l’appel avec dépens.

 

 

 

 

 

PAUL VÉZINA, J.C.A.

 

 

 

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

 

 

 

ÉTIENNE PARENT, J.C.A.