Hamrioui c. Michaud (Succession de)

2015 QCCQ 11316

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N :

200-32-060909-149

 

 

DATE :

13 novembre 2015

 

 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. [JG-2320]

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Mohand Hamrioui

[…] Québec (Québec) […]

et

NACERA KADEM

[…] Québec (Québec) […]

 

Demandeurs

c.

 

LAURENT SAMSON EN SA QUALITÉ DE LIQUIDATEUR À LA SUCCESSION DE MICHÈLE MICHAUD

[…] Québec (Québec) […]

 

Défendeur

 

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JUGEMENT

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[1]            Les demandeurs, Mohand Hamrioui et Nacera Kaden, invoquent la garantie de qualité pour réclamer du défendeur M. Laurent Samson, en sa qualité de liquidateur à la succession de Michèle Michaud, une baisse du prix de vente de 7 000 $.

[2]            Les demandeurs ont vécu une infestation de rats. Ils ont découvert que les rats pénétraient dans la maison par un tuyau branché aux égouts dont une extrémité ouverte était destinée vraisemblablement à évacuer l’eau de la nappe phréatique que le drain agricole vétuste ne pouvait plus évacuer. Ils réclament les coûts de réfection du drain agricole et du tuyau.

[3]            Le défendeur conteste. Le drain agricole est d’origine et le fait qu’il ne soit plus fonctionnel ne constitue pas un vice caché. De plus, antérieurement à la vente, le défendeur n’a jamais constaté un problème de drainage, ni la présence de rats.

Question en litige :

[4]            Les demandeurs ont-ils prouvé que les conditions d’application de la garantie de qualité sont remplies?

Les faits :

[5]            Le 16 novembre 2007, Mme Michèle Michaud décède. Elle est la propriétaire d’une maison unifamiliale située au 3103, de Champagne à Québec (« la résidence »). Son fils Laurent Samson est le liquidateur de sa succession.

[6]            À l’hiver 2008, le défendeur annonce sur DuProprio.com la résidence à un prix de 179 400 $. La résidence est un bungalow construit en 1958.

[7]            Le 1 er mars 2008, les demandeurs offrent d’acheter la résidence pour le prix demandé. Toutefois, le défendeur s’engage à payer les coûts d’une inspection préachat.

[8]            Le 11 mars 2008, un inspecteur du CAA Habitation inspecte la résidence à la satisfaction des demandeurs.

[9]            Le 1 er mai 2008, les parties signent la vente devant notaire. Le défendeur vend aux demandeurs la résidence pour le prix convenu de 179 400 $ avec la garantie de qualité.

[10]         Dans les années qui suivent, les demandeurs contactent régulièrement le défendeur pour lui faire part de problèmes qu’ils vivent avec la résidence. C’est ainsi que, par exemple, le défendeur paiera pour des services visant l’extermination de fourmis charpentières.

[11]         À l’été 2010, les demandeurs constatent la présence de rats. L’exterminateur et les demandeurs s’interrogent sur leur chemin d’accès à la résidence. Leurs recherches et tentatives d’extermination sont vaines pendant plus d’un an.

[12]         En octobre 2011, les demandeurs découvrent une trappe d’accès dans le faux plancher du sous-sol vis-à-vis du garde-robe où se trouve l’entrée d’eau principale. Ils constatent qu’il y a un trou dans le plancher de béton sous cette trappe. Ils voient également un tuyau en forme de Y dont l’une des extrémités est ouverte. Ils soupçonnent que les rats pénètrent par cet endroit. Conséquemment, les demandeurs bouchent la sortie de ce tuyau.

[13]         En juin 2013, M. Laurent Samson vient constater la situation.

[14]         À l’été 2013, les demandeurs subissent une importante infiltration d’eau.

[15]         Le 1 er août 2013, Expert Drainage Québec installe un clapet de fonte de quatre pouces sur le drain sanitaire en remplacement du tuyau en Y pour un prix de 650 $ plus taxes. Elle réalise également une expertise par excavation qui révèle que le drain au pourtour du bâtiment est complètement pourri, plein de terre et de racines.

[16]         Le 8 août 2013, les demandeurs avisent le défendeur qu’ils procéderont eux-mêmes aux travaux correctifs à défaut par le défendeur de le faire.

[17]         Le 9 septembre 2013, Groupe Technodrain remplace le drain sur trois façades pour un prix de 8 664,52 $.

[18]         Le 2 avril 2014, les demandeurs déposent la demande.

Analyse et motifs :

[19]         Les demandeurs invoquent en leur faveur la garantie de qualité. Le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») définit la garantie de qualité ainsi :

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert . [1]

[20]         La garantie de qualité s'applique lorsque les conditions suivantes sont remplies :

Ø    Les parties ne l'ont pas exclue spécifiquement au contrat de vente;

Ø    Le bien est affecté d'un défaut;

Ø    Le défaut est caché, non apparent;

Ø    Le défaut est grave;

Ø    L'acheteur ignore le défaut;

Ø    Le défaut existe au moment de la vente.

[21]         L'acheteur doit démontrer qu'il n'aurait pas acheté le bien ou encore qu'il l'aurait acheté mais à un prix inférieur compte tenu du vice.

[22]         De plus, l'acheteur doit dénoncer par écrit au vendeur, dans un délai raisonnable depuis sa découverte, l'existence du vice [2] .

[23]         L'acheteur doit prouver, par prépondérance de preuve [3] , que les conditions d'application de la garantie de qualité sont remplies.

[24]         Essentiellement, les demandeurs prétendent que la présence du tuyau en Y et du trou dans la dalle de béton du sous-sol constitue un vice caché destiné à masquer que le drain au pourtour du bâtiment est inefficace. Puisqu’il leur en a coûté plus de 7 000 $ pour obtenir une expertise, réparer le tuyau et refaire le drain, ils réclament une diminution du prix de vente de 7 000 $, soit le montant maximal de la compétence de la Division des petites créances.

[25]         En l’espèce, le drain au pourtour du bâtiment est d’origine. Il a donc, au moment de la vente, atteint la fin de sa durée de vie utile. Les demandeurs doivent s’attendre à devoir éventuellement le changer à plus ou moins brève échéance. Or, l’usure normale du bien ne constitue pas un vice au sens de l’article 1726 C.c.Q. Comme l'écrit l'auteur Edwards [4]  :

313 - […] Ainsi, il ne suffit pas de démontrer que le bien ne rend pas l'usage raisonnable escompté. Ce n'est pas parce qu'un toit coule, qu'un robinet ne fournit pas d'eau ou qu'un appareil tombe en panne, qu'ils sont nécessairement atteints d'un vice. Nous verrons que ces effets peuvent aussi être la conséquence de phénomènes autres qu'un vice au sens de la garantie. Après la constatation du déficit d'usage, l'acheteur doit établir le fait destructeur de l'usage.

334 - […] Les détériorations dues à l'usure, au vieillissement ou à la vétusté ne constitue donc pas des vices , car, en raison de la révision à la baisse de l'usage attendu, elles n'occasionnent aucun déficit d'usage au sens de la garantie : l'usage protégé varie ainsi selon l'état de l'usure, du vieillissement et de la vétusté du bien au moment de la vente.

(Nous soulignons)

[26]         En l’espèce, compte tenu de l’âge du drain, le Tribunal ne peut conclure que ce dernier est affecté d’un défaut.

[27]         Par contre, le tuyau en Y permet aisément aux rats de pénétrer dans la maison. Il n’est pas muni d’un clapet ni n’a de grille pouvant empêcher ces indésirables de pénétrer dans la maison.

[28]         Le défaut de ce tuyau a des conséquences graves. Des rats pénètrent dans la maison et y séjournent pendant plus d’un an et demi.

[29]         Ce tuyau se cache sous une trappe d’accès qui elle-même n’est pas évidente à constater. Ni l’inspecteur en bâtiment ni M. Laurent Samson n’en soupçonnaient même l’existence. Le vice est donc caché.

[30]         Les demandeurs ont prouvé que les conditions relatives à la garantie de qualité sont remplies en lien avec ce tuyau. Les demandeurs ont droit à une réduction du prix de vente pour ce vice caché.

[31]         Sachant que les demandeurs ont payé 650 $ plus taxes pour remédier à ce vice caché, le Tribunal fixe la diminution du prix de vente à laquelle les demandeurs ont droit à la somme de 750 $.

[32]         Le défendeur ignorant l’existence de ce défaut [5] , le défendeur n’a pas à réparer le préjudice subi par les demandeurs.

[33]         Étant donné que le Tribunal condamne le défendeur à une somme de 750 $, il fixe les frais judiciaires remboursables aux demandeurs à ceux qui sont payables pour une demande de 750 $.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE le défendeur à payer aux demandeurs la somme de 750 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 2 avril 2014;

CONDAMNE le défendeur à payer aux demandeurs les frais judiciaires d’une demande de 750 $, soit 75,25 $.

 

 

 

 

 

 

 

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PIERRE A. GAGNON, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

22 septembre 2015

 



[1]     C.c.Q. , article 1726.

[2]     Ibid , article 1739.

[3]     Ibid , articles 2803 et 2804.

[4]     Jeffrey Edwards, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois , 2 e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, paragr. 313 et 334.

[5]     C.c.Q., art. 1728.