Syndicat du personnel de soutien de la Commission scolaire des Hauts-Cantons (CSN) et Commission scolaire des Hauts-Cantons (grief syndical, griefs individuels, André Beaudoin et un autre) |
2015 QCTA 903 |
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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N o de dépôt : 2016-0002 |
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QUÉBEC, |
20 novembre 2015 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
M e JEAN-GUY ROY |
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AUDIENCES TENUES LES : |
10 avril, 14 et 15 octobre 2015 |
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À : |
QUÉBEC ET LAC-MÉGANTIC |
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DATE DU DÉLIBÉRÉ : |
30 octobre 2015 |
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GRIEFS N OS : |
24-03-2013; 29-04-2013; 30-04-2013 |
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N OS DU GREFFE : |
2015-0001085-5320; 2015-0001117-5320; 2015-0001118-5320 |
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POUR LA COMMISSION : |
M e JEAN-EUDES FORTIER |
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POUR LE SYNDICAT : |
M. SAMUEL GUÉRIN-BOUCHARD |
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OBJET : Droits acquis : jours chômés et payés |
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SYNDICAT DU PERSONNEL DE SOUTIEN DE LA COMMISSION SCOLAIRE DES HAUTS-CANTONS (CSN) |
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(Griefs syndical et de MM. André Beaudoin et Michel Vachon) |
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COMMISSION SCOLAIRE DES HAUTS-CANTONS |
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S E N T E N C E A R B I T R A L E
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[1] L’audition des présents griefs s’est tenue à Québec, les 10 avril, 14 et 15 octobre 2015.
[2] M e Jean-Eudes Fortier (Morency) représente la Commission scolaire des Hauts-Cantons (la Commission). M. Samuel Guérin-Bouchard, conseiller syndical, (Fédération des employées et employés de services publics inc. (CSN)), représente le Syndicat du personnel de soutien de la Commission scolaire des Hauts-Cantons (CSN) (le Syndicat).
[3] Les parties reconnaissent que l’arbitre soussigné est valablement saisi des présents griefs, qu’il a compétence pour en disposer et que les procédures de règlement de griefs et d’arbitrage prévues à la convention collective ont été respectées.
[4] Les parties demandent que l’arbitre conserve compétence dans l’éventualité qu’il faille disposer d’une question de quantum.
[5] La convention collective 2010-2015 trouve application dans la présente affaire (S-1).
[6] À la demande de l’arbitre, les parties ont fait valoir leur opinion concernant l’application de la clause 9-2.22 A) de la convention collective visant le partage de ses frais et honoraires. Le dernier document ayant été reçu le 30 octobre 2015, c’est donc à cette dernière date que les présents griefs ont été mis en délibéré.
[7] Le 22 mars 2013, le Syndicat présente un grief, grief qui sera amendé le 14 novembre 2014 de la façon suivante :
« EXPOSÉ SOMMAIRE DES FAITS :
En vertu de la convention collective,
de l’article 5-2.03, entre autres et sans s’y limiter, des lois et règlement
d’ordre public et des articles
RÉCLAMATION :
Nous réclamons que l’employeur se conforme à la convention collective en garantissant 15 jours chômés et payés par année financière aux salariés couvert par la convention collective et verse à tous les salariés lésés l’équivalent des sommes perdues occasionnées par cette décision et tous les autres droits et avantages prévus à la convention collective, la compensation de tous les préjudices subis, de quelque nature qu’ils soient, incluant les dommages moraux et exemplaires ainsi que le préjudice fiscal. Le tout rétroactivement et avec intérêts au taux prévu au Code du travail, sans préjudice aux autres droits dévolus. » (S-2).
[8] À cette même date du 14 novembre 2014, le Syndicat amendera dans les mêmes termes les griefs qu’il avait présentés respectivement les 29 avril et 30 avril 2013 au nom de MM. André Beaudoin et Michel Vachon (S-3, S-4).
[9] M me JULIE BOLDUC est au service de la Commission depuis 2001. Elle est technicienne en éducation spécialisée. Depuis 2009, elle est présidente du Syndicat. De son témoignage, il y a lieu de retenir les éléments suivants :
9.1. Il faut faire une distinction entre un arrangement local et une adaptation locale. À titre d’exemple, la répartition des deux jours chômés et payés qui sont accordés au personnel de soutien en sus des 13 jours prévus à la clause 5-2.02 de la convention collective et que prévoient les clauses 5 - 2.03 des différentes conventions collectives qui s’appliquent ou qui se sont appliquées dans le passé à la Commission constitue une adaptation locale et non un arrangement local.
9.2. À la suite de l’entente nationale 1975-1979 (S-22), le Syndicat, concernant les congés chômés et payés, a eu un choix à faire relativement au fait que les conventions collectives antérieures accordaient un nombre de jours de congés chômés et payés supérieurs aux 13 jours prévus à la clause 5-2.02. Il a choisi l’option C) de la clause 5-2.03, soit de maintenir les deux jours additionnels, ceux-ci s’ajoutant alors aux 13 jours déjà prévus (S-21). ( Note : il s’agit des premiers arrangements locaux négociés localement en vertu de l’article 11-4.00 de l’entente nationale 1975-1979 précitée. Ces arrangements locaux ont été signés le 15 décembre 1976 et la clause 5-2.03 « Congés payés » se lit ainsi : « Les employés de soutien à l’emploi de la Commission Scolaire Lac-Mégantic à la date de la signature, continueront de bénéficier de 15 fêtes chômées et payées par année et ce, durant la durée de la présente convention collective, soit jusqu’au 30 juin 1979 ».
9.3. Les employés de soutien ont toujours bénéficié de 15 jours de congés chômés et payés pour les années subséquentes à la convention collective 1975-1979. Leur répartition pouvait faire l’objet d’une adaptation locale.
9.4. Le 3 janvier 2013, à titre de présidente du Syndicat, elle a écrit à la Commission, compte tenu que celle-ci n’avait pas répondu à sa demande de rencontre des 26 novembre et 3 décembre 2013 pour que siège le comité de négociation, qu’elle avait été mandatée, lors de l’exécutif du 18 décembre 2012, de l’informer que le Syndicat comprenait que cette dernière ne souhaitait pas « reconduire et/ou renégocier les adaptations locales de 2005-2010 » et que, par conséquent, toutes les adaptations locales, notamment celles de la clause 5-2-01 visant les jours chômés et payés, ne seront dorénavant « plus valides ni applicables et qu’à compter du 1 er janvier 2013, nous nous baserons uniquement sur la convention collective S-6, 2010-2015, les arrangements locaux et la matière locale (LPE) pour nos relations de travail futures » (S-9). Ainsi, on ne tenait plus compte des arrangements locaux qui étaient alors en vigueur pour la convention collective 2005-2010 et qui avaient été signés le 17 juin 2008 (S-7).
9.5. À la suite de la communication précitée, la Commission, le 18 janvier 2013, a répondu à l’exécutif du Syndicat qu’elle demeurait toujours intéressée à reprendre les échanges sur ce sujet (S-10).
9.6. Au comité des relations du travail (CRT) du 5 février 2013, ainsi qu’en fait foi le compte-rendu de cette rencontre, la direction des ressources humaines (DRH) a demandé à la partie syndicale qu’on l’éclaire sur l’information qu’elle avait reçue au sujet du fait que l’assemblée syndicale du 29 janvier 2013 aurait entériné par vote l’abandon des adaptations locales, et ce, en date du 31 décembre 2012. Elle lui a confirmée cette situation, cette assemblée s’étant effectivement prononcée à l’unanimité « à l’effet de ne pas prolonger les textes des adaptations locales, ni de poursuivre le processus de négociation locale » (S-11).
9.7. Le 27 février 2013, la DRH informait le personnel de soutien de la « Modification des conditions de travail du personnel de soutien » et que, compte tenu de la position syndicale, elle n’avait d’autre alternative que « appliquer de façon stricte les dispositions de la convention collective nationale et des arrangements locaux ». À cette note de service, était annexé un tableau comparatif des dispositions d’adaptations locales 2005-2010 et les dispositions de la convention collective nationale qui devaient être applicables à partir du 30 janvier 2013 (S-13).
9.8. C’est à la suite de la note de service précité de la DRH que le Syndicat, le 28 février 2013, a invité ses membres à trois rencontres régionales d’information en mars concernant la décision de l’assemblée générale du 29 janvier 2013 portant sur la négociation des adaptations locales. Un « Tableau présentant les acquis et les pertes pour chacun des sujets visés par les adaptations locales à la suite de la décision de l’assemblée générale du 29 janvier 2013 », faisait respectivement état de ce que prévoyaient les « adaptations locales et les arrangements locaux 2005-2010 », les « adaptations locales qui se terminaient le 31 décembre 2012 » et « ce que la convention collective nationale prévoit » (S-14). On y fait notamment état du fait que la convention collective nationale prévoit 13 jours chômés et payés à la clause 5-2.01 et qu’il y aurait ainsi « perte de deux congés mobiles ». Sur ce dernier sujet, elle a cependant informé l’assemblée générale que l’interprétation du Syndicat était différente de celle de la Commission, que des vérifications allaient être faites pour s’assurer de la justesse de l’interprétation syndicale et, qu’entre-temps, un grief serait déposé par le Syndicat pour protéger les droits du personnel visé, ce qui justifie le présent grief.
9.9. Ainsi qu’en font foi les résolutions de la Municipalité scolaire de la Ville de Lac-Mégantic pour les années scolaires 1964-1965 à 1968-1969, la Toussaint et l’Épiphanie étaient accordées soit à titre de congés mobiles, soit à titre de congés chômés et payés (S-26).
9.10. L’impact sur le personnel de se faire enlever deux jours de congés mobiles, situation qui existait depuis plus de 40 ans, en a révolté plusieurs, surtout dans le contexte où la Commission appliquait sa décision à compter du 30 janvier 2013, pénalisant ainsi ceux qui n’avaient pas encore pris une ou les deux journées mobiles auxquelles ils avaient droit pour cette année scolaire.
[10] De l’interrogatoire de M me BOLDUC par le procureur de la Commission, il y a lieu de retenir les éléments suivants :
10.1. Compte tenu des deux relances qu’elle avait faites les 26 novembre et 3 décembre 2012 au sujet de la renégociation des adaptations locales, et forte du mandat que l’exécutif lui avait confié le 18 décembre 2012, elle n’a pas communiqué de nouveau avec la Commission avant le 3 janvier 2013, moment où elle lui a fait parvenir le document S-9 informant cette dernière du mandat reçu de l’exécutif syndical de ne pas reconduire ni renégocier les adaptations locales 2005-2010.
10.2. Au CRT du 5 février 2013, les parties n’ont pas élaboré sur les notions d’adaptations locales et d’arrangements locaux.
10.3. Les conventions collectives antérieures à 1972 n’ont jamais accordé 15 jours à titre chômés et payés. De 1964 à 1969, ce nombre a varié, mais la Toussaint et l’Épiphanie ont toujours été incluses soit à titre de jours chômés et payés soit à titre de congés mobiles. Ce sont ces deux jours précisément qui constituent les droits acquis.
10.4. Les 15 jours de congés chômés et payés ont été reconduits dans chacun des arrangements locaux 1973-1975 (S-23), 1975-1979 (S-21), 1979-1982 (S-20), 1983-1985 (S-19), 1986-1988 (S-18), 1989-1991 (S-17), 1995-1998 (S-6) et 2000-2005 (S-7). Ces derniers arrangements, au printemps 2011, ont également été reconduits jusqu’au 31 mars 2012 (S-8).
[11] M me JULIE MORIN est au service de la Commission depuis janvier 2000. Elle est directrice des ressources humaines depuis janvier 2012. De son témoignage, il y a lieu de retenir les éléments suivants :
11.1. En mai 2011, les parties ont prolongé les adaptations locales 2005-2010, et ce, jusqu’au 31 mars 2012, et ce, même si l’entente nationale 2010-2015 venait d’être signée (S-8). Compte tenu que les parties constataient que le temps manquait pour s’entendre sur des adaptations locales avant cette dernière date, elles ont convenu de prolonger celles-ci jusqu’au 31 décembre 2012. Cette prolongation s’est faite de façon verbale. M. Éric Forget, conseiller technique à la CSN, était alors le représentant du Syndicat. Les adaptations locales 2005-2010 qui ont été ainsi prolongées à deux reprises, sont celles qui étaient en vigueur à la Commission au moment des présents griefs.
11.2. Elle a bien reçu le courriel du 3 janvier 2013 de la présidente du Syndicat, M me Julie Bolduc, qui l’informait, compte tenu que les séances de négociations des 26 novembre et 3 décembre 2012 n’avaient pas été tenues, que l’exécutif du Syndicat l’avait mandatée pour lui faire savoir qu’il ne souhaitait pas reconduire ou renégocier les ententes locales 2005-2010 et, par conséquent, celui-ci l’avisait que toutes les adaptations locales, notamment celles visant la clause 5-2.01 des jours chômés et payés, « ne seront plus valides ni applicables et qu’à compter du 1 er janvier 2013, nous nous baserons uniquement sur la convention collective S-6, 2010-2015, les arrangements locaux et la matière locale (LPE) pour nos relations de travail futures » (S-9).
11.3. Elle a été très surprise de cette attitude syndicale compte tenu que la Commission voulait effectivement renégocier les adaptations locales, mais que des circonstances attribuables, autant à la Commission qu’à la partie syndicale, avaient fait en sorte que des rencontres n’avaient pu se tenir avant le 31 décembre 2012. C’est dans ce contexte que, le 18 janvier 2013, elle a fait parvenir une lettre au Syndicat pour lui faire savoir qu’elle était désolée de la situation et que la Commission demeurait intéressée à reprendre des échanges en vue d’une entente locale. Elle faisait également remarquer qu’elle regrettait que lors du CRT du 17 décembre 2013, le Syndicat n’ait pas profité de cette rencontre pour en discuter et elle se disait disponible pour convenir d’une date de rencontre de négociations (S-10).
11.4. Au CRT du 5 février 2013, ainsi qu’en fait foi le procès-verbal de cette rencontre, elle a demandé à la partie syndicale un éclairage concernant les informations qui lui étaient parvenues de l’assemblée syndicale du 29 janvier 2013 voulant que celle-ci avait voté l’abandon des adaptations locales en date du 31 décembre 2012 (S-11). La présidente du Syndicat, M me Bolduc, lui a confirmé ce fait en disant que ce vote avait été unanime. Elle a alors informé le Syndicat que, face à cette situation, la Commission devrait s’ajuster compte tenu que les adaptations locales n’étaient plus en vigueur et qu’elle en informerait en conséquence les gestionnaires.
11.5. C’est dans le contexte qu’elle vient de décrire que, le 8 février 2013, elle a fait parvenir une note de service à l’ensemble du personnel de soutien lui spécifiant qu’il faudrait faire les adaptations nécessaires et qu’elle le tiendrait informé des nouvelles conditions de travail qui seront dorénavant en vigueur (S-12).
11.6. C’est également dans ce même contexte que, le 27 février 2013, elle a fait parvenir au personnel de soutien un tableau mettant en parallèle le « Texte d’adaptation locale 2005-2010 » qui ne s’appliquait plus et les « Textes de la convention collective nationale. Textes applicables à partir du 30 janvier 2013 ». Relativement à la clause 5-2.01, après avoir reproduit cette clause de l’entente nationale, on ajoutait à titre de « commentaires » que le personnel de soutien ne bénéficierait dorénavant que de 13 jours chômés et payés, comme le prévoyait l’entente nationale, et qu’il renonçait ainsi « aux 2 congés mobiles qui étaient consentis annuellement aux employés de soutien ». Elle spécifiait que les nouvelles conditions de travail étaient en vigueur depuis le 30 janvier 2013 (S-13).
11.7. Par la suite, le Syndicat n’a jamais parlé de cette question des 15 congés chômés et payés, si ce n’est au moment où les parties se sont rencontrées pour discuter des présents griefs.
11.8. Lors des trois réunions régionales de mars 2013 qu’a tenues le Syndicat à la suite de l’assemblée générale du 29 janvier 2013, celui-ci précisait que la position syndicale faisait en sorte que la clause 5-2.01 de l’entente nationale prévoyant 13 jours chômés et payés, il s’ensuivait qu’il y avait « perte de deux congés mobiles » (S-14). ( Note : Ce document fait état de « Gains et pertes des adaptations locales ». Au titre des pertes, outre les deux congés mobiles, on spécifie la perte de cinq jours ouvrables pour la mise à jour de l’ancienneté au niveau de l’adaptation scolaire. Au niveau des gains, on mentionne certaines modalités concernant la prise de vacances, certains aspects touchant le temps supplémentaire de même que la fourniture gratuite de vêtements et uniformes dont la Commission exige le port. Les autres objets énumérés sont qualifiés de « pas de pertes syndicales.)
11.9. Le 18 mars 2013, elle a informé l’ensemble du personnel de la Commission qu’à compter du 30 janvier 2013, aucune absence pour un congé mobile ne pouvait être accordée (S-16). C’est après cette communication que le Syndicat a présenté le premier grief (S-2). Ce grief sera d’ailleurs amendé en novembre 2014 pour invoquer dorénavant la clause 5-2.03 de la convention collective (C-1).
11.10. Les recherches effectuées par la Commission, y compris au Service des archives, n’ont pas permis de trouver de documents, notamment conventions collectives, règlements ou résolutions qui, avant l’année scolaire 1975-1976, pourraient servir de fondement pour soutenir l’octroi de 15 jours chômés et payés durant cette période. Les documents produits par la partie syndicale, pour les années scolaires 1964-1965 à 1969-1970, indiquent que le nombre de congés chômés et payés varie jusqu’à 14 jours, mais n’atteint jamais 15 jours (S-26), comme le spécifie la clause 5-2.03 de l’entente nationale 1975-1979.
11.11. Quant à la première convention collective 1969-1971, signée par la Commission et le Syndicat le 9 octobre 1969, après que ce dernier ait obtenu son accréditation le 15 février 1969, elle fixe à 13 le nombre de jours chômés et payés (S-25). ( Note : l’Épiphanie et La Toussaint n’en font pas parti). Elle n’a rien trouvé qui supporterait que le personnel de soutien puisse avoir eu droit à plus des 13 jours prévus par la clause 5-2.01 de cette convention collective. Il en est de même pour l’entente nationale 1973-1975 (S-23). Telle est également la situation pour l’entente nationale suivante, soit 1975-1979 (S-22).
11.12. C’est dans les arrangements locaux 1975-1979, signés le 15 décembre 1976, qu’apparaît, pour la première fois, la mention que les employés de soutien « continueront de bénéficier de 15 fêtes chômées et payées par année, et ce, pendant toute la durée de la convention collective, soit jusqu’au 30 juin 1979 » (S-21). Elle croit que les parties ont confondu les notions d’adaptations locales et d’arrangements locaux et elle est d’avis que celles-ci n’avait pas le pouvoir de s’entendre sur ce sujet et de convenir d’accorder ces 15 jours chômés et payés compte tenu qu’aucune convention collective, résolution ou règlement pouvait justifier cette situation, comme le spécifiait par ailleurs la clause 5-2.03 de l’entente nationale 1975-1979. ( Note : Pour la période 1971-1972 à 1974-1975 les comptes rendus du comité exécutif ne font pas état de l’attribution de congés chômés et payés, ne précisant, à cet égard, que les congés accordés durant la période des Fêtes (S-14).
11.13. L’octroi de ces 15 jours chômés et payés à compter de l’année 1976-1977 n’a pas été remis en cause par la Commission avant l’année scolaire 2012-2013.
[12] Après avoir passé en revue de façon fort détaillée l’historique des conventions collectives locales qui ont été en vigueur à la Commission scolaire Lac-Mégantic depuis l’année scolaire 1964-1965 de même que les ententes nationales qui se sont appliquées à la Commission scolaire des Hauts-Cantons depuis notamment 1973-1975, ces dernières dispositions ayant été en vigueur jusqu’à l’année scolaire 1975-1976, le représentant du Syndicat fait valoir, à la lumière des différentes clauses de droits acquis qui ont été maintenues d’une convention collective à l’autre, que l’ensemble des employés de soutien de la Commission était en droit de se voir reconnaître la Toussaint et l’Épiphanie à titre de journées chômées et payées, ces deux jours constituant des droits acquis collectifs. Ces droits ont alors été intégrés à la convention collective 1975-1979, de sorte que le nombre de jours chômés et payés auxquels le personnel de soutien avait dorénavant droit passait de 13 à 15, satisfaisant ainsi aux prescriptions de l’article 5-2.03 de l’entente nationale qui trouve application dans les présents griefs.
[13] À titre subsidiaire, poursuit-il, ces droits du personnel de soutien, étaient en vigueur en 1975-1976 puisque les parties locales, le 15 décembre 1976, ont clairement spécifié que ces employés « continueront de bénéficier de 15 fêtes chômées et payées par année », et ce, pendant toute la durée de la présente convention collective, soit jusqu’au 30 juin 1979. Les termes dont ont convenus les parties sont clairs et sans ambiguïté et l’arbitre doit leur donner la seule interprétation qui s’en dégage, à savoir que pour l’année 1975-1976, les employés de soutien bénéficiaient de 15 jours chômés et payés et que cette situation constitue des droits acquis couverts par la clause 5-2.03 de l’entente nationale. En somme, les termes de l’entente locale du 15 décembre 1976, combinés à l’application constante de deux jours chômés et payés supplémentaires pendant près de 40 ans, et l’application de la clause 5-2.03 des ententes nationales lors des arrangements locaux jusqu’en 2012-2013 rencontrent les exigences de prépondérance de preuve nécessaires à la reconnaissance de la clause 5-2.03 de l’entente nationale qui s’applique au présent grief.
[14] Toujours à titre subsidiaire, ce représentant soutient qu’on peut également invoquer dans les présents griefs la théorie de l’estoppel. À ce sujet, bien qu’il faille reconnaître que les deux journées chômées et payées supplémentaires ne pouvaient être légalement négociées par les parties locales en décembre 1976, il ne s’ensuit pas pour autant qu’il faille conclure au droit de la Commission d’y mettre fin unilatéralement le 30 janvier 2013 sans que celle-ci donne un préavis raisonnable au Syndicat, tel préavis ne pouvant être moindre qu’une année.
[15] Relativement au paiement des frais et honoraires de l’arbitre, ce représentant fait valoir que ce n’est pas parce que ce dernier ne retiendrait pas tous les arguments sur le fond des griefs qu’il a fait valoir, qu’il n’y aurait pas pour autant un gagnant et un perdant, comme le spécifie la clause 9-2.22 A) de la convention collective. Ainsi, si l’arbitre retenait l’argument de l’estoppel, il y aurait alors une partie perdante au sens de cette clause et la Commission devrait alors assurer l’entièreté des frais et honoraires de l’arbitre.
[16] À l’appui de ses prétentions, le représentant du Syndicat dépose des extraits de lois, de la doctrine et de la jurisprudence (Annexe I).
[17] Après avoir brossé l’historique des événements qui ont amené la décision de la Commission de mettre fin, au 30 janvier 2013, au régime de 15 jours fériés, son procureur, après avoir fait état des termes de la clause 5-2.03 de l’entente nationale, soutient que, dans les présents griefs, cette clause ne peut recevoir application car il n’existe, comme cette clause l’exige, aucune « convention collective antérieure ou un règlement ou une résolution de la Commission en vigueur au cours de l’année 1975-1976 », accordant un nombre de jours chômés et payés supérieur à ce qui est prévu à la clause 5-2.02 de la convention collective, c’est-à-dire les 13 jours auxquels a droit le personnel de soutien de l’ensemble des commissions scolaires.
[18] Cette clause 5-2.03, poursuit ce procureur, est essentiellement une clause de droits acquis et constitue un régime d’exception au régime général prévu à la clause 5-2.02. Comme la doctrine et la jurisprudence l’ont déterminé de façon unanime, un régime d’exception à un régime général commande une interprétation stricte et, dans la présente affaire, le Syndicat se devait de produire la preuve de l’existence, au cours de l’année 1975-1976, d’une convention collective, d’un règlement ou d’une résolution qui était en vigueur à la Commission scolaire Lac-Mégantic. Or, conclut-il, cette preuve n’a aucunement été faite et les termes de l’entente locale, signée en décembre 1976, prévoyant que le régime de 15 jours de congés fériés continuerait à s’appliquer, ne sauraient certes satisfaire aux exigences spécifiques que requiert la clause 5-2.03 de l’entente nationale.
[19] Quant à la décision de la Commission de mettre fin au 30 janvier 2013 au régime de 15 jours fériés qu’elle accordait au personnel depuis 1976-1977, ce procureur fait valoir qu’on ne saurait, dans les présentes circonstances, invoquer la théorie de l’estoppel et il soutient que la Commission n’a strictement que donné suite à la décision du 3 janvier 2013 du Syndicat de renoncer aux arrangements locaux qui étaient alors en vigueur, le régime des jours fériés faisant partie de tels arrangements locaux, pour s’en remettre désormais à l’entente nationale 2010-2015.
[20] Relativement au paiement des frais et honoraires de l’arbitre dont fait état la clause 9-2.22 A) de la convention collective, ce procureur soutient que, même dans l’hypothèse avancée par le représentant du Syndicat que l’arbitre retiendrait la théorie de l’estoppel, ces frais ne devront pas être supportés par la Commission puisque, d’une part, le droit du personnel à 15 jours chômés et payés n’avait alors aucun appui conventionnel et, d’autre part, que cette pratique déviante ne pouvait perdurer au-delà du délai de un an après le dépôt du grief.
[21] À l’appui de ses prétentions, le procureur de la Commission dépose de la doctrine et de la jurisprudence (Annexe II).
[22] L’arbitre doit décider si est fondée la décision de la Commission de mettre fin, au 30 janvier 2013, au bénéfice dont jouissait l’ensemble du personnel de soutien de se voir octroyer 15 jours chômés et payés au lieu des 13 jours prévus à la clause 5-2.02 de l’entente nationale.
[23] Après analyse, l’arbitre se doit de répondre affirmativement à la présente question.
[24] Rappelons les faits essentiels des présents griefs.
[25] Avant l’instauration d’un régime de négociations nationales, la Commission scolaire Lac-Mégantic, au moins à compter de l’année scolaire 1964-1965 et jusqu’à l’année scolaire 1968-1969, accordait à titre de congés fériés l’Épiphanie et La Toussaint. Le nombre de jours fériés annuels n’était cependant pas constant et pouvait varier d’une année à l’autre. Le nombre maximum accordé a été de 14 au cours des années 1964-1965 et 1967-1968. La première convention collective qui a suivi l’accréditation du Syndicat, soit celle de 1969-1971, fixe à 13 le nombre de congés chômés et payés. La Toussaint et l’Épiphanie n’y apparaissent pas. L’article 23 de cette convention collective prévoit, de façon assez standard, le maintien des droits acquis.
[26] À compter de l’entente nationale 1975-1979, une disposition spécifique, soit la clause 5-2.03, obligeait le personnel qui bénéficiait de jours chômés et payés supérieurs aux 13 jours fixés par la clause 5-2.01 de cette entente d’effectuer certains choix. Le Syndicat a choisi l’option c) et ce dernier et la Commission, le 15 décembre 1976, convenaient d’un arrangement local qui prévoyait que le personnel de soutien à l’emploi de la Commission à la date de la signature continuerait de bénéficier de 15 jours chômés et payés, et ce, pour la durée de celle-ci, soit jusqu’au 30 juin 1979. Au sujet de cet arrangement local, les parties conviennent que tant la Commission que le Syndicat ont interprété erronément l’article 11-4.00 « Arrangements locaux » de l’entente nationale et que la clause 5-2.03 dont il a été alors convenue ne pouvait faire l’objet d’un tel arrangement local.
[27] Quoi qu'il en soit, au moins depuis l’année 1976-1977 et jusqu’au 30 janvier 2013, le personnel de soutien a bénéficié de 15 jours chômés et payés, soit durant une période de près de 37 ans. La Commission, à cette dernière date, a décidé de mettre fin à cette situation. Le Syndicat a alors déposé le premier grief dont l’arbitre est saisi.
[28] Pour disposer des présents griefs qui soutiennent que le personnel de soutien devrait bénéficier du droit acquis de 15 jours chômés et payés annuellement, l’arbitre s’en remet à la clause 5-2.03 de l’entente nationale qui protège de tels droits acquis, clause qui se lit ainsi :
« 5-2.03
Dans le cas où la convention collective antérieure ou un règlement ou une résolution de la commission, en vigueur au cours de l’année 1975-1976, prévoyait un régime de jours chômés et payés dont l’application pour une des années financières de la convention aurait permis un nombre de jours chômés et payés supérieur à celui prévu annuellement au premier alinéa de la clause 5-2.01, le nombre de jours chômés et payés prévu au premier alinéa de la clause 5-2.01 est augmenté, selon l’année en cause, de la différence entre le nombre de jours chômés et payés obtenu par application de l’ancien régime pour l’année en cause et celui prévu au premier alinéa de la clause 5-2.01. Dans le cas où cet ancien régime prévoyait un nombre de jours différent pour certains groupes de personnes salariées, le nombre de jours chômés et payés de la clause 5-2.01 est augmenté pour chacun des groupes de personnes salariées en cause du nombre de jours supplémentaires prévu à l’ancien régime pour ce groupe de personnes salariées.
Ces jours chômés et payés supplémentaires sont fixés par la commission après consultation du syndicat. La fixation de ces jours doit tenir compte des contraintes liées au calendrier scolaire. La commission et le syndicat peuvent néanmoins convenir d’autres modalités concernant la fixation de ces jours chômés et payés supplémentaires. »
[29] Cette clause ne prête pas à confusion et ne souffre guère d’interprétation. Essentiellement, celle-ci garantit au personnel qui a bénéficié d’un nombre de jours de congés chômés et payés supérieur aux 13 jours fixés à la clause 5-2.01 qu’il pourra conserver ce droit si « la convention collective antérieure ou un règlement ou une résolution de la commission, en vigueur au cours de l’année scolaire 1975-1976 » prévoyait un régime de jours chômés et payés supérieurs à 13.
[30] Un tel texte écarte le fait, comme le soutenait le Syndicat, qu’on puisse reconnaître comme fondement du droit acquis l’Épiphanie et La Toussaint, puisque ce n’est que le nombre de jours qui peut être ainsi protégé.
[31] Il faut convenir, relativement à l’application de la clause 5-2.03 qui protège les droits acquis, que l’écoulement du temps n’a guère rendu facile la détermination du nombre de jours fériés dont bénéficiait le personnel en 1975-1976. La preuve, en effet, si on fait exception de cette dernière année dont il sera question plus loin, n’établit pas de façon probable que le personnel aurait bénéficié durant un certain nombre d’années avant cette période d’un nombre de jours chômés et payés supérieur à 13. Tout ce que la preuve permet d’affirmer, c’est que ce nombre a beaucoup varié de 1964 à 1969, n’atteignant 14 que lors de deux années, soit 1964-1965 et 1968-1969. De plus, cette preuve est, à toutes fins utiles, muette au sujet du nombre de jours chômés et payés dont le personnel a bénéficié entre 1969-1970 et 1974-1975, les comptes rendus du comité exécutif de 1971-1972 à 1974-1975 ne faisant état de congés fériés que pour la période des Fêtes.
[32] Tant le Syndicat que la Commission ont admis qu’ils n’avaient pu retrouver quelque règlement ou résolution qui aurait été en vigueur au cours de l’année 1975-1976 et qui aurait prévu un régime de jours chômés et payés supérieurs aux 13 qui sont fixés à l’entente nationale.
[33] Pour pallier cette carence, et insistant sur le fait que la Loi sur les archives [1] est relativement récente, le Syndicat plaide qu’il faut conclure qu’un régime de 15 jours chômés et payés existait au cours de l’année 1975-1976 puisque l’entente locale du 15 décembre 1976 faisait état d’un tel régime pour l’année 1976-1977 en spécifiant que « les employés de soutien continueront de bénéficier de 15 jours chômés et payés par année ».
[34] Cette entente, rappelons-le, constitue un arrangement local en vertu de l’article 11-4.00 de l’entente nationale 1975-1979 et malgré que sa légitimité juridique ne soit pas reconnue, elle a été en vigueur à la Commission à compter de l’année 1976-1977 jusqu’au 31 janvier 2013, soit près de 37 ans.
[35] Le Syndicat fait valoir que les représentants syndicaux et ceux de la Commission, qui ont signé cette entente le 15 décembre 1976, étaient des gens raisonnables et qu’on doit donner à leurs propos le sens que ceux-ci entendaient leur donner, à savoir que si le bénéfice de 15 jours fériés est « continué » pour l’année 1975-1976, c’est que tel bénéfice existait auparavant, notamment en 1975-1976. Dans les circonstances, soutient-il, on ne peut présumer autre chose et il s’agit là d’une hypothèse sérieuse qui doit être retenue.
[36] L’arbitre convient volontiers que ce que soutient le Syndicat n’est pas sans mérite surtout, comme il a été dit, que l’écoulement du temps rend difficile la production de certains documents, sans compter qu’une preuve testimoniale n’est guère possible dans les circonstances. Cette présomption et cette hypothèse peuvent-elles être retenues et jugées satisfaisantes pour décider si le personnel est ainsi en droit de se réclamer de la clause 5-2.03 dans le contexte où, comme l’exige le texte explicite de celle-ci, ce n’est que « Dans le cas où la convention collective antérieure ou un règlement ou une résolution de la commission » prévoyait un régime de jours chômés et payés supérieur aux 13 jours prévus à la clause 5-2.01 que tels droits acquis peuvent être accordés.
[37] Avec égard, l’arbitre ne peut conclure en ce sens.
[38] La particularité de la clause 5-2.03 de l’entente nationale réside dans le fait que celle-ci constitue une clause d’exception qui peut permettre au personnel de bénéficier d’un régime de jours chômés et payés plus avantageux qui déroge ainsi au régime général prévu à la clause 5-2.01 pour l’ensemble du personnel de soutien des commissions scolaires, soit l’octroi de 13 jours chômés et payés annuellement.
[39] La doctrine et la jurisprudence sont unanimes sur le fait qu’il faille interpréter de façon limitative une disposition particulière d’une convention collective qui déroge à une disposition générale. Sur ce sujet, les auteurs Morin et Blouin [2] s’expriment ainsi lorsqu’ils traitent de la cinquième règle d’interprétation, soit qu’« Une convention collective s’interprète en favorisant la réalisation de ses effets ordinaires et généraux et, à ces fins, en limitant ses effets d’exception. » :
« VIII.56 - La convention collective du travail édicte des normes générales applicables à l’ensemble des salariés de l’unité d’accréditation et pour toutes les situations normales, usuelles ou habituelles du milieu de travail visé. Les parties ajoutent parfois des dispositions d’exceptions ou particulières pour un groupe de salariés ou ayant trait à quelques situations précises. On ne doit pas déformer le caractère particulier de ces mesures de manière à trop réduire la portée des règles générales. Ces modalités particulières doivent demeurer ce qu’elles sont réellement, c’est-à-dire des dérogations ou modulations à la règle générale et habituellement apportées de manière à mieux tenir compte de situations particulières. […] Or, il est une règle d’interprétation communément admise voulant qu’une disposition d’exception ou particulière déroge du régime général sans qu’il soit nécessaire d’exprimer ce dernier point. Il faut donc lire ces dispositions d’exception comme des règles qui, dans le contexte global de la convention collective, viennent limiter la portée des règles générales exprimées ou non, pour répondre à des besoins particuliers et non pour les rendre inopérantes, pour les geler ou pour les contredire. On devrait plutôt les traiter à titre d’arguments a contrario affirmant et étayant ainsi la portée de la règle générale qu’elles écartent en des cas ou circonstances déterminés pour des raisons d’équité, de justice ou d’impératifs pratiques.
VIII.57 - Cette cinquième règle est basée sur les mêmes principes que la quatrième règle et lui sert de contrepoids. Parce que les clauses d’exception ou plus particulières viennent limiter la portée des règles générales, pour des cas précis, elles doivent être interprétées d’une façon restrictive afin de ne pas réduire, sans raison et sous ce seul prétexte, la portée normale et première des règles générales. Les exceptions s’interprètent de façon limitative, c’est-à-dire en leur donnant pleinement leur sens, sans plus. […] » (p. 509-510) (références omises)
[40] Dans un tel contexte, et à défaut d’avoir une preuve plus probante, l’arbitre ne saurait conclure de la seule affirmation consignée à l’entente du 15 décembre 1976 à l’occasion des arrangements locaux, que le personnel continuera de bénéficier de 15 jours chômés et payés annuellement, qu’il faille conclure à l’existence d’une convention collective, d’un règlement ou d’une résolution qui aurait été en vigueur au cours de l’année 1975-1976.
[41] Et même si l’arbitre avait pu en venir à une conclusion différente, la situation n’en serait pas moins la même pour le personnel, compte tenu de la conclusion à laquelle il en vient au sujet de la théorie de l’estoppel soulevée par le Syndicat.
[42] Le Syndicat, en effet, fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission ne pouvait mettre fin abruptement au 30 janvier 2013 au régime de 15 jours chômés et payés, dont deux jours mobiles, et il invoque à cet effet la théorie de l’estoppel.
[43] Ce moyen de défense que constitue la pratique passée, que l’on nomme également estoppel en Common Law , a été longuement analysée par l’auteure Verschelden [3] . Celle-ci définit ainsi l’ estoppel by conduct qui est ici soulevée par le Syndicat :
« c) l’ estoppel by conduct : cette règle est à l’effet que « le droit ne devrait pas permettre à une partie de contredire une apparence provoquée par elle et adoptée par une autre partie, si celle-ci a influé sur leur relation juridique […] ».
[…]
En arbitrage de griefs on réfère à l’ estoppel by conduct ou au promissory estoppel . L’une ou l’autre des parties peut, par son comportement ou sa tolérance, inciter l’autre à croire qu’elle n’exigerait pas l’application stricte des termes de la convention collective amenant ainsi l’autre partie à modifier sa position juridique de telle sorte qu’une application stricte des termes de la convention se ferait au préjudice de cette dernière. Ce principe protège la partie qui s’est fiée de bonne foi aux représentations de l’autre d’en subir par la suite une iniquité. » (p. 61) (références omises)
Et l’auteure de poursuivre :
« Pour que l ’estoppel by conduct trouve application, quatre conditions sont requises :
1) l’existence d’un comportement ou de paroles ( representations on existing facts ) démontrant l’intention de ne pas respecter les termes du contrat;
2) que ce comportement ou ces représentations aient été crus par l’autre partie et l’aient incitée à agir en conséquence;
3) la partie qui se plaint de ces représentations doit avoir modifié sa ligne de conduite à son détriment;
4) la preuve de faits contraires aux comportements adoptés par une partie aurait comme conséquence de causer un préjudice à l’autre partie lors du procès. » (p. 62-63)
Les auteurs Morin et Blouin [4] concluent essentiellement dans le même sens lorsqu’ils écrivent :
« VI.39 - […] À défaut d’imprécision dans le libellé de la disposition, une partie pourrait revenir à l’application d’une clause claire même s’il peut y avoir eu quelques écarts de conduite dans le passé, sauf si son vis-à-vis est en position de lui opposer une exception de non-recevoir en s’autorisant de l’exigence de la bonne foi dans la gestion de la convention collective. Pour soulever un semblable moyen d’irrecevabilité, deux conditions s’imposent. Le requérant doit reconnaître le bien-fondé du droit réclamé par la partie adverse mais faire valoir que cette dernière ne peut néanmoins et dorénavant en exiger l’exécution que conformément à la pratique. Il doit de plus établir que la partie qui entend revenir à la case départ a clairement laissé entendre par son comportement qu’elle renonçait à demander l’exécution de la clause autrement que selon la pratique. […] » (p. 395-396) (références omises)
[44] En somme, il y a lieu d’accueillir ce moyen d’irrecevabilité soulevée par une partie lorsque celle-ci démontre de façon claire que le comportement de l’autre partie, soit par ses paroles, ses agissements, son silence ou son inaction, l’a amenée à poser des gestes ou à s’abstenir d’en poser et qu’il serait ainsi injuste ou inéquitable qu’elle soit alors astreinte à l’obligation que veut lui imposer l’autre partie.
[45] L’arbitre est d’avis que la théorie de l’estoppel ne peut trouver ici application.
[46] Rappelons que depuis près de 37 ans, le personnel bénéficie de 15 jours chômés et payés annuellement. Ce bénéfice origine des arrangements locaux qu’ont signés les parties le 15 décembre 1976. Les arrangements locaux 2000-2005 ont reconduit cette situation et les parties ont convenu de prolonger ceux-ci jusqu’au 31 mars 2012, délai de nouveau prolongé jusqu’au 31 décembre 2012.
[47] Compte tenu du fait que la Commission n’avait pas donné suite à deux demandes de rencontre pour reconduire ou renégocier les adaptations locales et les arrangements locaux, le Syndicat, le 3 janvier 2013, a informé celle-ci qu’il ne se sentait plus lié par ces dispositions et qu’il entendait revenir aux dispositions de l’entente nationale 2010-2015. Cette décision du Syndicat faisait suite à une réunion de l’exécutif du 18 décembre 2012. Tant l’assemblée générale du 29 janvier 2013 que les trois assemblées régionales tenues en mars 2013 ratifieront cette décision.
[48] Le régime de jours chômés et payés faisait partie des nombreux sujets dont traitaient les arrangements locaux précités. Les documents déposés aux membres par le Syndicat, tout comme la lettre du 3 janvier 2013 que celui-ci adressait à la Commission, sont fort explicites sur le fait que, dorénavant, l’ensemble des arrangements locaux, et nommément le régime de 15 jours chômés et payés annuels, devenaient caducs et que le Syndicat s’en remettait à l’entente nationale 2010-2015 qui ne prévoyait, sur ce dernier objet, que 13 jours à ce titre.
[49] La Commission, après s’être assurée que telle était bien la décision du Syndicat de renoncer notamment au régime de 15 jours chômés et payés annuels, y a donné suite et a explicité au personnel les conséquences qu’une telle décision entraînait au niveau de leurs conditions de travail.
[50] L’arbitre ne saurait retenir, dans les circonstances, la théorie de l’estoppel. Il ne peut ainsi concourir à l’argument du Syndicat voulant que la Commission aurait dû donner un délai d’au moins un an avant de modifier sa politique du régime de jours chômés et payés annuellement. En effet, il ne s’agit pas ici d’une situation où le comportement d’une partie a amené l’autre partie à poser des gestes ou à s’en abstenir et qu’il serait ainsi injuste et inéquitable que cette dernière soit astreinte à l’obligation qu’on veut lui imposer. Cette décision de la Commission ne fait strictement suite qu’à une demande spécifique du Syndicat qui renonçait aux arrangements locaux jusqu’alors en vigueur, pour s’en remettre exclusivement sur les sujets visés, dont le régime de jours chômés et payés, aux dispositions de l’entente nationale 2010-2015.
[51] La Commission, dans les circonstances, n’avait pas d’alternative et, à défaut de convaincre le Syndicat qu’il fallait renégocier les arrangements locaux et les adaptations locales, elle se devait de donner suite à la décision que lui avait communiquée le Syndicat, le 3 janvier 2013.
[52] Dans les circonstances, l’arbitre ne peut que rejeter les présents griefs.
[53] Compte tenu des dispositions de la clause 9-2.22 A) qui prévoit notamment que « Les frais et honoraires de l’arbitre sont à la charge de la partie perdante sauf dans le cas d’un grief contestant un congédiement », l’arbitre, compte tenu qu’il rejette les présents griefs, ne peut que conclure que ses frais et honoraires devront être supportés par le Syndicat.
DISPOSITIF
[54] POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE :
54.1. REJETTE le grief du 22 mars 2013 du Syndicat du personnel de soutien de la Commission scolaire des Hauts-Cantons (CSN);
54.2. REJETTE les griefs logés respectivement les 29 avril et 30 avril 2013 par le Syndicat du personnel de soutien de la Commission scolaire des Hauts-Cantons (CSN) au nom de MM. André Beaudoin et Michel Vachon;
54.3. DÉCLARE qu’est fondée la décision de la Commission scolaire des Hauts-Cantons de mettre fin, au 30 janvier 2013, au régime de jours chômés et payés dont bénéficiait jusqu’alors le personnel de soutien;
54.4. DÉCLARE que ses frais et honoraires doivent être supportés par la partie syndicale.
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________________________________ __ M e JEAN-GUY ROY, arbitre |
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A N N E X E I
Lois, doctrine et jurisprudence déposées par le Syndicat
Loi sur les négociations collectives dans les secteurs de l’éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux , Chapitre 8 (extraits);
Loi sur l’organisation des parties patronale et syndicale aux fins des négociations collectives dans les secteurs de l’éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux , Chapitre 14 (extraits);
Loi sur l’organisation des parties patronale et syndicale aux fins des négociations collectives dans les secteurs de l’éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux , RLRQ, c. O-7.1 (extraits);
Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic , Chapitre RLRQ, c. R-8.2 (extraits);
MORIN, Fernand et BLOUIN, Rodrigue, Droit de l’arbitrage de grief , 6 e édition, 2010, Éditions Yvon Blais, Cowansville (extraits);
Syndicat des employés des commissions scolaires de la régionale Louis-Fréchette et Commission scolaire régionale Louis-Fréchette , M e Jacques Dupont, arbitre, 10 octobre 1978, SAE 5320-79-1964;
Commission scolaire de Lakeshore et Lakeshore Teachers’ Association , C.A. (Montréal), 27 mars 1979, n o 500-09-001160-787;
Syndicat des employés professionnels et de bureau South Shore et Commission scolaire régionale protestante South Shore , M e Pierre Jasmin, arbitre, 11 juillet 1983, SAE 6340-82-2959;
Centre d’accueil Miriam
c.
S.C.F.P.
,
Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la SAQ et Société des alcools du Québec , M. Gilles Lavoie, arbitre, 12 novembre 1990;
Le Groupe Lactel (Usine de Beauceville) et Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, local 1999 (Teamsters) , M e Marcel Morin, arbitre, 19 octobre 1992;
Commission scolaire de la Jonquière c. M e Fernand Morin et al. , C.A. (Québec), 13 juin 1994, n o 200-09-000667-920;
Société des alcools du Québec et Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec , M. Julien Boucher, arbitre, 24 février 1997;
Ville de Joliette
et
Syndicat
des fonctionnaires municipaux de la Ville de Joliette (C.S.D.)
,
Syndicat des employées et employés de la Commission scolaire du Haut-Saint-Maurice et Commission scolaire de l’Énergie , M e Claude Rondeau, arbitre, 14 décembre 1998, SAE 5320-98-6846;
Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.), section locale 3332 et Société de transport de la Rive Sud de Montréal (S.T.R.S.M.) , M e Claude H. Foisy, arbitre, 22 décembre 2000;
Syndicat du personnel de soutien de la Commission scolaire des Sommets et Commission scolaire des Sommets , M e Jean-Guy Roy, arbitre, 19 février 2014, SAE 5320-15-8760;
Syndicat de l’enseignement de la Haute-Yamaska c. M e André C. Côté et Commission scolaire Val-des-Cerfs , C.S. (Montréal), 17 novembre 2014, n o 500-17-081423-140;
Syndicat des employés de soutien du cégep de La Pocatière (CSN) c. M e Carol Girard et Cégep de La Pocatière , C.S. (Kamouraska), 2015 Québec QCCS 3104.
A N N E X E II
Doctrine et jurisprudence déposées par la Commission
MORIN, Fernand et BLOUIN, Rodrigue, Droit de l’arbitrage de grief , 6 e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville (extraits);
Syndicat des employés salariés de la Commission scolaire Mont-Fort et Commission scolaire Mont-Fort , M e Jean-Marie Lavoie, arbitre, 17 mai 1977, SAE 5320-79-0827;
Union des employés de service de la Commission scolaire Baldwin-Cartier et Commission scolaire Baldwin-Cartier , M e Jacques Dupont, arbitre, 26 juin 1979, SAE 5341-79-1509;
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Hitachi (HSC) Canada inc. et René Lippé , C.A. (Montréal), 18 mai 1995, n o 500-09-001255-934, AZ-95011540;
Syndicat des employées et employés de la Commission scolaire du Haut-Saint-Maurice et Commission scolaire de l’Énergie , M e Claude Rondeau, arbitre, 14 décembre 1998, SAE 5320-98-6846.