Drouin c. Excavation Terrassement Nord-Sud inc. (Entreprises Nord-Sud)

2015 QCCQ 11665

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile  »

N° :

200-32-061399-142

 

 

DATE :

16 novembre 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

HÉLÈNE CARRIER, J.C.Q. (JC 0BT7)

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DANIELLE DROUIN , […], Québec (Québec) […]

Demanderesse

c.

EXCAVATION TERRASSEMENT NORD-SUD INC. , faisant affaires sous le nom de « Les Entreprises Nord-Sud », 1100-B, chemin Industriel, St-Nicolas (Québec) G7A 1B1

Défenderesse

 

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JUGEMENT PAR DÉFAUT

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[1]            La demanderesse, madame Danielle Drouin, réclame à Excavation Terrassement Nord-Sud inc., faisant affaires sous le nom de « Les Entreprises Nord-Sud » (ci - après : « Nord-Sud »), 3 821 $ en dommages-intérêts.

[2]            Madame Drouin prétend que les travaux de paysagement effectués par Nord-Sud n’ont pas été faits à son entière satisfaction et selon les règles de l’art.

[3]            Le 22 mai 2014, madame Drouin transmet une mise en demeure à monsieur Nicolas Proulx de Les Entreprises Nord-Sud.

[4]            Le 8 septembre 2014, madame Drouin dépose sa demande amendée contre Nord-Sud, reçue par cette dernière le 30 septembre 2014.

[5]            Nord-Sud n’a pas répondu à la demande.

LE CONTEXTE

[6]            Au mois de mars 2013, un refoulement d’égouts survient à la résidence de madame Drouin.

[7]            Le 26 mars 2013, des travaux d’excavation et de réparation sont réalisés.

[8]            Lors de ces travaux, une partie du terrassement est défaite. Le trottoir en pavés, les bordures, le muret et la pelouse sont enlevés.

[9]            Les travaux de réfection du terrain, conséquence du refoulement d’égouts, sont couverts par la SSQ, assureur de madame Drouin.

[10]         À l’automne 2013, par l’entremise de son assureur SSQ, madame Drouin retient les services de Nord-Sud pour la remise en état de son terrain.

[11]         SSQ négocie directement avec Nord-Sud quant au prix d’un éventuel contrat d’entreprise pour un montant de 3 814,87 $, alors que madame Drouin donne ses instructions à Nord-Sud quant aux travaux à réaliser.

[12]         Madame Drouin demande à Nord-Sud de réaménager le terrain, tel qu’il existait avant les travaux d’excavation, en utilisant les matériaux déjà sur place, lesquels étaient en bon état. À cette fin, madame Drouin présente à Nord-Sud des photographies de l’état des lieux [1] . De plus, Nord-Sud doit refaire la pose de la pelouse et l’aménagement d’une plate-bande.

[13]         Le 1 er octobre 2013, SSQ remet à madame Drouin le chèque n o 472517 au montant de 3 814,87 $ portant la mention suivante : « Vous trouverez ci-joint le chèque en règlement du sinistre identifié en rubrique  » [2] .

[14]         Les 8 et 9 octobre 2013, Nord-Sud effectue les travaux de terrassement et de pose de pelouse au domicile de madame Drouin, à l’exclusion de l’aménagement de la plate-bande.

[15]         Le 9 octobre 2013, madame Drouin endosse le chèque P-1 au montant de 3 814,87 $ et le remet à Nord-Sud.

[16]         À l’audience, madame Drouin explique que Nord-Sud n’a pas utilisé les matériaux en place et les a remplacés par des matériaux usagés, tachés, qui n’avaient pas la bonne longueur.

[17]          Madame Drouin se plaint principalement des manquements suivants:

-        pose inadéquate d’un muret dont le côté est lisse au lieu d’être diamanté;

-        pose de bordures non alignées et de mauvaises longueurs;

-        pose d’une marche non alignée à la bordure alors qu’initialement il n’y avait pas de marche;

-        pose de bordures trop minces, simples et trop courtes;

-        pose de bordures qui ne sont pas au niveau;

-        pose de pavés tachés;

-        pose de pavés et bordures de différentes couleurs;

-        accumulation anormale d’eau sur le pavé;

-        installation de la pelouse non conforme aux règles de l’art, comportant des bosses, des trous et des creux;

-        aucun aménagement de la plate-bande.

 

[18]         À l’audition, madame Drouin dépose plusieurs photographies des travaux effectués par Nord-Sud [3] .

[19]         De plus, madame Drouin produit une soumission de Terrassement Algarve du Portugal inc. quant aux correctifs à apporter [4]  :

SOUMISSION

Faire trottoir avec pavé existant 19 X 4

Faire 1 marche de 4 pied linéal Pisa Gris et changer 42 pied linéal de bordure Universel gris

Prix 3,150 + taxes

                                                 3,621.00

                                                                                      (reproduction intégrale)

[20]         Madame Drouin réclame 200 $ pour l’aménagement de la plate-bande qui n’a pas été réalisé par Nord-Sud, alors que ce travail était inclus dans le montant de 3 814,87 $ (chèque P-1). Elle explique au Tribunal avoir eu une conversation téléphonique, le 29 mai 2014, avec monsieur Nicolas Proulx, président de Nord-Sud. Il lui aurait offert un remboursement de 200 $ pour l’aménagement de cette plate-bande.

QUESTIONS EN LITIGE

[21]         Madame Drouin a-t-elle fait la preuve que les travaux réalisés par Nord-Sud sont affectés de malfaçons? Dans l’affirmative, a-t-elle droit à des dommages-intérêts?

ANALYSE ET DÉCISION

[22]         Les parties à l’instance sont liées par un contrat verbal d’entreprise au sens de l’article 2098 du Code civil du Québec  :

2098.  Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

[23]         À titre d’entrepreneur, Nord-Sud a les obligations suivantes :

2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[24]         L’auteur Vincent Karim, dans son volume intitulé « Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), contrat de prestation de services et l’hypothèque légale  », écrit :

1250. Par ailleurs, tous les intervenants en construction sont tenus à une obligation de résultat quant à la qualité de l’ouvrage et à sa conformité aux règles de l’art. Cette obligation de résultat constitue la raison d’être de la garantie pour les malfaçons, puisque si l’ouvrage a été construit conformément aux règles de l’art, il ne doit être affecté d’aucune malfaçon […] [5]

[25]          L’honorable Georges Massol, dans l’affaire Dion c. Soucy [6] , rappelle les principes applicables relativement à la notion des malfaçons :

[69]       Comme le rappelle la doctrine, il y a malfaçon lorsque l’ouvrage est incomplet ou déficitaire, ou encore non conforme aux règles de l’art ni aux ententes contractuelles 2 . À titre d’exemple, on considère que font partie de cette nomenclature des taches sombres dans le bois verni des meubles que le client a voulu faire teindre 3 ou un meuble mal coupé, des panneaux d’armoire de cuisine percés au mauvais endroit ainsi que le gondolement 4 .

[70]       Quant aux règles de l’art, celles-ci sont généralement définies comme constituant « l’ensemble des techniques et des pratiques de construction approuvées qui assurent que les ouvrages de construction seront faits avec soin, prudence et diligence et conviendront à leur destination finale » 5 .

                                                              (références non reproduites)

[26]         Madame Drouin doit présenter une preuve prépondérante de ses prétentions quant aux malfaçons.

[27]         En matière de preuve, les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec stipulent :

2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804.  La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[28]         Madame Drouin explique chacun des reproches qu’elle formule à l’égard des travaux effectués par Nord-Sud et produit les photographies à l’appui de ses prétentions.

[29]         Le témoignage de madame Drouin et les photographies produites démontrent, par prépondérance de preuve, que les travaux réalisés par Nord-Sud présentent des malfaçons.

[30]         Nord-Sud avait une obligation de résultat. Or, le résultat n’a pas été atteint.

[31]         Madame Drouin a le fardeau de prouver non seulement les malfaçons, mais également le préjudice qui en résulte.

[32]         Madame Drouin a produit la soumission P-3 au montant de 3 621 $.

[33]         Quant à l’aménagement d’une plate-bande, madame Drouin a fait la preuve d’un aveu extrajudiciaire de la part de Nord-Sud pour un montant de 200 $.

[34]         Nord-Sud a commis une faute en vertu de l’article 1458 du Code civil du Québec et, par conséquent, madame Drouin a droit d’être indemnisée.

[35]         Le Tribunal accorde 3 821 $ à titre de dommages-intérêts en faveur de madame Drouin afin qu’elle puisse remédier aux malfaçons et procéder aux travaux de paysagement.

[36]         Pour toutes ces raisons, Nord-Sud devra payer à madame Drouin la somme de 3 821 $ avec les intérêts calculés au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date du présent jugement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

            ACCUEILLE la demande;

            CONDAMNE la défenderesse, Excavation Terrassement Nord-Sud inc., faisant affaires sous le nom de « Les Entreprises Nord-Sud », à payer à la demanderesse, madame Danielle Drouin, la somme de 3 821 $ avec les intérêts calculés au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec , à compter de la date du présent jugement;

            CONDAMNE la défenderesse, Excavation Terrassement Nord-Sud inc., faisant affaires sous le nom de « Les Entreprises Nord-Sud », à payer à la demanderesse, madame Danielle Drouin, la somme de 137 $, représentant le montant des frais judiciaires qu’elle a dû payer pour déposer sa demande.

 

 

 

 

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HÉLÈNE CARRIER, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

6 octobre 2015

 



[1]     Pièce P-4.

[2]     Pièce P-1.

[3]     Pièces P-2 et P-4.

[4]     Pièce P-3.

[5]     Vincent KARIM, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation), contrat de prestation de services et l’hypothèque légale , 2 e éd., Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 2011, p. 527.

[6]     2012, QCCQ 3084.