Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP-301) et Montréal (Ville de) (Sébastien Campeau)

2015 QCTA 934

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt : 2015-9052

 

Date:       19 octobre 2015

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :            Me Pierre Laplante

 

 

                                                                  ENTRE

 

Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal

(SCFP-301)

Ci-après appelé le syndicat                 

 

ET

 

Ville de Montréal

Ci-après appelé l ’employeur

 

ET

 

Mathieu Audette, Steven Glassford, Dominique Rondeau, Éric Vidal, Daniel Lecavalier et Sylvain Legris

Ci-après appelés les intervenants

 

 

 

Griefs :

13-0804, 13-0938, 14-0107, 14-1034, 15-0234, 15-0341, 15-0342 et 15-0405

(M. Sébastien Campeau)

 

Pour l’employeur :                Me Michel Maranda , Service des Affaires juridiques

                                              

Pour le syndicat :                  Me Danielle Lamy , Service juridique SCFP - Montréal

 

Pour les intervenants :        Me Steve Bargoné, Service juridique SCFP-Québec

 

 

DÉCISION ARBITRALE INTERLOCUTOIRE

(En vertu du code du travail du Québec, art. 100 et ss)

 

 

 

[1]            Les 24 juillet 2014 et  29 juillet 2015, les parties m’ont saisi de 8 griefs tous au nom du plaignant, le col bleu Sébastien Campeau. Ces griefs concernent principalement les sujets suivants :

 

1.1)        Grief # 14-1034 - harcèlement psychologique;

1.2)        Grief # 13-0804 - suspension d’une journée, le 24 septembre 2013;

1.3)        Grief # 13-0938 - suspension de 3 jours, les 12, 13 et 14 novembre 2013;

1.4)        Grief # 14-0107 - suspension de 1 mois, du 31 janvier au 2 mars 2014;

1.5)        Grief # 15-0234 - suspension de 1 mois, du 11 février au 10 mars 2015;

1.6)        Grief # 15-0342 - recommandation de congédiement du 1 er avril 2015;

1.7)        Grief # 15-0405 - congédiement en date du 7 avril 2015;

1.8)        Grief # 15-0341 - suspension de 1 mois, du 11 février au 10 mars 2015;

 

 

[2]            Le ou vers le 6 octobre 2015, Me Steve Bargoné a comparu au nom de 6 cols bleus, cols bleus visés par le grief de harcèlement psychologique susmentionné.

[3]            Le 13 octobre 2015 s’est tenue la première journée d’audience dans cette affaire regroupant les 8 griefs mentionnés au paragraphe 1.

[4]            À cette occasion, et compte tenu des objections formulées et de l’ampleur du contentieux, de nombreux sujets d’intendance furent discutés, voire débattus.

[5]            Il fut convenu que les décisions verbales rendues concernant les sujets d’intendance débattus feraient l’objet d’une décision écrite.

 

Des intervenants :

 

[6]            Les intervenants sont tous des cols bleus à l’emploi de Ville de Montréal.

[7]            Ces intervenants sont mentionnés comme étant des acteurs dans la plainte de harcèlement psychologique déposée par le plaignant Sébastien Campeau. Des acteurs contre lesquels le plaignant entretient des reproches.

[8]            Incidemment, cette plainte de harcèlement psychologique couvre une période de plus de 2 années. Le plaignant l’a résumée en 11 pages à écriture dense, rédigée en petits caractères d’imprimerie, à simples interlignes.

[9]            Une première question s’est posée quant au droit d’intervention des 6 cols bleus visés par la plainte de harcèlement psychologique.

[10]         Étant nommément visés par la plainte de harcèlement psychologique et ayant des intérêts distincts de ceux de l’employeur, j’ai reconnu auxdits intervenants le droit d’intervention en cours d’arbitrage.

[11]         Ce droit d’intervention devra cependant s’effectuer par le biais de leur procureur, Me Steve Bargoné.

[12]         Les intervenants pourront être présents lors des interrogatoires.

[13]         Les intervenants pourront prendre connaissance des mémoires et pièces qui seront échangés entre les parties.

[14]         À la suite de cette décision, une question subsidiaire s’est posée.

[15]         Relativement à cette intervention, la partie syndicale a demandé que les intervenants, qui seront éventuellement appelés à témoigner, témoignent hors la présence des autres intervenants.

[16]         La procureure syndicale a plaidé qu’il y allait de la crédibilité des témoins. Elle a souligné l’importance de ce volet de la preuve dans le cadre d’une plainte de harcèlement psychologique.

[17]         Le procureur des intervenants s’est objecté formellement alléguant principalement que le droit d’intervenir est entier et ne peut être morcelé. Le procureur des intervenants a de plus déclaré qu’il existait une réelle possibilité que le témoignage d’un intervenant affecte les droits d’un autre intervenant. De ce fait, l’intervenant qui serait ainsi interpelé par un autre intervenant aurait donc le droit d’entendre ce que cet autre intervenant aurait à dire à son sujet. Finalement, de dire le procureur du SCFP-Québec, si jamais devait se poser une ou des questions relativement à la crédibilité des témoignages des intervenants, il reviendra alors au Tribunal d’arbitrage d’apprécier la crédibilité des témoins.

[18]         Je partage en bonne partie l’opinion du procureur des intervenants.

[19]          Cela étant dit, étant maître du mode de preuve approprié et de la procédure arbitrale [1] , j’ai décidé que les intervenants qui seraient appelés à témoigner s’exécuteraient hors la présence des autres intervenants. Par ailleurs, le procureur des intervenants sera en tout temps présent. De plus, si lors du témoignage d’un intervenant, à son avis, survenait une crainte réelle à l’effet qu’un droit de l’un des intervenants soit affecté par ce témoignage, ledit procureur des intervenants pourrait alors demander la suspension dudit témoignage et la reprise de ce dernier en la présence de l’intervenant affecté.

 

 

 

De l’ordre d’audition des griefs :

 

[20]         Il fut convenu que pour des considérations d’efficacité, de célérité et pratico-pratiques, le premier grief entendu serait celui concernant le harcèlement psychologique, i.e. le grief # 14-1034.

[21]         En regard de ce grief de harcèlement psychologique, le fardeau de la preuve repose sur la partie syndicale.

[22]         Par ailleurs, les parties ont admis que les faits reliés à chacun des griefs composant le mandat font partie d’un «  continuum factuel » et, qu’éventuellement, la preuve administrée dans le cadre du grief de harcèlement psychologique devrait être versée dans le cadre de l’administration de la preuve des 7 autres griefs.

 

 

De la preuve dans le cadre du grief de harcèlement psychologique :

 

[23]         Lors des déclarations d’ouverture dans la présente affaire,   les parties ont déclaré que leur preuve respective nécessiterait :

 

A) D’entendre les témoignages de plusieurs personnes;

B)    Le dépôt de plusieurs documents;

C) La présence possible d’experts médicaux à titre de témoins.

 

[24]         Conséquemment, plusieurs journées d’audience sont requises.

[25]         À ces nombreuses journées d’audience nécessaires pour l’administration de la preuve des parties syndicale et patronale, s’ajoutent d’autres éléments qui doivent également être pris en considération pour fixer un échéancier réaliste, dont :

 

A) Le temps de preuve des intervenants;

B) Le temps des contre-interrogatoires;

C) Le temps de suspensions pour étude, vérification et validation;

D) Le temps d’une contre-preuve;

E) Le temps des argumentations;

E) La coordination des agendas.

 

[26]         Dès lors, il est devenu manifeste aux yeux de toutes les parties que si nous utilisions la méthode conventionnelle d’audition des griefs et compte tenu de la complexité de l’interrelation des agendas de tous les intéressés, cela nous conduirait fort probablement à une conclusion de cette affaire à la fin 2017 au plus tôt, voire même en 2018.

[27]         Or, le temps est de l’essence du Droit du travail.

[28]         L’arbitrage de griefs, ce forum semi-privé de justice retenu par les partenaires sociaux que sont les syndicats et le patronat, a justement comme mission de constituer un véhicule d’adjudication rapide de toutes les mésententes survenant en cours de convention collective.

[29]         Dans la présente affaire, tout en respectant les règles de justice naturelle, il est dans l’intérêt des parties en présence d’utiliser une procédure d’arbitrage non conventionnelle  et un mode de preuve différent de ce qui est la norme reconnue afin que les griefs du plaignant soient entendus et décisions rendues dans un délai qui soit raisonnable compte tenu de la dimension de cette affaire et compte tenu des nombreux problèmes d’intendance.

[30]         Les parties ont d’ailleurs reconnu, lors de l’audience du 13 octobre 2015, qu’il y allait de leurs intérêts à procéder différemment.

[31]         Le Tribunal d’arbitrage a donc décidé d’ordonner aux parties de se conformer à une divulgation partielle de la preuve, laquelle divulgation est encadrée de la façon suivante :

 

 

Ordonnance :

 

[32]         Au plus tard le 30 novembre 2015 , la partie syndicale transmettra à la partie patronale et à la partie représentant les intervenants, de même qu’à l’arbitre, un mémoire.

[33]         Ce mémoire doit être un relevé factuel de tous les reproches du plaignant à l’endroit de l’employeur et à l’endroit des intervenants relativement à son grief de harcèlement psychologique.

[34]         Ledit mémoire doit être rédigé en caractères d’imprimerie et les reproches doivent être clairement identifiés, répertoriés dans des titres et sous-titres distincts. Les paragraphes doivent être numérotés.

[35]         Ledit mémoire devra suivre une trame factuelle chronologique croissante, en commençant par le reproche le plus ancien pour terminer avec le reproche le plus récent.

[36]         La rédaction des reproches doit comprendre les dates, sinon les époques, et le nom des personnes impliquées.

[37]         Tout document pertinent à un reproche devra être cité, coté et annexé au mémoire.

[38]         Le mémoire syndical devra également expliquer les conséquences qu’a entrainées chez le plaignant la conduite vexatoire reprochée à l’employeur et aux intervenants et ce, sur le plan de l’atteinte à la dignité ou à l’intégrité, y incluant, le cas échéant, les rapports médicaux à leur soutien.

[39]         Au plus tard le 29 février 2016 , la partie patronale produira auprès de l’arbitre, de la partie syndicale et de la partie représentant les intervenants, son mémoire lequel constituera sa réponse détaillée au mémoire syndical.

[40]         Ledit mémoire est soumis aux mêmes règles que le mémoire syndical en y faisant les adaptations qui s’imposent.

[41]         Au plus tard le 29 février 2016 , la partie représentant les intervenants produira auprès de l’arbitre, de la partie syndicale et de la partie patronale son mémoire lequel constituera sa réponse détaillée au mémoire syndical.

[42]         Ledit mémoire est soumis aux mêmes règles que le mémoire syndical en y faisant les adaptations qui s’imposent.

[43]         Au plus tard, le 28 mars 2016 , la partie syndicale produira auprès des intéressés dans la présente affaire sa réplique au mémoire patronal et au mémoire des intervenants.

[44]         Cette dernière réplique est soumise aux mêmes règles que le mémoire initial déposé par la partie syndicale, en y faisant les adaptations qui s’imposent.

[45]         Le 12 avril 2016 se tiendra une deuxième conférence préparatoire portant notamment sur les sujets suivants :

 

A) La concordance du contenu des mémoires et admissions;

B) Le témoignage du plaignant;

C) La preuve complémentaire des parties.

 

[46]         En tout temps pertinent, l’une ou l’autre des parties peut soumettre au tribunal d’arbitrage une difficulté dans l’application de la présente ordonnance.

[47]         Toute difficulté pouvant survenir dans l’application de la présente ordonnance sera réglée dans le cadre d’une conférence téléphonique initiée par l’arbitre, en présence des procureurs des parties.

 

Blainville, ce 19 octobre   2015

 

 

 

                                                                  Me Pierre Laplante

                                                                  Arbitre de grief

                                                                 


Annexe I

 

DESCRIPTIF

 

 

 

 

Dates du mandat :

 

-       Les 27 juillet 2014 et  29 juillet 2015

 

 

 

 

Date d’audience :

 

-       Le 13 octobre 2015

 

 

 

 

Lieu d’audience :

 

-       Montréal

 

 

 

 

Les témoins :

 

 

-       Aucun



[1] Voir article 100.2 du Code du travail