Camions international 170 (2010) inc. c. 2864-4961 Québec inc.

2015 QCCQ 11931

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

« Chambre civile»

N° :

150-22-010194-154

 

 

 

DATE :

11 novembre 2015

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       SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RICHARD P. DAOUST, J.C.Q.

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LES CAMIONS INTERNATIONAL 170 (2010) INC.

 

Demanderesse

 

c.

 

2864-4961 QUÉBEC INC.

- et -

LES SERVICES MONDE VERT INC.

 

Défenderesses

 

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JUGEMENT

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[1]            Puisqu’elle n’a pas été payée pour des travaux effectués sur un camion, la demanderesse Les Camions International 170 (2010) inc. [Camions International] poursuit 2864-4961 Québec inc. [Transport Rénald Lapointe] qui lui aurait apporté le camion et Les Services Monde Vert inc. [Monde Vert], propriétaire du camion, pour le coût des réparations convenues de 5 071,41 $.

[2]            Le recours procède par défaut contre Transport Rénald Lapointe en l’absence de comparution bien que son représentant Rénald Lapointe soit présent puisque assigné comme témoin.

[3]            Monde Vert soutient que même si elle est propriétaire du véhicule, son entente avec Transport Rénald Lapointe fait en sorte que c’est à cette dernière de payer la facture de Camions International.

[4]            Trois questions sont soulevées par le litige :

[5]               1)    Camions International a-t-elle démontré de façon prépondérante son lien de droit avec Monde Vert lors des réparations effectuées et facturées ?

[6]               2)    Même si l’affaire procède par défaut contre Transport Rénald Lapointe, y a-t-il un lien de droit entre cette dernière et Camions International ?

[7]               3)    S’il n’y a pas de lien de droit entre Camions International et Monde Vert, cette dernière doit-elle les sommes réclamées par Camions International vu un enrichissement injustifié ?

LE CONTEXTE

[8]            Camions International est une entreprise qui vend et répare des camions et fardiers. Transport Rénald Lapointe est spécialisée dans le transport diversifié. Monde Vert est spécialisée notamment dans la récupération de produits de carton.

[9]            En juin 2013, Transport Rénald Lapointe − alors représentée par son dirigeant Rénald Lapointe lui-même − contracte avec Monde Vert représentée par une personne qui ne témoigne pas au procès. Contre rémunération, Monde Vert fournit un camion à Transport Rénald Lapointe qui effectue en région la récupération de carton auprès de 135 clients commerciaux. Compte tenu du prix payé à Transport Rénald Lapointe, cette dernière accepte de payer le chauffeur, le diésel et les réparations sur le véhicule.

[10]         Au début de la réalisation de cette entente commerciale, Transport Rénald Lapointe confie certaines réparations mineures à Camions International et en assume les coûts.

[11]         Plus tard, un bris majeur survient à la transmission du camion fourni par Monde Vert à Transport Rénald Lapointe qui confie à Camions International le soin de trouver la source du problème et de procéder aux réparations nécessaires.

[12]         Pour ce faire, Rénald Lapointe met en contact Alain Desbiens de Camions International avec Bastian Koltermann à l’emploi de Monde Vert.

[13]         Même si Rénald Lapointe est tenu informé des réparations qui seront effectuées sur le camion, Alain Desbiens communique à plusieurs reprises avec Bastian Koltermann pour l’informer de chacune des étapes. Il se fait autoriser par ce dernier les réparations pour lesquelles la facture en litige est transmise.

[14]         Puisque les réparations prennent un certain moment à être réalisées et que les 135 clients doivent continuer d’être desservis quotidiennement, Rénald Lapointe communique avec Josée Binette à l’emploi de Monde Vert qui lui fournit immédiatement un autre camion pour procéder à la collecte de carton afin de continuer l’entente commerciale convenue.

[15]         Dès lors, Transport Rénald Lapointe utilise ce nouveau camion jusqu’à la fin de son entente ne revoyant jamais celui réparé par Camions International.

[16]         Ce camion est plutôt remis à Monde Vert qui le reloue ou le vend à son unique bénéfice une fois qu’il a été réparé.

[17]         Au départ, lorsque les factures sont rédigées par Camions International, elles sont au nom de Transport Rénald Lapointe comme l’avaient été les précédentes.

[18]         Lorsque ces factures sont connues de Bastian Koltermann, ce dernier dont le bureau est situé dans le secteur de Montréal prend entente avec Alain Desbiens pour le rencontrer au Saguenay en présence de Rénald Lapointe. Selon Alain Desbiens, lors de cette rencontre, Bastian Koltermann négocie et demande une réduction de prix, ce que Alain Desbiens acceptera deux ou trois jours plus tard par l’envoi d’un crédit de 2 176,25 $ produit au dossier.

[19]         Selon Alain Desbiens, Bastian Koltermann lui aurait dit : «envoie-moi le crédit et je vais faire procéder au paiement de la facture».

[20]         Selon Rénald Lapointe, dès qu’il met en contact Alain Desbiens et Bastian Koltermann, il leur demande de s’arranger ensemble pour les réparations vu qu’il n’avait plus d’intérêt dans cette situation. On lui avait fourni un camion de remplacement. Colette Savard est contrôleuse chez Camions International. Lorsque le compte devient en souffrance, elle communique avec différentes personnes chez Monde Vert et un dénommé Vivianni lui aurait demandé de changer les factures afin que le nom de Monde Vert y apparaisse, ce qu’elle a fait.

[21]         Plus tard, on aurait demandé à Colette Savard de transmettre les factures à Sylvain Boisvert à l’emploi de Monde Vert.

[22]         Ce dernier explique que les employés de Monde Vert peuvent autoriser certaines dépenses mais lorsqu’il s’agit de quelques milliers de dollars, une procédure de numéro d’ordre doit être suivie. C’est alors lui qui doit autoriser les dépenses après la transmission de soumissions, ce qu’il n’aurait pas fait avec les factures litigieuses.

[23]         Au jour du procès, les factures ne sont payées par aucune des défenderesses.

[24]         À l’audience, Camions International produit la carte d’affaires de Bastian Koltermann (P-4) à l’emploi de Monde Vert, carte d’affaires qui a été remise à Alain Desbiens avant la réalisation des travaux.

[25]         L’avocate de Monde Vert s’est opposée à la production tardive de cette carte d’affaires, opposition qui a été rejetée sous réserve que Monde Vert puisse produire après l’audience des cartes d’affaires de l’époque comme elle souhaitait le faire. Une lettre a été transmise par M e Ouazzani nous transmettant des modèles de cartes d’affaires de l’époque qui ne correspondent pas à celle produite sous P-4.

L’ANALYSE

[26]            1)    Camions International a-t-elle démontré de façon prépondérante son lien de droit avec Monde Vert lors des réparations effectuées et facturées  ?

[27]            Bastian Koltermann n’a pas été assigné comme témoin. Selon Monde Vert, il n’y a donc pas de preuve que ce dernier était à son emploi ou autorisé à agir comme il l’aurait fait.

[28]            Deux précisions doivent être apportées.

[29]            Premièrement. La procédure interne décrite par Sylvain Boisvert est sans aucun doute celle existante chez Monde Vert. Cependant, dans la mesure où cette procédure de numéro d’ordre et d’autorisation n’est pas dévoilée aux cocontractants, elle ne peut leur être opposée.

[30]            Deuxièmement. Même si Rénald Lapointe admet que son entente avec Monde Vert prévoyait que son entreprise devait au départ assumer les travaux de réparation sur le camion loué, puisque les contrats n’ont d’effets qu’entre les parties contractantes, il ne s’agit pas d’un motif que peut opposer Monde Vert au tiers Camions International dans la mesure où cette entente n’a pas non plus été dénoncée.

[31]            Par ailleurs, les témoignages de Rénald Lapointe, Alain Desbiens et Colette Savard auxquels j’ai fait référence dans la description factuelle convainquent qu’à plusieurs reprises, Monde Vert est positivement intervenue afin de créer un lien de droit pour permettre la facturation réclamée. Tant les différentes autorisations données par Bastian Koltermann, sa rencontre à Chicoutimi, la transaction alors intervenue que les discussions de Colette Savard avec les représentants de Monde Vert rendent probable que cette entreprise a accepté d’assumer les coûts des réparations réclamés.

[32]            Par ailleurs, pour donner raison à Monde Vert, il faudrait que le Tribunal conclue qu’une personne se nommant Bastian Koltermann se serait payé des cartes d’affaires fausses au nom de Monde Vert. Il aurait communiqué avec le représentant de Camions International pour l’autoriser à effectuer des travaux sur un camion pour lequel il n’aurait aucun intérêt et se serait même rendu au Saguenay pour négocier une entente sur le coût de ces mêmes travaux et ce, sans être un employé de Monde Vert. Cela m’apparaît bien invraisemblable mais si tel était le cas et que, comme semble le prétendre Monde Vert, une telle personne ait pu agir ainsi, elle bénéficierait alors d’un recours récursoire contre cette personne.

[33]            Aussi, Rénald Lapointe n’a pas été contredit lorsqu’il explique que Monde Vert prenait en charge la réparation majeure nonobstant l’entente préalable puisqu’il ne pouvait plus utiliser ce camion pour la collecte de carton et qu’on lui en avait fourni un second qu’il a eu jusqu’à la fin des opérations. Il ne serait d’ailleurs pas l’esprit de l’entente intervenue entre Transport Rénald Lapointe et Monde Vert - qui n’est par ailleurs pas opposable à Camions International - de faire payer les réparations d’un autre camion que celui qui sert aux opérations de collection de carton.

[34]            Par ailleurs, il serait plutôt injuste de faire assumer à Transport Rénald Lapointe une réparation sur un camion dont seule Monde Vert bénéficie de la plus value suite aux réparations.

[35]            En somme, preuve prépondérante a été faite que Monde Vert a accepté de payer les réparations à Camions International.

[36]            2)    Même si l’affaire procède par défaut contre Transport Rénald Lapointe, y a-t-il un lien de droit entre cette dernière et Camions International  ?

[37]            Compte tenu de la preuve entendue, même si l’affaire procède techniquement par défaut contre Transport Rénald Lapointe, il n’est pas possible en droit de condamner cette partie défenderesse. En fait, la prise en charge de cette réparation par Monde Vert coupe le lien de droit entre Camions International et Transport Rénald Lapointe.

[38]            3)    S’il n’y a pas de lien de droit entre Camions International et Monde Vert, cette dernière doit-elle les sommes réclamées par Camions International vu un enrichissement injustifié  ?

[39]         Compte tenu de la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième.

[40]         Cependant, à première vue, l’enrichissement injustifié n’aurait pas semblé la voie appropriée puisque dans tous les scénarios possibles, il y a toujours un contrat, ce qui empêcherait d’appliquer la théorie de l’enrichissement injustifié.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[41]         REJETTE le recours contre 2864-4961 Québec inc. sans frais.

 

[42]         CONDAMNE Les Services Monde Vert inc. à payer à Les Camions International 170 (2010) inc. 5 071,41 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l’an en sus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. et ce, à compter de la mise en demeure du 20 janvier 2015.

[43]         Le tout AVEC DÉPENS .

 

 

 

 

RICHARD P. DAOUST, J.C.Q.

 

M e Daniel Côté

Aubin Girard Côté

Avocat de la demanderesse

 

M e Marie Ouazzani

Avocate de les Services Monde Vert inc.

 

Date d’audience :

2 septembre 2015