Commission de la santé et sécurité au travail c. Commission des lésions professionnelles

2015 QCCS 5767

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT D’

IBERVILLE

 

 

 

N° :

755-17-002005-141

 

DATE :

11 novembre 2015

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L'HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

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COMMISSION DE LA SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Requérante

c.

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

-Et-

MICHAEL SHALIAKIN

-Et-

CAMBLI INTERNATIONAL INC.

            Intimées

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TRANSCRIPTION RÉVISÉE D'UN JUGEMENT RENDU

SÉANCE TENANTE LE 27 OCTOBRE 2015 [1]

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La mise en contexte

[1]            Considérant que la CSST demande la révision judiciaire de deux décisions, l’une rendue par la CLP1, le 27 février 2013, sous la plume du Commissaire Denis Rivard, qui accueille une contestation du travailleur du 11 mai 2012, et l’autre, rendue par la CLP2, le 12 août 2014, sous la plume de la Commissaire Pauline Perron, qui rejette la requête en révision pour cause de la décision du 27 février 2013 de la CLP1;

[2]            Considérant que la décision CLP1 conclut à une aggravation de la déchirure de l’épaule droite du travailleur qui aurait été causée par des traitements d’ergothérapie et de physiothérapie, ainsi que par l’exécution de travaux accomplis par le travailleur après avoir été mis en assignation temporaire par l’employeur;

[3]            Considérant que la décision CLP2 a conclu que la décision de la CLP1 ne comportait pas d’erreur déraisonnable;

[4]            Considérant que la CSST soutient essentiellement qu’aucun médecin n’est venu établir une détérioration objective de la déchirure à l’épaule droite du travailleur devant la CLP, ni une quelconque relation causale entre cette détérioration, les traitements reçus ou les travaux effectués lors de l’assignation temporaire, alors qu’une telle preuve était nécessaire pour que le travailleur réussisse son recours sous l’article 31 de la LATMP;

[5]            Considérant que la CSST ajoute que la preuve provenant de l’ergothérapeute et du physiothérapeute ne rapportait que des faits relatés par le travailleur et que cela était insuffisant pour permettre à la CLP de conclure au bien-fondé de la réclamation du travailleur sous l’article 31 de la LATMP;

[6]            Considérant que la CSST estime que la CLP2 a erré en ne corrigeant pas le tir sur ces questions importantes relatives au fardeau de preuve requis en l’espèce;

[7]            Considérant que la CSST soutient que la décision du Commmisaire Rivard ne fait pas partie des issues possibles en lien avec l‘interprétation de l’article 31 de la LATMP;

[8]          Considérant que la CSST allègue que la CLP2 aurait dû conclure que la décision de la CLP1 comportait une ou des erreurs manifestes et déterminantes et qu’elle aurait dû la ou les corriger;

[9]            Considérant que le travailleur et la CLP soutiennent qu’un rapport d’expert émanant d’un médecin n’est pas requis dans chaque dossier lorsqu’il s’agit d’établir une aggravation, une rechute ou une récidive dans le cadre d’un recours sous l’article  31 de LATMP;

[10]         Considérant qu’ils nous réfèrent à de la jurisprudence qui confirmerait que la détermination de cette question entre dans le cadre spécialisé de la CLP, à qui il revient seule de déterminer si le dossier démontre une lésion professionnelle liée à un accident antérieur [2] ;

[11]         Considérant que le travailleur plaide que la décision CLP1 fait partie des issues possibles et qu’elle ne comporte pas d’erreur manifeste, selon l’analyse présentée, de sorte que CLP2 a bien fait de ne pas la réviser;

[12]         Considérant que les parties s’entendent que nous devons analyser le dossier sous l’angle de la décision raisonnable, la détermination d’une lésion professionnelle comme celle qui nous occupe étant au cœur de l’expertise spécialisée de la CLP;

[13]         Considérant que dans un tel contexte, l’intervention de la Cour supérieure doit demeurer rare [3] ;

[14]         Considérant que la détermination de la rechute, récidive ou aggravation de la lésion en cause est directement liée à l’application de l’article 31 de la LATMP, et que la CLP n’est jamais liée par des opinions médicales dans un tel contexte, selon la jurisprudence [4] .

[15]         Considérant que la CLP peut même écarter une telle opinion pour ne retenir qu’une preuve émanant d’un profane ou un autre type de preuve [5] ;

[16]         Considérant que la détermination du lien de causalité déborde du strict cadre médical et qu’elle constitue une question mixte de faits et de droit qui est au cœur de la compétence de la CLP [6] ;

[17]         Considérant que pour conclure à la dégradation alléguée par le travailleur, le Commissaire Rivard bénéficiait d’un rapport médical daté du 10 mai 2012, signé par le Dr Dandavino, lequel faisait état de la présence d’une déchirure à l’épaule droite qu’il a liée à l’événement de 2010, qu’il disposait aussi des notes et des rapports contemporains aux malaises exprimés par le travailleur consignés par l’ergothérapeute et le physiothérapeute;

[18]         Considérant que les notes de l’ergothérapeute et du physiothérapeute relevaient entre autres des pertes de force, des incapacités à lever des choses comme avant, et cela, dans le contexte où les soins et la reprise de travaux légers venaient tout juste de se produire [7] ;

[19]         Considérant qu’il existe deux écoles de pensées au sujet du fardeau de preuve requis par l’article 31 de la LATMP [8] , et que dans le cadre d’une révision judiciaire, il ne revient pas à la Cour supérieure de favoriser l’une plus que l’autre;

[20]         Considérant que la décision du Commissaire Rivard est intelligible, claire, que ce sur quoi il s’appuie pour arriver à sa conclusion repose sur l’une des deux écoles de pensées de la CLP lorsqu’il est question d’une réclamation fondée sur l’article  31 de la LATMP, et que cette décision est l’une des issues possibles en semblable matière [9] ;

[21]         Considérant que l’exercice fait par la CLP2 correspond à celui que la loi lui imposait et que cette décision n’est pas déraisonnable dans les circonstances [10] ;

[22]         Considérant que la CSST n’a pas démontré qu’il s’agit de l’un des cas rares justifiant l’intervention de la Cour supérieure en l’espèce;

[23]         Pour ces motifs, le Tribunal  :

[24]         REJETTE la requête en révision judiciaire;

[25]         AVEC DÉPENS .

 

 

 

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HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

 

 

 

Me Lucille Giard

 

Paquet Thibodeau Bergeron

 

Avocate de la requérante

 

 

 

Me Marie-France Bernier

 

Verge et Bernier

 

Avocate de la Commission des lésions professionnelles/Intimée

 

 

 

Me Danielle Florence Tremblay

 

Tremblay Bigler Thivierge Avocats

 

Avocate de Monsieur Michael Shaliakin/Intimé

 

 

 

Cambli International inc.

 

Non représentée

 

Intimée

 

 

 

Date d’audience :

27 octobre 2015

Transcription demandée le :

29 octobre 2015

 



[1]     Le jugement a été rendu séance tenante. Comme le permet Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec , [1978] C.A. 258 , 259-260, le Tribunal s'est réservé le droit, au moment de rendre sa décision, d'en modifier, amplifier et remanier les motifs. La soussignée les a remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

[2]     Solaris Québec inc . c . Commission des lésions professionnelles , 2006 QCCS 3183 , par. 36-41.

[3]     Solaris Québec inc.  c. Commission des lésions professionnelles, préc., note 2, par. 34; CSST   c .   Bélair , C.A. Montréal, 2004 CanLII 27452 (QC CA) ; Ambellidis  c.  CSST -et- C.L.P. et als . , C.A. Montréal 2003 CanLII 25779 (QC CA), par. 12, 44, 48; Pelletier   c Commission des lésions professionnelles 2002 CanLII 34543 (QC CS) , par. 55-61, 81, 91; Bose  c.  Québec (Commission des Lésions Professionnelles) , 2003 CanLII 4225 (QC CA) , par. 35, 37; Martin  c.  Alberta (Workers' Compensation Board) , [2014] 1 RCS 546 .

[4]     CSST  c.  Bélair , préc., note 3, par. 3; Ambellidis  c.  CSST -et- C.L.P. et als . , préc., note 3, par. 25-28; Bose c. Québec (Commission des Lésions Professionnelles) , 2003 CanLII 4225 (QC CA) , par. 42; Comeau et restaurant Nouvelle Chine dorée inc. , C.L.P.E. 2002LP-115 (C.L.P.), par. 27-30, voir aussi Comeau  c Commission des lésions professionnelles , C.S. Laval, 2003 CanLII 1054 (QC CS), par. 22; Hôtel-Dieu de Québec et al. c.  Bois et al. [1977] C.S. 563 , page 568.

[5]     Brière et Centre de santé Inuulitsivik   (C.L.P., 2011-11-18), 2011 QCCLP 7431 , pages 18-19; Pelletier c. Commission des lésions professionnelles 2002 CanLII 34543 QCCS, par. 41; Solaris Québec inc.  c. Commission des lésions professionnelles, préc., note 2, par. 38, 40.

[6]     Bose c. Québec (Commission des Lésions Professionnelles) , préc., note 3, par. 42; Railtech ltée et Yousaf   (C.L.P., 2014-02-18), 2014 QCCLP 1068 , par. 31, 49, 51; CSST  c.  Bélair , préc., note 3, par. 2;

[7]     Cette preuve étant admissible selon Pelletier et Agromex inc ., [2005] C.L.P. 1291 , par. 36.

[8]     Brière et Centre de santé Inuulitsivik   (C.L.P., 2011-11-18), 2011 QCCLP 7431 , par. 93-96, 106, 110-111; Sorel c. Commission des lésions professionnelles   (C.S., 2003-02-13), SOQUIJ  AZ-50167964, par. 3, 4, 6; Anyse Létourneau  c.  La Commission des lésions professionnelles , C.S. 200-05-014912-013, 7 septembre 2001, l'Honorable Jean Lemelin, J.C.S, par. 10; Audet et Structures Derek International SA , 2014 QCCLP 4877 , par. 117-118, 124, 128; Pelletier et Agromex inc ., [2005] C.L.P. 1291 , par. 38; Bélanger et Béton Provincial ltée , [1998] C.L.P. 546 , page 549; Les Magasins Hart inc. et Déry , [ 2007], C.L.P. 1183, par. 50; Systèmes Polymère Structural Canada et Manseau , [2007] C.L.P. 1496 , par. 66, 70; Marshall et Hôpital General Lakeshore   (C.A.L.P., 1995-03-31), SOQUIJ  AZ-4999025734, page 8.

[9]     Ambellidis  c.  CSST -et- C.L.P. et als ., préc., note 3, par. 46.

[10]    CSST  c.  Bélair , préc., note 3, par. 2.