Marina de la Chaudière inc. c. Thibeault |
2015 QCCS 5829 |
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JH-5116
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-17-018621-136 200-17-018142-133 |
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DATE : |
4 décembre 2015 |
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EN PRÉSENCE DE : |
L’HONORABLE |
SUZANNE HARDY-LEMIEUX, J.C.S. |
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200-17-018621-136
MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC. Demanderesse c. SYLVIO THIBEAULT -et- PIERRE TREMBLAY Défendeurs -et- VILLE DE LÉVIS Mise en cause -et- PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA Intervenant volontaire -et- ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC Intervenante
200-17-018142-133
SYLVIO THIBEAULT -et- PIERRE TREMBLAY -et- MARTIN STEFFEN Demandeurs solidaires c. MARINA DE LA CHAUDIÈRE INC. Défenderesse
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J U G E M E N T |
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[1] Les parties conviennent que l’objet du présent jugement est de régler, une fois pour toute, la question de la propriété du lit de la Rivière Chaudière en ce qui concerne monsieur Thibeault. Il y a aussi lieu de préciser la limite des droits de Marina de la Chaudière Inc. (Marina) quant à l’installation de ses équipements par rapport au respect des droits riverains («riparian rights»). Notamment, Marina installe des ancrages pour les quais «B et D» sur ce que messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen considèrent être leur propriété ou l’emplacement de leurs droits riverains, selon le cas.
[2] Marina soutient qu’avec les approbations qu’elle obtient de Transport Canada [1] , elle installe ses quais «B» et «D» ainsi que des tangons dans la Zone 4, conformément à celles-ci. Elle désire que les défendeurs respectent ses droits ainsi que ceux de ses membres et continuer à y installer les ancrages requis pour ce faire, au fil des ans.
[3] Monsieur Thibeault acquiert, au mois d’avril 2013, des parcelles de lot situées dans le lit de la Rivière Chaudière [2] . Ces parcelles jouxtent les berges sur lesquelles il construit, au fil des ans. son quai avec passerelle.
[4] Quant à monsieur Tremblay, il détient lui aussi une approbation de Transport Canada pour l’emplacement de son quai, tout comme monsieur Steffen en possède une également.
[5] Tous trois réclament des dommages-intérêts à Marina pour la pose d’ancrages sur leur propriété privée. Ils reprochent particulièrement à Marina de ne pas respecter leurs droits riverains («riparian rights»).
[6] Ils ajoutent que les installations de Marina, lesquelles sont notamment rattachées à des blocs de béton déposés au fond de la rivière pour les tangons et la présence de quais attachés avec des chaînes courant sur la rive et dans l’eau, constituent un danger pour la navigation au point où, à une occasion, le bateau de monsieur Thibeault heurte un bloc de béton.
[7] Ils précisent devoir ramasser régulièrement des déchets provenant de plaisanciers qui utilisent le quai de la Marina. Ceux-ci échouent sur la rive de leur propriété. Ils mentionnent subir aussi un trouble de voisinage anormal en raison du bruit provenant de membres de la Marina. Ils réclament donc des dommages-intérêts d’environ 200 000$.
[8] Marina soutient exercer les droits qui sont les siens de façon respectueuse envers messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen, d’une part. Elle ajoute, d’autre part, qu’elle encadre par règlements la conduite de ses membres [3] . Elle ne peut cependant être tenue responsable des agissements de quelques-uns de ceux-ci qui, à l’occasion, adoptent un comportement peu respectueux.
[9] D’ailleurs, Marina précise que le recours de messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen constitue un abus de droit à son égard. Elle en demande donc le rejet, d’une part et l’octroi de dommages punitifs et exemplaires, d’autre part.
[10] Procureur Général du Canada (PGC) précise que Transport Canada donne les approbations requises tant pour Marina que pour messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen, conformément à sa réglementation. La responsabilité de cet organisme ne saurait donc être recherchée.
[11] Administration Portuaire de Québec (APQ) mentionne qu’elle détient la gestion des eaux du Fleuve St-Laurent incluant le bassin de la Rivière Chaudière et ce, à compter de la moitié de la Rivière Cap-Rouge d’un côté jusqu’à mi-chemin de l’Ile d’Orléans, de l’autre [4] . Elle signe donc en toute légalité un bail pour l’utilisation d’un lot d’eau avec Marina pour l’occupation du bassin de la Rivière Chaudière [5] . Ce bail est reconduit à plusieurs reprises depuis.
[12] Ville de Lévis ne fait aucune représentation dans le présent dossier. Quant à la Procureure Général du Québec, elle soutient, avec l’accord de PGC et APQ, que le Tribunal n’a qu’à déclarer que le fond de la Rivière Chaudière appartient à la Couronne.
[13] Les prétentions des parties requièrent l’examen des questions suivantes :
· la détermination de la propriété du lit de la Rivière Chaudière pour les parcelles A, B, et D achetées par monsieur Thibeault au mois d’avril 2013 [6] ;
· le droit de Marina à l’obtention d’une injonction permanente et à des dommages-intérêts;
· la présence ou non de troubles anormaux de voisinage;
· l’exercice ou non d’un recours abusif;
· la quotité des dommages-intérêts réclamés de part et d’autre, s’il y a lieu.
[14] Dans un premier temps, il convient de relater les faits pertinents au présent litige.
1.- Les faits
[15] Les parties aux présents litiges, sauf pour monsieur Steffen, n’en sont pas à leur premier débat judiciaire. Depuis 1985, un chassé-croisé de procédures judiciaires se déroule entre elles.
[16] Pour une bonne compréhension du litige, le Tribunal estime opportun de résumer les faits en deux séquences : l’historique des procédures judiciaires et celui relatif aux faits du litige.
1.1 L’historique des procédures judiciaires
[17] En 1986, des propriétaires riverains de la rue de la Chaudière dont monsieur Pierre Tremblay, s’adressent à la Cour supérieure pour être déclarés propriétaires du lit de la Rivière Chaudière dans le prolongement respectif de leur propriété. Monsieur le juge Louis De Blois rend jugement le 20 septembre 1988 [7] . Il rejette l’action.
[18] Monsieur Tremblay porte ce jugement en appel. Le 8 juillet 1998, la Cour d’appel rejette le recours. Monsieur le juge Letarte note que les parties admettent que la Rivière Chaudière est navigable et flottable, dans le secteur en litige [8] Il précise que les demandeurs, alors appelants, bénéficient de droits riverains («riparian rights») sans pour autant se prononcer sur la propriété du lit de la rivière faute de preuve suffisante [9] .
[19] En 2003, monsieur Tremblay s’adresse à la Cour supérieure afin qu’une distance entre les installations de Marina et son quai soit respectée. Le 19 mai 2004, monsieur le juge Paul Corriveau rend jugement [10] . Il conclut que Marina doit laisser une distance minimale de 70 pieds entre ses quais et ceux de Pierre Tremblay [11] . Il précise aussi que Marina doit faire en sorte qu’un passage sécuritaire soit aménagé entre les tangons et le quai de monsieur Pierre Tremblay afin de pouvoir circuler de façon sécuritaire pour tous.
[20] Le 18 octobre 2005, la Cour d’appel confirme le jugement de monsieur le juge Corriveau [12] .
[21] En 2007, monsieur Sylvio Thibeault s’adresse à la Cour supérieure pour obtenir une injonction contre Marina. Il requiert que celle-ci enlève toute entrave à la navigation à l’embouchure de la rivière et dégage une voie navigable d’une largeur de 100 pieds. Monsieur le juge Normand Gosselin rend jugement le 19 juillet 2007. Il conclut que le bateau pour lequel monsieur Thibeault désire obtenir cette largeur de passage est plutôt un navire «commercial» qui ne sera pas souvent dans la marina au cours de l’été. Pour cette raison, il rejette le recours [13] .
[22] Le 23 avril 2012, monsieur le juge Jacques Viens se prononce sur la demande d’injonction permanente formulée par monsieur Thibeault. Il la rejette car, à ce moment, monsieur Thibeault n’est plus propriétaire du bateau de type commercial, source du litige. De plus, monsieur le juge Viens précise qu’«il n’appartient pas à la Cour mais plutôt à Transport Canada d’approuver les ouvrages dans les eaux navigables en fonction de la loi habilitante et des règlements.» [14]
[23] Le 14 juin 2013, Transport Canada approuve les aires de mouillage pour les quais «B» et «D» ainsi que pour la Zone 4 de Marina [15] .
[24] Le 19 juin 2013, monsieur Sylvio Thibeault dépose auprès de la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire concernant l’approbation émise par Transport Canada pour l’aire de mouillage de la Zone 4 et le quai «D» [16] . Cette demande est amendée le 13 août 2013 pour inclure aussi l’approbation émise pour le quai «B».
[25] Par la même occasion, monsieur Thibeault demande le sursis des autorisations décernées par Transport Canada à Marina.
[26] Le 21 juin 2013, madame la juge Gagné rejette la demande de sursis de monsieur Thibeault [17] .
[27] Le 9 février 2015, monsieur le juge Martineau rend un jugement sur le fond des demandes de contrôle judiciaire. Il les rejette [18] .
[28] Le 9 février 2015, monsieur le juge Martineau rejette également la demande de révision judiciaire déposée par monsieur Thibeault quant à la demande de Transport Canada à ce qu’il enlève son installation flottante [19] .
[29] Le 10 mars 2015, monsieur Thibeault porte en appel devant la Cour d’appel fédérale les décisions de monsieur le juge Martineau [20] .
[30] Le Tribunal constate que le litige mû entre les parties occupe les tribunaux, tant ceux de la Cour supérieure et de la Cour d’appel du Québec que la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, depuis la fin des années 1980. Lors de l’audience, toutes les parties conviennent qu’il y a lieu que ce litige cesse.
[31] Il convient maintenant de résumer les faits pertinents au présent litige.
1.2 Les faits pertinents
[32] Marina est un organisme sans but lucratif qui existe depuis 1976. Elle opère dans le bassin de la Rivière Chaudière depuis plus de 35 ans. APQ loue à Marina un lot en eau profonde depuis le 24 mai 2002 [21] . Marina détient aussi un protocole d’entente avec la Ville de Lévis afin d’y opérer le «chalet des membres» et la marina [22] .
[33] Depuis 1972, monsieur Thibeault possède un quai installé sur la rive de la Rivière Chaudière en front du [adresse 1] à Saint-Nicolas, dont sa conjointe, madame Hélène Garon, est propriétaire. Monsieur Thibeault est le seul propriétaire du quai.
[34] Monsieur Pierre Tremblay est propriétaire d’une passerelle et d’un quai installés dans le bassin de la Rivière Chaudière en front de sa propriété sise au […] à Saint-Nicolas.
[35] Monsieur Martin Steffen et sa conjointe, madame Martine Caron, habitent au [adresse 2] depuis 2012. Monsieur Steffen y installe une passerelle et un quai qui lui donnent accès au bassin de la Rivière Chaudière.
[36] Depuis quelques temps, les autorités municipales changent le nom de l’Avenue de la Chaudière. Elle s’appelle maintenant rue Bigot.
[37] Le 3 mai 2013, monsieur Thibeault acquiert de la compagnie 2868-5642 Québec Inc. (la compagnie numérique) les parcelles A, B et D situées dans le lit de la Rivière Chaudière [23] . Il en avise, au mois de juin 2013, les dirigeants de Marina [24] . Il leur mentionne alors qu’il ne tolèrera pas la pose d’ancrages sur sa propriété.
[38] À la fin du mois de juin 2013 et au début du mois de juillet de la même année, Marina décide d’installer des ancrages chimiques sur ce que monsieur Thibeault considère être sa propriété, pour retenir, avec des chaînes les reliant, le quai «D». Marina a alors l’approbation de Transport Canada pour agir ainsi [25] .
[39] Sans aucun avis préalable transmis à monsieur Thibeault, à sa conjointe ni à messieurs Tremblay et Steffen, Marina se présente avec ses bénévoles sur leurs berges pour que ceux-ci y installent ses ancrages. Messieurs Tremblay et Thibeault informent les préposés bénévoles de Marina qu’ils ne peuvent les installer à l’endroit qu’ils désirent car ils sont sur une propriété privée [26] .
[40] Après la première installation d’ancrages, monsieur Thibeault les enlève. Les préposés bénévoles de Marina se présentent de nouveau sur les lieux le 2 juillet 2013. Malgré les protestations de messieurs Thibeault et Tremblay et de madame Garon, ils s’entêtent à les installer. Monsieur Thibeault les enlève de nouveau.
[41] Le 4 juillet 2013, les préposés bénévoles de Marina retournent pour installer les ancrages, avec une forte présence policière.
[42] Le 10 juillet 2013, monsieur le juge Yves Alain émet une ordonnance d’injonction provisoire autorisant l’installation des ancrages sur les berges, propriété de messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen [27] . Cette installation est également faite sous la surveillance d’un nombre important de policiers de la Ville de Lévis ainsi que de la police maritime.
[43] À cette étape, il convient de mentionner que, selon la prépondérance de la preuve, les chaînes métalliques qui relient le quai «D» aux ancrages sur les berges s’entremêlent fréquemment avec celles des quais et pontons de messieurs Thibeault et Tremblay ainsi que de celui de monsieur Steffen.
[44] À une occasion, toujours à la fin juin 2013 ou au début de juillet 2013, messieurs Thibeault et Tremblay enlèvent deux bouées qui permettent éventuellement d’identifier l’endroit précis où le quai «D» doit être installé. Ce faisant, ils déplacent aussi les blocs de ciment qui les maintiennent dans le lit de la Rivière Chaudière. Transport Canada oblige Marina à retrouver ces blocs de ciment. Ceci entraîne des coûts d’exploitation additionnels à Marina.
[45] Lors des tentatives d’installation des quais et ancrages de l’été 2013, des escarmouches surviennent entre les parties.
[46] Le Tribunal note que les interventions faites par les préposés de Marina en présence du commodore de celle-ci, monsieur Thériault, se font sur un ton plutôt arrogant.
[47] Comme on le sait, Marina n’avertit d’aucune façon à l’avance messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen. Or, à ce moment, les membres du comité exécutif de Marina savent très bien que monsieur Thibeault acquiert des titres sur des parcelles situées dans le lit de la Rivière Chaudière et qu’il entend faire valoir ses droits à ce sujet [28] .
[48] Les préposés et les membres de la direction de Marina font tout simplement fi de l’avis reçu [29] . Ils débarquent de façon très cavalière sur les berges des propriétés riveraines concernées pour y installer, à la ligne des basses marées, leurs ancrages [30] . De l’avis du Tribunal, cette façon de faire est regrettable.
[49] Il convient maintenant de procéder à la détermination de la propriété du lit de la Rivière Chaudière. Ceci permettra ensuite au Tribunal de décider du droit ou non à l’injonction de Marina et des dommages-intérêts qu’elle réclame tout comme du bien-fondé ou non de la réclamation de messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen.
2.- La propriété du lit de la Rivière Chaudière est-elle incluse ou non dans les parcelles achetées par monsieur Thibeault au mois de mai 2013?
[50] Le Tribunal doit, dans un premier temps, examiner la chaîne de titres des auteurs de monsieur Thibeault. Il y aura lieu, par la suite, d’analyser la crédibilité que le Tribunal doit accorder aux experts puis de décider de la propriété des lots au cœur du litige.
[51] D’entrée de jeu, il convient de préciser que monsieur Thibeault retient les services de l’arpenteur géomètre expert Luc Bouchard [31] . Celui-ci conclut que monsieur Thibeault acquiert, au printemps 2013, la propriété d’une partie du lit de la rivière, soit les parcelles A, B et D [32] .
[52] APQ retient, au début du mois d’avril 2015 soit un peu plus de 2 mois avant le début du présent procès, les services de l’arpenteur géomètre expert, monsieur Denis L. Tremblay. Celui-ci conclut, dans sa contre-expertise, que l’embouchure de la Rivière Chaudière «est retournée dans le domaine public suite à la parution de l’avis public au nom de La Reine et d’un avis de vente en justice paru dans " The Canada Gazette " , le 1 er février 1845, contre la succession de Feu Sir John Caldwell. La vente eut lieu le 17 mars 1845.» [33]
[53] Subsidiairement, monsieur Tremblay ajoute qu’en raison du phénomène de la marée et de son impact sur la notion «d’embouchure», celle-ci ne peut concerner les lots acquis par monsieur Thibeault.
[54] Avant de débuter l’étude de la chaîne de titres, il convient de rappeler que la Cour d’appel précise en 1998 que la Rivière Chaudière est navigable et flottable, d’une part et que, d’autre part, l’acte de concession par le Roi de France en 1636 inclut : «a) le lit de la rivière jusqu’à sa ligne des hautes-eaux, puisque ce secteur de la Chaudière est affecté par la marée.» [34]
[55] Monsieur le juge Letarte conclut donc ainsi :
«[70] Je suis donc d’avis que le texte de 1636 implique la concession expresse et non-équivoque du lit de la Chaudière.» [35]
[56] Cependant, au même moment, la Cour d’appel ne peut pour autant affirmer que le lit de la rivière devient, au fil des ans, propriété de la Couronne [36] . Elle conclut que les appelants ne se déchargent pas alors de leur fardeau de preuve sans pour autant se prononcer sur l’identité du propriétaire du lit de la rivière.
[57] Comme on le sait, l’arpenteur géomètre expert, monsieur Luc Bouchard, conclut à propriété par monsieur Thibeault du lit de la rivière dans les parcelles A, B et D qu’il acquiert en 2013 [37] .
[58] Pour l’expert arpenteur géomètre d’APQ, monsieur Denis L. Tremblay, la situation est autre : le lit de la Rivière Chaudière est retourné à l’État en 1845 [38] .
[59] Autre argument d’APQ : la description faite, en 1825, dans l’acte de vente de John Caldwell à son fils Henry John Caldwell indique que la propriété ainsi cédée débute «à l’embouchure» de la Rivière Chaudière au niveau du Fleuve St-Laurent. Selon monsieur Tremblay, cette embouchure inclut non seulement la partie occupée par Marina et les propriétaires riverains sur les rives mais également le petit bassin et ce, en raison du phénomène de la marée [39] .
[60] C’est en prenant en considération ces points de divergence entre les experts, que le Tribunal procède à l’examen de la chaîne de titres.
2.1 La chaîne de titres
[61] Il y a lieu de procéder à cet examen en tenant compte des circonstances de l’époque. Ainsi, il convient de préciser que les bureaux d’enregistrement n’existent que depuis 1830. L’obligation de publier les actes apparaît en 1841 [40] .
[62] Faute de bureaux d’enregistrement à l’époque concernée, soit entre 1636 et 1825, monsieur Bouchard recourt à un livre portant sur l’histoire de la Seigneurie de Lauzon pour cette période [41] . Personne ne conteste le changement de propriétaire qui s’effectue jusqu’à ce moment ni ses constatations concernant le moment du début des bureaux d’enregistrement et des plans cadastraux.
[63] Sir John Caldwell hérite de la Seigneurie de Lauzon au décès de son père en mai 1810. Le 12 novembre 1825, il en cède une partie à son fils Henry John Caldwell [42] . Pour la première fois, cette vente est l’objet d’un plan d’arpenteur géomètre confectionné par Pierre Lambert en date du 15 juin 1825 [43] . Ce plan est alors reconnu comme étant exact par les parties. Elles le signent ainsi que les notaires instrumentant [44] .
[64] La cession faite par John Caldwell à son fils Henry John, en 1825 rappelons-le, porte sur les éléments suivants :
«[…] Par devant les notaires en la province du Bas-Canada, y résidant soussigné : fut présent l’Honorable John Caldwell , Seigneur de Lauzon, Gaspé, Saint-Étienne et autres lieux demeurant sur son manoir, paroisse Saint-Joseph, lequel en sa dite qualité de Seigneur de ladite Côte-Lauzon , a, par ces présentes, concédé, cédé et délaissé, comme par icelles, il concède et délaisse dès maintenant et à toujours, à titre de cens et rentes foncières, seigneuriales, perpétuelle, non rachetable avec promesse de garantir de tous troubles et autres empêchements généralement quelconques à Henry John Caldwell , senior, son fils, demeurant actuellement à la Rivière-du-Loup, district de Québec, à ce présent acceptant pour lui, ces hoirs et ayant cause à l’avenir, c’est-à-savoir :
Premièrement, toute cette partie de la rivière Bruyante, communément appelée la rivière Chaudière, à prendre depuis l’embouchure d’icelle au Fleuve Saint-Laurent, à aller jusqu’à 1 arpent aux côtés est de l’embouchure de la rivière Beaurivage, ensemble l’Isle aux Pins et autres ilots à battures qui s’y trouvent dans l’étendue de ladite rivière Bruyante susconcédée, avec tous droits et privilèges de jouir d’icelle dite rivière, appartenances et dépendances, tel ainsi que ledit Honorable John Caldwell a joui ou dû jouir de ladite rivière Bruyante, en sa dite qualité de Seigneur de ladite Côte-Lauzon .
Secondement, toute cette étendue de terre au côté sud-ouest de ladite rivière Bruyante, paroisse Saint-Nicolas, étant de forme irrégulière, et faisant partie des terres du premier rang des concessions d’icelles (…)
(…)
Troisièmement. Une certaine autre étendue de terre située en cette paroisse, au second rang des concessions d’icelle, étant de forme irrégulière et contenant tout ce qui se trouve de terrain, marécages, en terres basses, (…) le tout tel qu’il appert au plan figuratif de tout ce que depuis concédé, signé par Pierre Lambert, Écuier, en date du 15e jour de juin dernier, demeuré annexé à ces présentes pour y avoir recours en cas de besoin, après avoir été certifié et reconnu vrai par lesdites parties et signé d’elles et à leur réquisition de nous dits notaires pour ledit Henry John Caldwell, Écuier, cesdits hoirs et ayants cause jouir, faire et disposer de ladite rivière et différentes étendues et portions de terre sus concédées, tel qu’il avisera bon, en toute propriété et à perpétuité, aux charges, closes et réserves ci-après (…) se réserve ledit Honorable John Caldwell, pour lui, ses dits hoirs et ayans cause, proprétaires de ladite Seigneurie de la Cöte Lauzon, le droit de retrait ou racheter tout ce que depuis concédé en cas de vente ou en acte équivalent à vente, de tout ou partie desdites Rivières Bruyante (…)» [45]
(Les caractères en surimpression et les soulignements sont ajoutés.)
[65] Le 1 er février 1845, le Shérif fait publier dans la Gazette Officielle du Canada, un avis de saisie ( feri facias ), afin d’informer de la mise en vente des biens de la succession vacante de Feu Sir John Caldwell. Cet avis précise qu’il concerne :
« Tout ce fief et seigneurie de Lauzon , situés au côté sud du Fleuve St.Laurent vis-à-vis de la cité de Québec, dans le district de Québec, dans la province du Bas-Canada, consistant de la rivière Bruyère, communément dite rivière du Sault de la Chaudière ou rivière Chaudière , ensemble six lieues de profondeur en avançant dans les terres et trois lieues de chaque côté de la rivière, avec tous et chaque domaine et terre non concédés , et ténements, … [46]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[66] En 1854, dans le contexte d’un arpentage fait sur la rive maintenant connue comme étant celle de Saint-Romuald, l’arpenteur-géomètre Pierre Lambert, fait un relevé d’une propriété de la Couronne provinciale. Le Tribunal note que Pierre Lambert demeure alors dans cette paroisse [47] .
[67] Pour la première fois, Pierre Lambert y situe l’embouchure de la Rivière Chaudière [48] . Elle est située dans l’ouverture de la Rivière Chaudière là où celle-ci se jette dans le Fleuve Saint-Laurent… Elle ne tient aucunement compte de la marée.
[68] Puis, le 12 avril 1867, John Thomson, en sa qualité d’exécuteur testamentaire de Feu Henry John Caldwell cède à Georges Benson Hall la propriété suivante [49] :
«On the twelfth day of April in the year of our Lord one thousand eight hundred and sixty-seven at the City of Quebec in the Province of Canada. Before the undersigned notary duly commissioned sworn in for that part of the said Province called Lower Canada, residing in the City of Quebec personally came and appeared John Thomson of the said City of Quebec, esquire, acting herein as well in his own name as executor of the last will and testament of the late Sir Henry John Caldwell , baronet in his live time of the said City of Quebec, deceased and, as trustee of the estates real and personal of the said Sir Henry John Caldwell left by him at the time of his deceased and also… and Georges Benson Hall of Montmorency in the Parish of Beauport in the county and district of Quebec, merchant and Mary Hall of the same place, his wife, the said Georges Benson Hall and Mary Hall […] which said parties did admit and declare to have covenanted, stipulated, agreed as by this presents they do now covenant, stipulate and agree to and with each other in manner fallowing , that is to say: the said John Thomson herein acting as for said for the consideration and upon the terms and conditions hereinafter mentioned, and expressed doth granted, bargained, sold, confirmed by these presents doth grant, bargain, sell and confirm with guarantee and warranty against all gifts (…)
(…)
Firstly, all that part of the River Bruyante, to be taken from the outlet or mouth of the same at the River Saint-Lawrence to go as far as one arpent to the east side from the mouth of the River Beaurivage together with the small islands and beaches (batures) wich part to be found through out the extent of the said River Bruyante, save and except the island known as l’Isle aux Pins heretofore sold to the Grand Trunk Railway Company with all the rights and privileges of using the said River appartenances and dependances in the manner as the late Honorable John Caldwell did used or might have used the said River Bruyante in his quality of Seigneur of the Seigneury of Lauzon.
Secondly, all that extent of land on the south-west side of the said River Bruyante in the parish of Saint-Nicolas (…)
Thirdly, a certain other extent of land (…)
The Whole as appeared on the figurative plan made by Pierre Lambert dated the fifteenth day of June Eighteen hundred and twenty five remaining annexed, for reference, to the original deed of Concession from the said Honorable John Caldwell to the said Sir Henry John Caldwell bearing date the twelfth day of November eighteen hundred and twenty five and executed before M tre F. Tétu and his colleague Notaries;» [50]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[69] Le 3 octobre 1876, notre Cour homologue le testament de Georges Benson Hall en faveur de son épouse Mary Patterson Hall [51] . Par la suite, le 6 juillet 1881, notre Cour fait de même pour le testament de madame Patterson Hall [52] . Ses héritiers vendent ses biens le 2 septembre 1889 à monsieur Herbert M. Price et Peter Patterson Hall [53] . Il est intéressant de noter qu’à ce moment les numéros de lots apparaissent pour la première fois dans les descriptions cadastrales.
[70] Les acheteurs acquièrent une partie de terre située dans la paroisse de Saint-Nicolas du lot numéro 2 de cette paroisse. Plus particulièrement, on retrouve la même description de la vente de la Rivière Chaudière, c’est-à-dire à être «prise de son embouchure au niveau du Fleuve Saint-Laurent sur la longueur d’un arpent jusqu’à l’embouchure de la Rivière Beaurivage, avec les iles, ilots et battures, sauf pour l’Ile aux Pins déjà vendue à la compagne Grand Trunk Railway, avec tous les droits et privilèges d’utiliser cette rivière (Rivière Chaudière) et ses dépendances de la même manière que l’Honorable John Caldwell l’utilise ou aurait pu l’utiliser en sa qualité de Seigneur de la Seigneurie de Lauzon.» [54] Dans cet acte, on réfère également au plan fait par Pierre Lambert en juin 1825.
[71] Cet acte prévoit aussi la vente de deux lots situés sur l’autre rive, soit dans la paroisse de Saint-Romuald-D’Etchemin dans le comté de Lévis [55] .
[72] Le 7 janvier 1893, Peter Patterson Hall vend à son associé, Herbert M. Price, ses parts dans la société qu’il détient en partenariat avec celui-ci, ce qui inclut aussi la demi-indivise des droits de propriété, notamment les lots numéros 1 et 2 de la paroisse de Saint-Nicolas [56] ainsi que certains lots situés sur la rive Est de la rivière dans la paroisse de Saint-Romuald D’Etchemin.
[73] Cet acte de vente réfère expressément à celui par lequel le vendeur, Peter Patterson Hall, et l’acheteur actuel, monsieur Herbert Prince, achètent conjointement les propriétés de Mary Patterson Hall. [57]
[74] Par la suite, monsieur Herbert M. Price vend au Commissaire des travaux publics agissant au nom de Sa Majesté pour le Gouvernement du Québec, deux lisières de terre de 30 pieds de largeur chacune de chaque côté des extrémités du pont Garneau. Cette vente est publiée à l’index aux immeubles des lots 593 du cadastre officiel de la paroisse de Saint-Romuald et du lot 1 du cadastre officiel de la paroisse de Saint-Nicolas, le 23 juin 1984, sous le numéro 34 260.
«Le dit Herbert Molesworth Price vend, cède et transporte avec garantie de tous troubles et autres empêchements quelconque à Sa Majesté représentée comme susdit, deux lisières de terre situées de chaque côté de la Rivière Chaudière, dans la Paroisse de St.Romuald et la paroisse de St-Nicolas, dans le Comté de Lévis, contenant trente pieds de largeur et s’étendant des extrémités du dit pont Garneau de chaque côté de la Rivière Chaudière jusqu’au point de jonction de la dite lisière avec le chemin public ou chemin d’accès audit pont, mesurant la lisière située dans la paroisse de St.Nicolas, cent quatre-vingt pieds en longueur et la lisière de la paroisse de St.Romuald, quatre cents pieds en longueur, tel que le tout est décrit sur le plan indiquant les corrections des numéros 487, 488, 489 et 490 du Cadastre de la paroisse de St.Romuald…
Les lisières de terre ci-dessus décrites font partie des lots de terre désignés au plan et livre de renvoi officiels du Cadastre de la Paroisse de St.Romuald sous le numéro cinq cent quatre vingt treize et le numéro " un " de la Paroisse de St.Nicolas , tel que le tout est actuellement, circonstances et dépendance. Au dit vendeur appartenaient les immeubles vendus pour les avoir acquis avec son ex-co associé Peter Patterson Hall les représentants de feu Georges Benson Hall…» [58]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[75] En fait, la transaction entre monsieur Price et le Commissaire des travaux publics constitue la cession au gouvernement de deux lisières de terre de 30 pieds de largeur chacune, lesquelles sont situées de part et d’autre de la Rivière Chaudière et ce, en raison de la construction des piliers du pont Garneau . En meme temps, le gouvernement paie une certaine indemnité à monsieur Price.
[76] Le 26 janvier 1904, le même monsieur Price vend à John T. Ross et Als., la propriété ainsi décrite [59] :
«2. Another lot or parcel of land situate in the said Parish of St-Nicolas , in the County of Levis, containing all that may be found of land within the boundaries hereinafter mentioned, to with : to be taken and bounded to the north west form the summit of the hill which bounds the River St-Lawrence, and to the south east by a line running south seventy three degrees thirty minutes west, which divides the said lot or parcel of land from that conceded to Sir John Caldwell then Seignior of Lauzon at the east side by a line drawn by Pierre Lambert, surveyor, from the top of the hill about a little cove to the north west side of the bridge of River Chaudière… the above described lot of land was acquired by the said late Georges Benson Hall and uxor under a deed of sale and conveyance granted in their favour by Louis Lambert and uxor and executed before Ed. O’Brien, notary Public, at Beauport, on the sixth day of July one thousand eight hundred and seventy-two, and duly registered in the registry office for the county of Dorchester, second division on the twenty third day of the same month and year, in Reg B as no. 15 596.
3° Two other lots of land situate in the parish of St Romuald d’Etchemin in the Seigneury of Lauzon, in the county of Levis, near the mouth of the River Bruyante or Chaudière, and along one part of the said River and bearing numbers one and two and adjoining one another, which said lots are designated in a plan annexed to the original of a deed of sale or Conveyance by G.B. Hall and other into Mister Hall & Price, executed before J.G. Couture, notary Public, of Quebec, on the twenty sixth day of August in the year eighteen hundred and eighty nine and are bounded as follows, the lot number one bounded towards the north to the east of the River St Lawrence and towards the south partly by the Cime du Cap and partly by the highway, towards the east by John Thomson, or representatives, and towards the west by the River Chaudière, and the lot number two bounded towards the north by the Cime du Cap, towards the south by David Boucher, Towards the east by Pierre Pichette, ans towards the West to the said River Chaudière, which said two lots containing about nine arpents in superficies, together also with the beach lot fronting the said lot and extending to about ten arpents on the said River Chaudière and on the River St Lawrence, without any warranty as to precise measurement and which said property is now and distinguished as being the lots numbers five hundred and ninety one, five hundred and two and five hundred and ninety three (591, 592, 593) upon the official cadastral plan and in the book of reference thereto for the said Parish of St Romuald d’Etchemin, in the county of Lévis. The above described property was acquired by the said Georges Benson Hall under a deed of sale granted in his farm by the government of the Province of Québec executed before Joseph Laurin, Notary Public, of Quebec, on the thirtieth day of June in the year eighteen hundred and seventy four and duly registered in the registry office for the county of Lévis on the eight day of august following in Reg. B. as. No. 17,067.» [60]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[77] Puis, le 12 août 1904, John Theodore Ross et als. cèdent à Québec Improvement Co. l’immeuble décrit comme suit :
«1° All that extent of land on the south west side of the River Bruyante or Chaudière , in the Parish of St. Nicolas being of an irregular figure and forming a part of lands of the first range of the concession thereof and which may be declared as follows: Beginning on the north in part or about eight perches in front at the Cime du Cap in the rear of a certain bay (anse), promised to be conceded to Daniel Holmes Andrews, and in part at the river St. Lawrence , and running from there upon a south line along the peace or tract of land also promised to the said Daniel Holmes Andrews […] which said lot of land is now knowing and distinguished as being the lot number one (1) upon the cadastral plan and in the book of reference thereto for the said Parish of St. Nicolas, in the county of Levis aforesaid. The above described lot of ground was acquired by the late Georges Benson Hall and uxor under a deed of sale granted in their favour by Sir Henry J. Caldwell before J.G. Clapham, notary Public, at Quebec, on the twelfth day of April eighteen hundred and sixty-seven.
2° Another lot or parcel of land situate in the said Parish of St. Nicolas in the county of Levis, containing all that may be found of land within the boundaries hereinafter mentioned to voit: to be taken and bounded to the north west from the summit of the hill which bounds the River St. Lawrence and the south east by a line running south seventy-three degree thirty minutes west, which devides the said lot or parcel of land from that conceded to Sir John Caldwell then Seignior of Lauzon, on the east side by a line draws by Pierre Lambert, Surveyor, from the top of the hill above a little cove to the north west side of the bridge of the River Chaudière […] The above described lot of land was acquired by the said late Georges Benson Hall and uxor under a deed of sale and conveyance granted in their favour by Louis Lambert and uxor and executed before Ed. O’Brien, notary Public, at Beauport, on the sixth day of July one thousand eight hundred and seventy-two, and duly registered in the registry office for the county of Dorchester, second division, on the twenty third day of the same month and year, in Reg B., as no. 15 596.» [61]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[78] Quebec Improvement Co. devient alors propriétaire du lit de la Rivière Chaudière en front des lots 1 et 2 du Cadastre officiel de paroisse St-Nicolas. Cette transaction inclut également des propriétés situées sur la rive Est de la Rivière Chaudière en front des lots 1 et 2 de la paroisse de Saint-Nicolas mais situées dans la paroisse de St-Romuald [62] .
[79] Un bail emphytéotique intervient entre Quebec Improvement Co. Ltd. et Chaudière Bassin Power Co. Ltd. le 30 mars 1908. Il concerne les propriétés suivantes :
«(a) All the riparian rights of the lessor to and on the Chaudière River and Bassin opposite cadastral lots five hundred and ninety three, six hundred and height, six hundred and twelve, six hundred and sixteen, six hundred and seventeen, six hundred and eighteen (593, 608, 612, 616, 617 and 618) in the parish of St Romuald, together with the shore and frontage of each of said lots for a depth of thirty feet from high water line.
(b) All the riparian rights of the lessor to and on the Chaudière River and Bassin, opposite that part of cadastral lot number one of the parish of St. Nicholas , beginning at the south west corner of said lot where it joins cadastral lot number eleven of the said parish to a pint opposite the north corner of cadastral lot number two of the said parish together with the shore and frontage of all said portion of said lot number one for a depth of thirty feet from high water line .» [63]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[80] Selon l’expert Bouchard, cette transaction constitue la location de tout le bassin de la Rivière Chaudière et des rives qui le ceinturent sur une profondeur de 30 pieds à partir de la ligne des hautes eaux [64] .
[81] Le 23 mai 1908 intervient la vente par Chaudière Bassin Power C. Ltd. du bail emphytéotique sur la Rivière Chaudière à William Frédérick Vannovous Atkinson . Cet acte est publié le 26 mai 1908 et porte sur le lot numéro 1 du Cadastre officiel de la paroisse de St-Nicolas [65] .
«Which said Chaudière Bassin Power Company Limited, did and do hereby sell to the said W.F.V. Atkinson, accepting, all and singular their rights , titles and interests in, to and resulting from that certain deed of Emphyteotic Lease granted by Québec Improvement Company, Limited, to the said Chaudière Bassin Power Company, Limited, before L.P. Sirois, notary, at Québec, on the Thirtieth day of March now last past and registered in the registry official for the County of Levis, on the second day of April last under the no 45 988 and affecting the following property…
(a) All the riparian rights of the Quebec Improvement Company Limited, to and on the Chaudière River and Bassin …
(b) All the riparian rights of the Quebec Improvement Company Limited, to and on the Chaudière River and Bassin …» [66]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[82] Le 9 juin 1908, Quebec Improvement Co. Ltd. vend à William Frederick Vannovous Atkinson les propriétés suivantes :
« 7. A strip of land on the shore of the River Chaudière measuring thirty feet in depth from the high water mark of the said River on that part of the front of lot number one (1) upon the Official Cadastral Plan and in the Book of Reference thereto for the Parish of St-Nicolas , Levis County, starting at the south west corner of the same lot number eleven (11) of the said Parish of St-Nicolas, which said strip of land is bounded and abutted as follows: toward the north…
8. A piece of land of irregular form forming the eastern corner of the said cadastral lot number one (1) of the said Parish of St-Nicolas with the immediate frontage bordering thereon above mentioned, containing two acres of land in superficies and bounded and abutted as follows: towards the north…
9. A right of way of thirty six feet in width from the said irregular piece of land lastly above mentioned, across the said lot number one (1) on the said cadastral plan for the said parish of St Nicholas to the nearest public road.
10. All the rights and privileges the vendor may have as Assignee of the H.M. Price, G.B. Hall and others in virtue of the statutes 38 Victoria, Quebec, chapter 98 and 3 Edward VII, Quebec chapter 130 to erect, dams, booms, etc. or other rights what cover on the river Chaudière but with warranty on by against the personal acts of the vendor or his assigns.
The present sale is made upon the right to place on the property now owned by the vendor, on either side of the river Chaudière and to maintain thereon one or more lines of poles or other conduits, not exceeding four in all, for the transmission of electricity…
It is understood that the present does not include thirty feet in the shore of the said River or any of the riparian rights on the part of the property of the said Vendor which has been expropriated by the Quebec Bridge Company.» [67]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[83] Cet acte exclut clairement la parcelle expropriée par Quebec Bridge Co. et prévoit particulièrement que l’acheteur bénéficie de tous les droits et privilèges que le vendeur peut avoir comme cessionnaire de messieurs H.M. Price et J.B. Hall selon les statuts adoptés par la législature de l’époque leur permettant ainsi d’ériger des estacades et barrages et autres équipements [68] .
[84] La même journée que la transaction précédente, soit le 9 juin 1908, monsieur William F. Atkinson vend à John Breakey Registred les immeubles qu’il vient d’acquérir [69] :
«6. A strip of land on the shore of the River Chaudière measuring thirty feet in depth from the high water mark of the said River on the whole front of lot number six hundred and eighteen (618) upon the Official Cadastral Plan and in the Book of Reference thereto for the said Parish of St-Romuald-d’Etchemin , bounded and abutted as follows: in front… Together with all the riparian rights of the said Vendor in, to and upon the said River Chaudière and in the bed of the said River opposite to said lots .
7. A strip of land on the shore of the River Chaudière measuring thirty feet in depth from the high water mark of the said River on that part of the front of lot number one (1) upon the Official Cadastral Plan and in the Book of Reference thereto for the Parish of St-Nicolas , Levis County, starting… Together with all the riparian rights of the said Vendor to and upon the said River Chaudière and in the bed of the said river opposite to the said lots .
Now therefore these presents and the said notary witness that the said vendor doth hereby transfer and set over unto the said Purchaser all right of property , claim, title, Interest, demand, seize in, possession and other right whatsoever, which he may now have or claim in, to or upon the said immoveable property, Rights, Privileges and premises above described and sold, or intended so to be, hereby consenting and agreeing that the said purchasers, his heirs and assigns, be therein and thereof put in good and lawful seizing and possession by virtue of these presents…» [70]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[85] Il y a lieu de noter que, par cette transaction, John Breakey Registered possède des propriétés sur les deux rives du bassin de la Rivière Chaudière.
[86] Le 2 juin 1914 intervient un bail entre l’Honorable J. Allard en sa qualité de Ministre des terres et forêts de la Province de Québec et John Breakey Registred. Ce bail est d’une durée de 10 ans et porte sur des lots de grève situés le long de la rivière Chaudière. Ils sont décrits ainsi :
«1.- CERTAIN BEACH LOTS situated and lying in said " Chaudiere River, immediately in front of Cadastral lot Number " One (1) of the said parish of St.Nicolas, comprising all that " part of the said River Bed lying Between the lines of High and " Low Water Marks from the South East Boundary line of the land " reserved for the Garneau Bridge, to the North East Boundary line " of the land reserved for the Grand Trunk Pacific Railway Bridge. " The said lot colored red on the annexed plan, containing a superficial area of thirteen (13) arpents, more of less " .» [71]
[87] Il est intéressant de noter que pour certains des lots de grève situés en front des lots numéro 597 à 600, 602, 605, 606, 608, 609, 612 et 613 du Cadastre de la paroisse de St-Romuald, le projet initial du notaire, tel que raturé dans l’acte signé, prévoyait aussi une location «deep water». [72] Le but du bail est précisé : permettre à John Breakey Registred de procéder à ses travaux de flottage et de chargement du bois [73] . Un plan de l’arpenteur-géomètre Croteau accompagne ce bail et, en liséré rouge, indique bien leur situation [74] .
[88] Le Tribunal note qu’aucune référence n’est faite dans ce bail quant à la propriété du lit de la Rivière Chaudière.
[89] Au mois de décembre 1913, le lot numéro 1 du Cadastre officiel de la paroisse de St-Nicolas est subdivisé en 6 parties.
[90] Lors de son décès, John Breakey cède tous ses biens à son épouse Helen Anderson Breakey ainsi qu’à ses fils [75] . Notre Cour homologue le testament.
[91] Son épouse, Helen Anderson Breakey, fait une déclaration publiée le 30 décembre 1913 à l’effet qu’elle possède la demie-indivise des biens de son époux et ce, en raison du régime matrimonial qui prévaut entre eux [76] .
[92] Le 10 novembre 1920, la compagnie John Breakey Registred vend l’ensemble de ses biens et droits dans ses meubles et immeubles, à la société John Breakey Limited. Quant aux immeubles qui nous concernent, ils sont décrits ainsi :
«[…] Parish of St-Nicholas. Lots Numbers One, two, three, four, five and six, subdivisions of the lot number one on the official plan for the Parish of St.Nicolas, in the County of Levis. A right of way of thirty-six feet wide across lot number one on the official Cadastral plan for the parish of St.Nicolas, to communicate from the River front to the nearest public road. Lots numbers thirteen A, fourteen A, and seventeen A, on the official Cadastral plan for the said Parish of St Nicolas.
Parish of St. Romuald. Lots number five hundred and ninety-three A, five hundred and ninety-nine, six hundred and two (less the part thereof sold to the Québec Bridge Company for the right of way), six hundred and height A, six hundred and twelve A, six hundred and thirteen A, six hundred and sixteen A, six hundred and seventeen A, six hundred and eighteen A, six hundred and twenty one A, six hundred and twenty two A, six hundred and twenty-three A, six hundred and twenty-eight, on the official Cadastral Plan for the Parish of St. Romuald, in the County of Levis. […]
All the rights of said John Breakey, Registred, under a lease in its favor from the Minister of Lands and Forests of the Province of Québec, passed before Charles Delagrave, Notary public, on the second of June, nineteen hundred and fourteen, and concerning certain beach lots in the Chaudiere River, in front of Cadastral lot number one of the Parish of St-Nicolas, and cadastral lots number five hundred and ninety-three, vive hundred and ninety-seven, five hundred and ninety-eight, five hundred and ninety-nine, six hundred, six hundred and two, six hundred and five, six hundred and six, six hundred and eight, six hundred and nine, six hundred and twelve, six hundred and thirteen, and six hundred and sixteen, of the parish of St-Romuald. […]
Title. The Vendors declare that the grater part of the hereby sold property was acquired by the said late John Breakey with whom the said Dame Helen Anderson or Breakey, was common as to property commune en biens and that the remainder thereof was acquired by them since the death of the said late John Breakey, and also that the Executor of the said Last Will of the said late John Breakey are specially authorised hereunder to execute a Deed of Sale such as the present one.» [77]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[93] Dès le 10 novembre 1920, le Tribunal constate que tous les droits, biens et intérêts que possède John Breakey Registred dans les lots 1-1 à 1-6 du Cadastre officiel de la paroisse de St-Nicolas appartiennent dorénavant à John Breakey Limited. Il en serait de même quant à la possession du lit de la Rivière Chaudière en front de ces lots. Cet aspect sera discuté ultérieurement.
[94] John Breakey Limited devient par la suite John Breakey Inc. Le 8 octobre 1992, il vend à la compagnie numérique les lots qui nous intéressent, situés de part et d’autre de la Rivière Chaudière. Cette vente précise ce qui suit :
« Autres droits vendus :
Sont aussi vendus par les présentes, tous les droits, privilèges, titres et intérêts que pourrait détenir le vendeur par bons titres enregistrés ou par prescription, ou autrement, sur toutes autres parcelles de terrain connues sous désignation cadastrale ou non pouvant se trouver dans les limites cadastrales des paroisses de Saint-Nicolas, Saint-Romuald d’Etchemin, Saint-Étienne-de-Lauzon, Saint-Lambert, Saint-Jean-Chrysostome, division d’enregistrement de Lévis, et de la paroisse de Saint-Bernard, division d’enregistrement de Dorchester, comprenant les droits, titres et intérêts pouvant être détenus dans les Iles sur la rivière , sauf le lot six cent huit-A (608-A) du cadastre officiel pour la paroisse de Saint-Romuald d’Etchemin, division d’enregistrement de Lévis. Sont également vendus par les présentes tous les droits, privilèges, titres et intérêts détenus par le vendeur dans toutes servitudes affectant les immeubles avec ou sans désignation cadastrale situés dans le territoire des susdits cadastres.
Le vendeur est propriétaire des immeubles ci-dessus pour les avoir acquis de John Breakey Registred, en vertu d’un acte de vente reçu devant Me Reginald Meredith, notaire, le 21 septembre 1920, dont copie a été enregistrée à Lévis, le 6 avril 1921, sous le numéro 61 431 et à Dorchester le 8 avril 1921, sous le numéro 52 700.» [78]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[95] Finalement, une dernière transaction concernant ces lots survient le 3 mai 2013, soit la vente par 2868-5642 Québec Inc. (la compagnie numérique) à monsieur Sylvio Thibeault. Cette transaction prévoit ce qui suit :
«1. DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES
ATTENDU que les parties veulent régler à l’amiable l’occupation du lit de la Rivière Chaudière;
ATTENDU que les parties veulent éviter les débats judiciaires;
ATTENDU que le vendeur est propriétaire des parelles A, B et D;
ATTENDU que l’acquéreur occupe la parcelle A , telle que décrite au présent, depuis 1972, et qu’il prétend en être propriétaire par prescription .
2. OBJET DU CONTRAT
2.1 Le vendeur cède à l’acquéreur la parcelle A,
ci-après décrite du lit de la Rivière Chaudière afin d’éviter des procédures
judiciaires en reconnaissance du droit de propriété; le vendeur reconnaissant
que l’acquéreur à une possession paisible, continue, publique et non équivoque
conformément à l’article
2.2 Le vendeur vend à l’acquéreur les parcelles B et D ci-après décrites du lit de la rivière Chaudière.
Ces trois parcelles sont représentées sur un plan préparé par Luc Bouchard, arpenteur-géomètre, le 7 mars 2013, sous le numéro 84 de ses minutes, et sont plus amplement décrites de la façon suivante :
[…]
Les droits cédés ou vendus aux présentes comprennent aussi tous les droits de possession, prescription, d’accès ou d’autres natures se rapportant auxdites parcelles.
3. ORIGINE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ
Le vendeur est propriétaire de l’immeuble pour l’avoir acquis de John Breakey Inc. aux termes d’un acte de vente reçu devant Maître Hugues Poulin, notaire, le 5 septembre 1992, publié au livre foncier de la circonscription foncière de Lévis le 3 octobre 1992 sous le numéro 373945.» [79]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[96] Il convient maintenant de procéder à un bref historique des numéros de lots, au fil des ans.
2.2 Historique des numéros de lots
[97] Ce n’est qu’à compter du 26 août 1889, lors de la vente par les héritiers de madame Mary Patterson Hall à Herbert M. Price et Peter Patterson Hall, que l’on retrouve des désignations cadastrales numériques [80] . On retrouve alors, quant au côté St-Nicolas de la Rivière Chaudière, des références aux lots numéro 1, 2, 458 et 466. Du côté St-Romuald de la Rivière Chaudière, on fait référence aux lots numéro 591, 592, 593, 617 et 618 [81] .
[98] Au mois de décembre 1913, une subdivision cadastrale pour la paroisse de St-Nicolas a lieu. Le lot numéro 1 devient un lot subdivisé numéros 1 à 6 [82] . Le 30 décembre 1913, dans la déclaration de madame Helen Anderson Breakey, suite au décès de son mari, on retrouve cette même description des subdivisions cadastrales [83] .
[99] Les lots subdivisés 1-1 à 1-4 du Cadastre officiel de la paroisse St-Nicolas deviennent subséquemment lot 652-Ptie. et ce, en date du 1 er octobre 1965 [84] .
[100] Le 30 août 2002, entre en vigueur la rénovation cadastrale de ce secteur. Le lot riverain du quai de monsieur Thibeault porte maintenant le numéro de cadastre 2 454 403 du Cadastre du Québec [85] .
[101] Il convient maintenant d’examiner la crédibilité qu’il y a lieu d’apporter aux rapports d’expertise de monsieur Luc Bouchard [86] et de monsieur Denis L. Tremblay [87] .
2.3 La crédibilité des rapports d’expert
[102] APQ remet en question l’indépendance de l’expert Bouchard et son impartialité. Elle mentionne que, d’une part, les services de monsieur Bouchard sont retenus dès 2011 par monsieur Thibeault. D’autre part, il procède à l’émission du plan d’arpenteur géomètre qui accompagne la transaction par laquelle monsieur Thibeault acquiert les droits, selon lui, dans le lit de la Rivière Chaudière de 2868-5642 Québec Inc. [88] Finalement, APQ mentionne que le rapport de monsieur Bouchard doit être rejeté parce qu’il contient des opinions juridiques.
[103] Qu’en est-il?
[104] Il est un principe bien connu que le Tribunal n’est pas lié par aucun des rapports d’expert produits lors d’une audience [89] . Autre réalité juridique fondamentale : le rôle de l’expert n’est pas de prendre faits et cause pour la partie qui retient ses services mais plutôt d’éclairer le Tribunal sur une question technique.
[105] L'expert n'a qu'une seule mission: celle d'éclairer le Tribunal sur une question scientifique ou technique et ce, peu importe qui retient ses services [90] .
[106] Le professeur Royer affirme aussi que son opinion «doit cependant rester dans les limites de son expertise et ne pas empiéter sur ce qui est du ressort exclusif du juge.» [91]
[107] L'appréciation de la crédibilité de l'expert appartient au juge. Il y procède en prenant en considération la nature et l'objet de l'expertise, la qualification et l'impartialité de son auteur, l'ampleur et le sérieux des recherches effectuées par celui-ci ainsi que du lien entre l'opinion de l'expert et la preuve. [92] La preuve apportée par un expert ne bénéficie pas d'un statut privilégié [93] .
[108] Le Tribunal fait siens les propos de monsieur le juge Louis Crête dans Fortin c. Compagnie d'assurance Wellington [94] :
«Le rôle d'un expert, même payé par l'une des deux parties, est d'aider le Tribunal à mieux comprendre le caractère technique d'un problème et non pas de défendre, coûte que coûte, la thèse de celui qui retient ses services. L'expert doit garder le détachement et l'objectivité qui, en dernière analyse, rendront sa position défendable, crédible et convaincante.
[…]
L'expert doit faire preuve d'objectivité et de désintéressement .
L'expert doit être impartial. Son rôle est d'éclairer le Tribunal et non d'être l'avocat d'une partie.
Un expert éclaire le Tribunal sur ses constatations, les hypothèses plausibles et les conclusions qu'on devrait en tirer. Il ne peut pas feindre d'ignorer ou de taire des faits pertinents au débat, sous prétexte que cela pourrait "fausser son jugement" ou l'amener à une conclusion qui risquerait d'être défavorable à la partie qui a retenu ses services. Bref, l'expert ne doit jamais être inféodé à son client .
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[109] En résumé, le Tribunal constate que l'expert choisi par l'une ou l'autre des parties jouit d'un statut particulier: celui d'auxiliaire de la justice et ce, parce que sa mission première, peu importe la partie qui retient ses services, est celle d'éclairer le Tribunal sur l'aspect technique ou scientifique de la question qui lui est soumise.
[110] De l'avis du Tribunal, l'expert qui demeure objectif et impartial tout au cours de l'exécution de son mandat, joue d'une façon très efficace son rôle d'auxiliaire de la justice, d'une part et remplit, d'autre part, sa mission première.
[111] À l'inverse, l'expert qui est peu exigeant au niveau de la collecte des données, omet de faire des vérifications pour s'assurer de leur fiabilité ou de leur caractère contemporain, selon le cas, néglige de prendre en considération certains éléments afin de favoriser la thèse de la partie qui retient ses services omet, de l'avis du Tribunal, son obligation d'impartialité. La valeur probante de son témoignage en sera grandement affectée.
[112] Il est bien connu que le rôle d’un expert, quel que soit son champ d’expertise, n’est pas d’émettre des opinions juridiques. La sanction, s’il ce fait, n’est pas pour autant le rejet de l’expertise. Cependant, cela peut certes affecter négativement sa crédibilité. Cette décision appartient au pouvoir discrétionnaire du juge qui entend le litige.
[113] La recherche effectuée par monsieur Bouchard dès 2011 à la demande de monsieur Thibeault affecte-t-elle négativement sa crédibilité?
[114] Cette recherche a un but : celui de trouver des lots susceptibles de conférer à monsieur Thibeault un droit de propriété dans le fond de la Rivière Chaudière.
[115] Après les études de titres qu’effectue monsieur Bouchard et que le Tribunal qualifie de «travail de moine», il considère que les lots propriété de la compagnie numérique comprennent ce même droit dans le fond de la Rivière Chaudière. Monsieur Thibeault s’en porte acquéreur. Quoi de plus normal que le plan d’arpentage soit fait par monsieur Bouchard. Cette façon de faire affecte-t-elle négativement sa crédibilité? Le Tribunal n’est pas de cet avis.
[116] Aurait-il été plus approprié que monsieur Thibeault recourt à un autre arpenteur géomètre qui ne connaît rien au dossier pour faire dresser le plan? Le Tribunal est plutôt d’avis que cela aurait été une dépense inutile dans le contexte de cet acte d’acquisition. En fait, une seule personne connaît la situation cadastrale de ces lots «comme le fond de sa poche», c’est monsieur Bouchard. De l’avis du Tribunal, il n’est pas obligatoire, en l’espèce, que monsieur Thibeault retienne les services d’un autre arpenteur. Cela irait même à l’encontre du principe de la proportionnalité.
[117] L’impartialité de monsieur Bouchard est-elle affectée, dans la rédaction de son rapport d’expertise [95] , par ses travaux antérieurs pour monsieur Thibeault?
[118] APQ souligne que monsieur Bouchard doit défendre à tout prix, dans son rapport d’expertise, le fruit de ses recherches qui mènent à l’achat par monsieur Thibeault des lots en litige, ce qui lui fait perdre une objectivité ou impartialité.
[119] Le Tribunal est plutôt d’avis que le rapport d’expertise de monsieur Bouchard est pondéré, empreint d’objectivité et d’impartialité.
[120] En effet, le travail de ce dernier reflète une minutie exemplaire tant sur le plan historique que sur l’étude de la chaîne de titres. Même l’expert d’APQ, monsieur Tremblay, ne trouve pas à y redire… Certes, il y a des divergences sur leur interprétation de certains actes. Cependant, quant au travail de recherches factuelles accompli par monsieur Bouchard et appuyé par trois volumes d’Annexes contenant soit les actes auxquels il réfère, soit les plans pertinents, il ne formule aucun reproche à ce sujet. C’est tout dire!
[121] La prépondérance de la preuve révèle que chaque affirmation de monsieur Bouchard relative à un acte, est rigoureusement exacte en comparant la teneur reproduite dans son rapport et le titre manuscrit original. Il en est de même pour les plans auxquels il réfère.
[122] Pour ces raisons, le Tribunal estime que le rapport produit par l’expert Bouchard est crédible. Il n’y a certes pas lieu de le rejeter. Le Tribunal ne prendra pas en considération les opinions juridiques qui y sont énoncées.
[123] Quant au rapport produit par l’expert Tremblay [96] , le Tribunal note qu’il s’agit dans un premier temps, d’une contre-expertise [97] dont le mandat lui est confié à peine plus de 2 mois avant le début de l’audition...
[124] Monsieur Tremblay conclut que le lit de la Rivière Chaudière à compter de son embouchure ne fait pas partie de la transaction de 1825, d’une part et qu’elle devient, d’autre part en 1845, la propriété de l’État à compter de l’avis de vente en justice du 1 er février 1845 [98] .
[125] Pour procéder à l’analyse de la situation, le Tribunal note que monsieur Tremblay omet complètement de tenir compte de l’opinion de monsieur le juge Letarte dans Marchand c. Marina de la Chaudière [99] .
[126] La notion d’embouchure pour situer celle de la Rivière Chaudière avec le Fleuve St-Laurent prend une dimension très importante pour monsieur Tremblay [100] . Cette notion sera discutée ci-après.
[127] Selon monsieur Tremblay, l’avis de vente en justice du 1 er février 1845 «reprend sommairement les éléments concernant les biens déjà inscrits dans la vente du 12 novembre 1825, soit celle intervenue entre John Caldwell à Henry John Caldwell» [101] .
[128] Le Tribunal estime que cette affirmation est inexacte.
[129] La description de ce qui est l’objet de la vente de 1845 - élément fort important dans cette analyse de titres - porte sur l’élément suivant :
«Tout ce fief et Seigneurie de Lauzon, situés au côté sud du Fleuve St. Laurent vis-à-vis de la Cité de Québec, dans le district de Québec, dans la province du Bas-Canada, consistant de la Rivière Bruyante, communément dite Rivière du Sault de la Chaudière ou Rivière Chaudière, ensemble six lieues de profondeur en avançant dans les terres et trois lieues de chaque côté de la rivière avec tous et chaque domaine et terre non-concédés , et ténements, ...» [102]
[130] Or, en 1825, on se rappelle que l’acte translatif de propriété de Sir John Caldwell à son fils Henry John Caldwell concerne :
«[…] Par devant les notaires en la province du Bas-Canada, y résidant soussigné : fut présent l’Honorable John Caldwell , Seigneur de Lauzon, Gaspé, Saint-Étienne et autres lieux demeurant sur son manoir, paroisse Saint-Joseph, lequel en sa dite qualité de Seigneur de ladite Côte-Lauzon , a, par ces présentes, concédé, cédé et délaissé, comme par icelles, il concède et délaisse dès maintenant et à toujours, à titre de cens et rentes foncières, seigneuriales, perpétuelle, non rachetable avec promesse de garantir de tous troubles et autres empêchements généralement quelconques à Henry John Caldwell , senior, son fils, demeurant actuellement à la Rivière-du-Loup, district de Québec, à ce présent acceptant pour lui, ces hoirs et ayant cause à l’avenir, c’est-à-savoir :
Premièrement, toute cette partie de la rivière Bruyante, communément appelée la rivière Chaudière, à prendre depuis l’embouchure d’icelle au Fleuve Saint-Laurent, à aller jusqu’à 1 arpent aux côtés est de l’embouchure de la rivière Beaurivage, ensemble l’Isle aux Pins et autres ilots à battures qui s’y trouvent dans l’étendue de ladite rivière Bruyante susconcédée, avec tous droits et privilèges de jouir d’icelle dite rivière, appartenances et dépendances, tel ainsi que ledit Honorable John Caldwell a joui ou dû jouir de ladite rivière Bruyante, en sa dite qualité de Seigneur de ladite Côte-Lauzon .
Secondement, toute cette étendue de terre au côté sud-ouest de ladite rivière Bruyante, paroisse Saint-Nicolas, étant de forme irrégulière, et faisant partie des terres du premier rang des concessions d’icelles (…)
(…)
Troisièmement. Une certaine autre étendue de terre située en cette paroisse, au second rang des concessions d’icelle, étant de forme irrégulière et contenant tout ce qui se trouve de terrain, marécages, en terres basses, (…) le tout tel qu’il appert au plan figuratif de tout ce que depuis concédé, signé par Pierre Lambert, Écuier, en date du 15e jour de juin dernier, demeuré annexé à ces présentes pour y avoir recours en cas de besoin, après avoir été certifié et reconnu vrai par lesdites parties et signé d’elles et à leur réquisition de nous dits notaires pour ledit Henry John Caldwell, Écuier, cesdits hoirs et ayants cause jouir, faire et disposer de ladite rivière et différentes étendues et portions de terre sus concédées, tel qu’il avisera bon, en toute propriété et à perpétuité, aux charges, closes et réserves ci-après (…) se réserve ledit Honorable John Caldwell, pour lui, ses dits hoirs et ayans cause, proprétaires de ladite Seigneurie de la Cöte Lauzon, le droit de retrait ou racheter tout ce que depuis concédé en cas de vente ou en acte équivalent à vente, de tout ou partie desdites Rivières Bruyante (…)» [103]
(Les caractères en surimpression et les soulignements sont ajoutés.)
[131] Le Tribunal ne peut accorder à monsieur Tremblay la crédibilité que APQ désire qu’il obtienne pour les raisons suivantes :
· il confond la teneur de l’acte de « feri facias » [104] avec le contenu de l’acte de vente de John Caldwell à Henry John Caldwell [105] et fait une affirmation inexacte à ce sujet dans son rapport [106] ;
· il omet complètement de tenir compte de la carte confectionnée en 1854 par l’arpenteur-géomètre Pierre Lambert qui situe à ce moment, de façon contemporaine, l’embouchure de la Rivière Bruyante ou Chaudière [107] ;
· il insiste, à l’aide de dictionnaires modernes, pour affirmer que l’embouchure constitue un endroit influencé par le jeu de la marée;
· lors de l’audience, commentant le plan de 1825 réalisé par l’arpenteur-géomètre Pierre Lambert [108] , il met en doute l’intitulé de celui-ci car, selon lui, il est ajouté par le notaire et cela ne veut pas pour autant dire qu’il inclut le fond de la rivière;
· lors de l’audience, il précise que l’embouchure de la Rivière Beaurivage coïncide avec l’endroit où celle-ci se joint à la Rivière Chaudière. Cependant, il a une théorie différente pour la Rivière Chaudière, comme on le sait;
· il nie que l’embouchure de la Rivière Chaudière puisse se situer dans la région du Parc Garneau, du côté Saint-Romuald et dans celle du Pont de Québec, du côté de Saint-Nicolas, précisant que l’embouchure constitue pour lui la partie terminale d’un fleuve et n’est pas une ligne droite;
· il semble sélectionner l’information pertinente pour lui sans prendre adéquatement en considération la globalité de la preuve faite. D’ailleurs, il n’assiste pas à toute l’audience.
[132] Le Tribunal ne peut, pour ces raisons, retenir le rapport de monsieur Tremblay.
[133] Le Tribunal conclut que le rapport de monsieur Bouchard est empreint d’objectivité, de rigueur et de minutie. Il n’y a donc pas lieu de le rejeter, d’une part tout en excluant, d’autre part, ses opinions juridiques.
[134] Il convient maintenant de déterminer la portée de la vente de 1845.
2.4 La portée de la vente faite par l’État suite à l’émission du « feri facias » en 1845
[135] Comme on le sait, il y a lieu de tenir compte des éléments contemporains à différentes transactions pour pouvoir, par la suite, leur donner la portée qui leur appartient.
[136] Lors de l’audience, monsieur Denis L. Tremblay reconnaît que, lors de la concession des Rois de France au Seigneur de Lauzon, il ne fait aucun doute que le fond de la Rivière Bruyante ou Chaudière est concédé à ce seigneur.
[137] Selon ce dernier, comme on le sait, à compter de 1845, par la vente qui fait suite à l’émission du « feri facias» , la propriété du fond de la Rivière Chaudière revient à l’État [109] .
[138] Le Tribunal ne peut retenir cette perception car essentiellement cet avis précise spécifiquement que :
« Tout ce fief et seigneurie de Lauzon , situés au côté sud du Fleuve St.Laurent vis-à-vis de la cité de Québec, dans le district de Québec, dans la province du Bas-Canada, consistant de la rivière Bruyère, communément dite rivière du Sault de la Chaudière ou rivière Chaudière , ensemble six lieues de profondeur en avançant dans les terres et trois lieues de chaque côté de la rivière, avec tous et chaque domaine et terre non concédés , et ténements, … [110]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[139] De l’avis du Tribunal, le Gouvernement du Québec ne récupère alors que la propriété de ce dont Feu Sir John Caldwell n’a pas déjà disposé.
[140] Lorsqu’en 1825, Sir John Caldwell dispose d’une parte de sa propriété, partie au cœur du litige, en faveur de son fils Henry John, on se rappelle que celle-ci porte sur les éléments suivants :
«[…] Par devant les notaires en la province du Bas-Canada, y résidant soussigné : fut présent l’Honorable John Caldwell , Seigneur de Lauzon, Gaspé, Saint-Étienne et autres lieux demeurant sur son manoir, paroisse Saint-Joseph, lequel en sa dite qualité de Seigneur de ladite Côte-Lauzon , a, par ces présentes, concédé, cédé et délaissé, comme par icelles, il concède et délaisse dès maintenant et à toujours, à titre de cens et rentes foncières, seigneuriales, perpétuelle, non rachetable avec promesse de garantir de tous troubles et autres empêchements généralement quelconques à Henry John Caldwell , senior, son fils, demeurant actuellement à la Rivière-du-Loup, district de Québec, à ce présent acceptant pour lui, ces hoirs et ayant cause à l’avenir, c’est-à-savoir :
Premièrement, toute cette partie de la rivière Bruyante, communément appelée la rivière Chaudière, à prendre depuis l’embouchure d’icelle au Fleuve Saint-Laurent, à aller jusqu’à 1 arpent aux côtés est de l’embouchure de la rivière Beaurivage, ensemble l’Isle aux Pins et autres ilots à battures qui s’y trouvent dans l’étendue de ladite rivière Bruyante susconcédée, avec tous droits et privilèges de jouir d’icelle dite rivière, appartenances et dépendances, tel ainsi que ledit Honorable John Caldwell a joui ou dû jouir de ladite rivière Bruyante, en sa dite qualité de Seigneur de ladite Côte-Lauzon .
Secondement, toute cette étendue de terre au côté sud-ouest de ladite rivière Bruyante, paroisse Saint-Nicolas, étant de forme irrégulière, et faisant partie des terres du premier rang des concessions d’icelles (…)
(…)
Troisièmement. Une certaine autre étendue de terre située en cette paroisse, au second rang des concessions d’icelle, étant de forme irrégulière et contenant tout ce qui se trouve de terrain, marécages, en terres basses, (…) le tout tel qu’il appert au plan figuratif de tout ce que depuis concédé, signé par Pierre Lambert, Écuier, en date du 15e jour de juin dernier, demeuré annexé à ces présentes pour y avoir recours en cas de besoin, après avoir été certifié et reconnu vrai par lesdites parties et signé d’elles et à leur réquisition de nous dits notaires pour ledit Henry John Caldwell, Écuier, cesdits hoirs et ayants cause jouir, faire et disposer de ladite rivière et différentes étendues et portions de terre sus concédées, tel qu’il avisera bon, en toute propriété et à perpétuité, aux charges, closes et réserves ci-après (…) se réserve ledit Honorable John Caldwell, pour lui, ses dits hoirs et ayans cause, proprétaires de ladite Seigneurie de la Cöte Lauzon, le droit de retrait ou racheter tout ce que depuis concédé en cas de vente ou en acte équivalent à vente, de tout ou partie desdites Rivières Bruyante (…)» [111]
(Les caractères en surimpression et les soulignements sont ajoutés.)
[141] De l’analyse de ces documents, le Tribunal conclut qu’en 1825, Feu Sir John Caldwell se départit et concède en pleine propriété à son fils la partie de la Rivière Chaudière, tant le fond de celle-ci que le cours d’eau et ses berges, depuis son embouchure au Fleuve Saint-Laurent et selon les autres limites y mentionnées. Sir John Caldwell précise alors que son fils peut : «avec tous droits et privilèges de jouir d’icelle dite rivière appartenances et dépendances, tel ainsi que ledit Honorable John Caldwell a joui ou dû jouir de ladite Rivière Bruyante, en sa dite qualité de Seigneur de ladite Côte-Lauzon.» [112]
[142] Le Tribunal estime qu’il est évident qu’à compter de ce moment Sir John Caldwell transmet à son fils Henry John les mêmes droits et privilèges qu’il détient lui-même en sa qualité de seigneur, ceci inclut le fond de la Rivière Chaudière à compter de son embouchure. Il lui permet même de «disposer de ladite rivière et différentes étendues et portions de terre sus concédées.» [113]
[143] Le Tribunal ne peut comprendre comment, dès ce moment, monsieur Tremblay ne conclut pas à la transmission, hors du patrimoine de Sir John Caldwell, de la propriété du lit de la Rivière Chaudière et ce, à compter de son embouchure.
[144] Pour ces raisons, le Tribunal ne peut retenir l’argument de monsieur Tremblay voulant que la Couronne soit devenue propriétaire du fond de la Rivière Chaudière en 1845.
[145] Il convient de disposer maintenant de la notion d’embouchure évoquée par monsieur Tremblay.
2.5- La notion d’embouchure
[146] Monsieur Tremblay soutient que l’embouchure de la Rivière Chaudière se situe dans le petit bassin de celle-ci, soit à l’endroit où ce cours d’eau n’est plus affecté par le phénomène de la marée [114] .
[147] Les définitions qu’il retient semblent être de dictionnaires actuels puisqu’aucune mention d’une date quelconque n’y est précisée.
[148] Pourtant, depuis au moins 1606, une définition de cette expression existe. Ainsi, elle est alors définie, comme étant :
«L’embouchure d’une rivière ou d’un solier, id est, l’entrée ou l’issuë par où elle entre dans la mer, Ostium [115] .»
[149] À compter de 1694, la définition de ce terme apparaît dans le Dictionnaire de l’Académie Française. En 1798, cette institution définit ainsi le mot embouchure : «L’entrée d’une rivière dans la mer, ou dans une autre rivière.» [116]
[150] Puis, en 1835, période assez contemporaine à notre litige, l’Académie Française définit ainsi cette expression «l’entrée d’un fleuve dans la mer, d’une rivière dans un fleuve ou dans une autre rivière.» [117]
[151] Quant au dictionnaire Littré, pour la période de 1872 à 1877, on définit le mot embouchure comme étant «l’ouverture dans les terres par où un fleuve entre dans la mer, un cours d’eau dans un autre.» [118]
[152] Le Tribunal constate que, de façon contemporaine aux actes de transmission de propriété, aucun dictionnaire ne fait référence au phénomène de la marée.
[153] Lors de l’audience, monsieur Tremblay insiste énormément sur la notion d’embouchure. Or, celle-ci se situerait à l’endroit où il n’y a plus de phénomène de marée dans le cours d’eau. Ainsi, selon lui, tant qu’un phénomène de marée existe, la superficie de l’eau ainsi affectée tout comme le fond de la rivière, ne fait pas partie de l’embouchure.
[154] Il y a lieu de tenter d’appliquer le raisonnement de monsieur Tremblay.
[155] Il est de connaissance judiciaire et notoire que le phénomène de marée sur le Fleuve Saint-Laurent se produit certainement jusqu’à Trois-Rivières. Selon le raisonnement de monsieur Tremblay, ceci équivaut à dire que l’embouchure du Fleuve Saint-Laurent pour se jeter dans le Golfe Saint-Laurent, débuterait au moins plus haut que Trois-Rivières, soit à la fin du phénomène de la marée.
[156] De la même façon, la Rivière Saguenay qui se jette dans le Fleuve Saint-Laurent vit au rythme de la marée au moins jusqu’à la Ville de la Baie. Le raisonnement de monsieur Tremblay implique que toute la partie de la Rivière Saguenay, qui est affectée par le phénomène de marée, ne fait pas partie de cette rivière mais fait plutôt partie de l’embouchure du fleuve…
[157] Le Tribunal est d’avis que ce raisonnement ne peut tenir la route. D’une part, il est contraire, en ce qui concerne la Rivière Chaudière, au tracé de l’époque [119] . Il est aussi contraire à la définition du terme même «embouchure» donnée par les dictionnaires contemporains. Aucun de ceux-ci ne réfère au phénomène de la marée.
[158] Le Tribunal est d’avis que dans l’examen de titres translatifs de propriété, il y a lieu de tenir compte de la réalité des dictionnaires contemporains et de s’y référer pour donner une juste mesure à la définition d’un terme connu des notaires de l’époque et utilisé fréquemment alors. Le Tribunal doit examiner la portée qu’il y a lieu de donner à un plan contemporain aux transactions du XIX siècle.
2.6 L’examen du plan contemporain aux actes translatifs de propriété
[159] En 1854, l’arpenteur-géomètre Pierre Lambert réside dans la paroisse de Saint-Romuald Etchemin [120] . Il dresse une carte des lieux au cœur du litige.
[160] Or, sur cette carte, la seule contemporaine aux cessions intervenues entre Sir John Caldwell, Henry John Caldwell et certains successeurs, l’arpenteur Pierre Lambert situe à la main l’embouchure de la Rivière Chaudière avec le Fleuve Saint-Laurent [121] . Cette carte convainc le Tribunal que l’embouchure décrite par Pierre Lambert ne se préoccupe aucunement du phénomène de la marée. Les cartes subséquentes ne s’en préoccupent pas non plus.
[161] À compter de 1879, le Cadastre de la Province de Québec existe et les cadastres originaires de la Paroisse de Saint-Nicolas et de celle située l’autre côté de la Rivière Chaudière, soit celle de Saint-Romuald-D’Etchemin, sont déposés. À ce moment, George Benson Hall est propriétaire du lot numéro 1 de la Paroisse Saint-Nicolas et des lots opposés sur la rive de Saint-Romuald Etchemin, soit les lots 591 et 592 [122] .
[162] Le 2 septembre 1889, Mary Patterson Hall, veuve de George Benson Hall, vend à messieurs Herbert M. Price et Peter Patterson Hall les propriétés reçues de son mari. On constate alors que l’Isle aux Pins a déjà été vendue à la compagnie de trains Grand Trunk Railway. Cependant, le reste de la description cadastrale est similaire à celle obtenue par monsieur Hall du liquidateur de la succession de Henry John Caldwell qui contient aussi le droit de jouir de cette rivière de la même manière que l’Honorable John Caldwell en a joui ou aurait pu en jouir en sa qualité de Seigneur de la Seigneurie de Lauzon pour la Rivière Bruyante ou Chaudière.
[163] Le Tribunal estime qu’il y a là une cession expresse du lit de la Rivière Bruyante ou Chaudière encore là, à prendre depuis son embouchure au Fleuve Saint-Laurent [123] . Par la même occasion, des lots situés de chaque côté de la Rivière Chaudière sont aussi l’objet de cette transaction [124] .
[164] En 1893, Peter Patterson Hall vend à son associé Herbert M. Price sa demie indivise. Cet acte réfère spécifiquement à l’acte de la vente entre les héritiers de Mary Patterson à monsieur Hall [125] . Cet acte ne précise pas l’étendue de la propriété ainsi acquise. Monsieur Tremblay mentionne qu’à tout le moins si la propriété du fond de la rivière est encore dans le domaine privé, cette absence de désignation cadastrale fait en sorte qu’elle revient, en 1893, dans la propriété de l’État.
[165] Le Tribunal n’est pas d’accord avec cette affirmation. Il s’agit d’une vente de la moitié indivise d’un associé à son associé. L’ancien associé vend alors une propriété que l’acquéreur connaît très bien. D’ailleurs, dans le texte même de cet acte translatif de propriété, on réfère précisément à la description cadastrale de 1889. De l’avis du Tribunal, on continue alors à transférer la propriété du fond de la Rivière Chaudière à monsieur Price.
[166] Par la suite, le 23 juin 1894, monsieur Price cède et vend deux lisières de 30 pieds de large à chaque extrémité du Pont Garneau de chaque côté de la Rivière Chaudière jusqu’au point de jonction avec le chemin public au gouvernement. Monsieur Price est, par la même occasion, indemnisé par le gouvernement [126] .
[167] À ce sujet, monsieur Tremblay note que le ministère des Transports du Québec de l’époque n’acquiert aucun droit de superficie dans le lit de la rivière [127] . Cette absence de droit porte monsieur Tremblay à se questionner quant à la propriété du lieu de l’embouchure de la Rivière Chaudière à ce moment, supposant que monsieur Price n’en était pas propriétaire [128] . Une interrogation sans qu’un expert y réponde de façon étayée et fondée ne saurait influencer favorablement le Tribunal.
[168] À cette étape, le Tribunal conclut que la vente et expropriation des deux bandes de terrain qui permettent d’accéder au Pont Garneau de chaque côté de la rivière n’inclut pas le fond de la Rivière Chaudière dont monsieur Price demeure alors le seul propriétaire face à sa propriété.
[169] Le Tribunal préfère de loin l’analyse factuelle, minutieuse et détaillée faite par l’arpenteur-géomètre Bouchard. Elle est empreinte d’affirmations étayées sur la multitude d’actes qu’il analyse et qu’il prend en considération.
[170] Le Tribunal conclut que la théorie élaborée par monsieur Tremblay quant au lieu de l’emplacement de l’embouchure de la Rivière Chaudière ne peut être retenue pour les raisons suivantes :
· elle ne tient pas compte de la carte dressée de façon contemporaine par l’arpenteur-géomètre de l’époque [129] ;
· elle omet aussi de prendre en considération la notion d’embouchure telle que définie par les dictionnaires contemporains.
[171] Il y a maintenant lieu d’examiner la portée juridique de certains baux intervenus entre différents auteurs au fil des ans.
2.7 L’effet juridique des baux intervenus entre les parties
[172] Monsieur Denis L. Tremblay examine les baux emphytéotiques octroyés par Québec Improvement Co. [130]
[173] Le 2 avril 1908, un bail emphytéotique intervient entre Québec Improvement Company et Chaudière Bassin Power Company. Le 23 mai de la même année, Chaudière Bassin vend le bail emphytéotique à monsieur William Frédérick Vannovous Atkinson. Quelques jours plus tard, le 11 juin 1908, monsieur Atkinson vend ce même bail à John Breakey Registered.
[174] Dans la vente du 11 juin 1908 intervenue entre Québec Improvement Company et monsieur Atkinson, seules des bandes de terrain en sont l’objet [131] . Le lit de la Rivières Chaudière n’est pas inclus.
[175] Le 11 juin 1908, monsieur Atkinson vend cette propriété à John Breakey Registered.
[176] En 1914, un bail intervient entre le Gouvernement du Québec et John Breakey Registered pour une période de 10 ans concernant différents lots de grève [132] .
[177] Ce bail porte essentiellement sur le droit de John Breakey Registered d’utiliser certains lots de grève dont l’usage aurait déjà été consenti à une autre compagnie, pour y effectuer «certains travaux à des fins de flottage du bois et de leur chargement à bord de bateaux» [133] .
[178] Le 2 juin 1914, une autre convention de location intervient entre les mêmes parties pour des lots de grève situés en front du lot numéro 1 du Cadastre de Saint-Nicolas [134] . Ces lots de grève sont situés «entre les limites de la ligne des hautes et des basses eaux». Aucune référence n’est faite au droit de propriété du locateur, le Gouvernement du Québec, ou du locataire, quant au fond de la Rivière Chaudière [135] .
[179] Selon l’expert Bouchard, John Breakey Registered est déjà propriétaire du fond de la Rivière Chaudière pour l’avoir acquis de monsieur Atkinson [136] . À ce moment, comme John Breakey Registered acquiert des propriétés sur les 2 rives de la Rivière Chaudière, il est propriétaire du lit de la rivière en front de ses lots et ce, en fonction de la théorie du «fil de l’eau», dont nous discuterons ci-après.
[180] Concernant les baux intervenus entre le Gouvernement du Québec et John Breakey Registered en 1914, l’expert Bouchard soumet que ceux-ci sont possiblement le fruit d’une erreur d’interprétation quant aux propriétaires, à l’époque, du lit de la Rivière Chaudière, d’une part. Il peut aussi s’agir, d’autre part, d’une façon économique pour John Breakey Registered d’utiliser la propriété riveraine de ces lots sans s’engager dans des débats judiciaires importants [137] .
[181] L’expert Tremblay précise être d’accord avec monsieur Bouchard à l’effet que John Breakey Registered est effectivement propriétaire, à cette époque, des rives de la Rivière Chaudière des deux côtés de celle-ci. Cependant, il est en désaccord avec le droit de propriété du lit de la Rivière Chaudière que monsieur Bouchard attribue à cette compagnie [138] . Selon lui, John Breakey ne peut être propriétaire du lit de la rivière à ce moment. Aucune autre explication n’est donnée.
[182] De l’examen des titres, le Tribunal conclut que ces baux n’affectent aucunement le droit de propriété du fond de la Rivière Chaudière. Seul le droit d’usage de la surface de l’eau pour fins de flottaison et de chargement de bois, d’une part et celui des parcelles de grève, d’autre part, qui bordent ces emplacements, en sont l’objet.
[183] Il convient maintenant d’examiner la théorie du «fil de l’eau» que retient monsieur Bouchard.
2.8 L’application de la théorie de «fil de l’eau»
[184] Les conditions d’application de cette théorie sont établies par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Tanguay c. Canadian Electric Light Company [139] . Elle l’exprime ainsi :
«In conclusion, I must say that a careful examination of the authorities has convinced me that by the law of the Province of Quebec the plaintiffs, as owners of the soil on both sides of a stream floatable only for loose logs are owners of the soil that forms the bed of the stream, and as such are entitled to bring this action. In so holding, I do not for a moment question the right that the public have to all the advantages that a river, in its natural state, and its banks can afford to the public; and there is no difference in that respect whether the river is navigable or not, floatable ou not.» [140]
[185] Cette théorie du fil de l’eau s’applique également aux ventes subséquentes par Ross à Québec Improvement Company en date du 12 août 1904 ainsi qu’au bail emphytéotique consenti par Québec Improvement Company à Chaudière Bassin Power Company Limited en date du 2 avril 1908 tout comme pour la vente en date du 23 mai 1908 par Chaudière Bassin Power Company à William Frédérick Vannovous Atkinson et par celle de Québec Improvement au même Atkinson [141] .
[186] Le 30 janvier 1904, monsieur Price vend à John T. Ross & Al quatre immeubles ainsi que les droits qui les concernent [142] .
[187] L’arpenteur-géomètre Bouchard note que cette vente ne contient aucune mention quant à la propriété du lit de la Rivière Chaudière. Selon lui, le lit de cette rivière située en front des lots qui sont l’objet de la vente, se retrouve dans le patrimoine des acheteurs Ross comme étant accessoire aux lots riverains.
[188] Dans de telles circonstances, en appliquant ce principe, comme la même personne est propriétaire des lots riverains situés de part et d’autre de la Rivière Chaudière, il n’y a pas lieu de mentionner la propriété du lit de la rivière. Celui-ci l’est par l’application de cette théorie. La propriété du lit de la rivière se présume donc.
[189] Aucun élément crédible ne contredit l’affirmation de l’expert Bouchard ni l’application qu’il en fait en l’espèce. Le Tribunal la retient comme étant bien fondée.
[190] Il y a maintenant lieu d’examiner les droits riverains que possèdent messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen.
3.- Les droits riverains
[191] Dans un premier temps, il convient de rappeler que monsieur le juge Letarte, dans l’arrêt Marchand & Al. c. Marina de la Chaudière [143] , précise cette notion en ces termes :
«3.3 Les «riparian rights»
[46] L’utilisation par les auteurs de l’expression «riparian rights» démontre qu’ils n’ont pas prétendu être propriétaires du lit de la Chaudière. Les droits riverains («riparian rights») ne comprennent pas la propriété du lit; ils sont plutôt intimement liés au droit de propriété du terrain riverain , peu importe le caractère navigable de la rivière. (Références volontairement omises.) S’ils peuvent comprendre les droits suivants , droits d’accès , droit d’usage domestique général, droit d’ancrage et d’amarrage , droit d’approvisionnement et de détournement à des fins non commerciales, droit d’usage à des fins industrielles et commerciales et, dans certaines circonstances, droit de pêche (références volontaire omises), les droits riverains n’ont rien à voir avec la propriété du fond.»
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[192] Cette notion est importante pour messieurs Tremblay et Steffen qui, à la différence de monsieur Thibeault, n’ont pas de droit de propriété dans le fond de la Rivière Chaudière.
[193] Dans la Revue du Notariat, la notaire Yvette Marie Kieran, précise la portée des droits riverains [144] . Elle le fait en ces termes :
«A) Définitions
L’expression «droits riverains» désigne l’ensemble des attributs rattachés à la propriété d’un terrain situé en bordure d’un cours d’eau. Le problème consiste à savoir où commencent et où s’arrêtent les attributs ou les accessoires. Il s’agit, au fond, d’une question d’accession immobilière.
(…)
Ici comme ailleurs, les droits des uns s’arrêtent où commencent les droits des autres. L’utilisation de l’eau doit toujours se faire dans le respect du même droit pour les autres et dans le respect des lois et règlements visant la protection de l’environnement.
Quoiqu’il en soit, il ne fait aucun doute que le riverain possède un droit d’accès, un droit d’usage et un droit de vue . Ces droits ne sont spécifiquement prévus dans aucune loi ni aucun règlement. Ils sont même rarement décrits dans la jurisprudence, laquelle les prend généralement pour acquis sans les décrire ni les détailler.
(…)
Cependant, les tribunaux ont maintes fois reconnu le droit à un riverain de faire respecter ses droits, d’être dédommagé pour les dommages subis ou pour la diminution de son droit d’usage et que les droits riverains n’avaient aucun rang entre eux (références volontairement omises). Alors, comment concilier le droit de l’un à la baignade avec le droit de l’autre à la navigation, et donc à l’installation de quais et d’estacades? Encore une fois, les droits de l’un s’arrêtent où commencent ceux de l’autre!» [145]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[194] Dans Ville de Dorval c. Drouin [146] , la Cour d’appel, sous la plume de monsieur le juge Bissonnette, précise ainsi cette notion de droits riverains :
«En effet, riverain d’une rivière du domaine public, le demandeur a le droit de jouir paisiblement de l’usage que le Prince lui permet et il a le droit de défendre cette possession à l’encontre de tout usurpateur. Cette règle, que je tiens pour certaine, réfute le premier moyen de la défenderesse.» [147]
[195] Dans Monette c. Mathieu [148] , monsieur le juge Challies, saisit lui aussi d’une question de droits riverains, réfère avec approbation au jugement de première instance dans Drouin c. Ville de Dorval confirmé, comme on le sait.
[196] Cette notion est aussi examinée par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Graham c. Andrusyk [149] et par celle de la Nouvelle-Écosse dans Corkun c. Nash [150] .
[197] De l’examen de ces décisions, le Tribunal conclut que messieurs Tremblay et Steffen possèdent indéniablement des droits riverains face à leur propriété, du côté Ouest de la Rivière Chaudière. Ces droits leur permettent donc d’installer leur quai et d’en faire un usage normal avec leurs bateaux.
[198] Cette notion de droits riverains permet-elle à Marina d’y installer des ancrages chimiques ou mécaniques, comme elle le fait à l’été 2013?
[199] Transport Canada permet à Marina l’installation d’ancrage chimiques sur les lots au cœur du litige [151] .
[200] Il n’appartient pas à cette Cour de décider, aux lieux et places de Transport Canada, de l’à-propos des endroits pour l’installation des ancrages pour les quais de Marina, comme le souligne d’ailleurs monsieur le juge Viens [152] .
[201] Cependant, de l’avis du Tribunal, Marina doit les installer dans le respect des droits riverains de messieurs Tremblay et Steffen. Elle ne doit pas non plus le faire d’une façon qui, selon la prépondérance de la preuve, est susceptible par la longueur de ses chaînes, d’entraver le libre passage sécuritaire de leurs embarcations, à leur quai soit par la présence de chaînes qui s’entremêlent avec le chaînage de leur quai respectif [153] , d’une part ni qui, d’autre part, à marée basse, est susceptible de provoquer des accidents à tout piéton qui marche sur les rives [154] .
[202] Marina devra donc, avec l’approbation de Transport Canada, voir à installer ses ancrages de façon respectueuse des droits riverains de messieurs Tremblay et Steffen et sans leur causer de danger pour accéder à leur quai ou pour, tout simplement, marcher sur la rive qui les borde.
[203] Il y a maintenant lieu d’examiner si Marina possède le droit à l’obtention d’une injonction permanent et à des dommages-intérêts de la part des défendeurs, demandeurs dans l’autre recours.
4.- Le droit de Marina à l’obtention d’une injonction permanente et à des dommages-intérêts
[204] Eu égard à la conclusion à laquelle le Tribunal en vient quant au droit de propriété de monsieur Thibeault sur les trois parcelles de lot dans le fond de la Rivière Chaudière [155] , d’une part et au non-respect par Marina des droits riverains de messieurs Tremblay et Steffen, le Tribunal estime que Marina ne peut obtenir dans ces circonstances une injonction permanente contre ces derniers.
[205] A-t-elle pour autant droit à des dommages-intérêts?
[206] La preuve révèle que Marina mentionne avoir dû encourir certains coûts, notamment pour retrouver des blocs de béton déplacés par monsieur Thibeault au cours de l’été 2013 et les enlever à la demande de Transport Canada.
[207] Un autre élément de la preuve repose sur des documents confectionnés par le Commodore, qui établirait que Marina souffre d’une perte de clientèle depuis quelques années [156] . Elle ne possède plus de noms de clients placés sur une liste d’attente comme auparavant. Selon le Commodore, cette situation est entièrement attribuable au litige juridique qui l’oppose aux défendeurs et aux plaintes répétées de ces derniers.
[208] Les clients de Marina sont des personnes qui, selon le Commodore, désirent y ancrer leur bateau, sortir et se promener sur le fleuve et revenir à l’ancrage à Marina pour en jouir de façon paisible. Ils ne désirent surtout pas subir les sautes d’humeur de monsieur Thibeault qui, à plusieurs occasions, aurait circulé à une vitesse supérieure à celle permise ou à un endroit défendu entre le quai «B» et la rive, et, à une autre occasion, aurait utilisé son mégaphone pour aviser les usagers de Marina que leurs bateaux seraient saisis.
[209] Le Tribunal n’est pas convaincu de la preuve des dommages que Marina explique avoir subis. Il s’agit d’événements qui surviennent, selon la preuve, épisodiquement au fil des ans.
[210] Par ailleurs, aucun client qui quitte Marina ne vient expliquer à la Cour pourquoi il prend cette décision. Est-ce parce qu’il décide de l’ancrer à un autre endroit? Est-ce plutôt parce qu’il décide de vendre son bateau? Ou est-ce en raison du litige qui oppose les parties? Aucune preuve crédible ne l’établit.
[211] Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut octroyer à Marina quelque dommage-intérêt que ce soit eu égard aux lacunes dans sa preuve à ce sujet.
[212] Il convient maintenant de disposer des demandes formulées par messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen quant aux troubles anormaux de voisinage.
5.- La présence ou non de troubles anormaux de voisinage
[213] Messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen reprochent, tour à tour, à Marina le bruit anormalement élevé, selon eux, fait par ses usagers, le fait que certains de ceux-ci urinent directement dans la rivière face à leur quai respectif ainsi que la présence d’une quantité anormale de déchets qu’ils retrouvent sur leur berge.
[214] Marina soutient à ce sujet, comme on le sait, qu’elle possède un règlement qui encadre la conduite de ses membres, d’une part [157] . Elle ne peut être tenue, d’autre part, à la surveillance constante de la conduite de ses membres.
[215] De la preuve faite, le Tribunal retient que les reproches formulés par messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen concernent surtout les usagers du quai «D».
[216] S’agit-il de troubles anormaux de voisinage?
[217]
L’article
« 976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.»
[218] Dans Les Entreprises Auberge du Parc Ltée c. Le site historique du Banc-de-Pêche de Paspébiac [158] , la Cour d’appel précise ainsi la portée de l’arrêt Ciment St-Laurent de la Cour suprême sur ce que constitue un trouble anormal de voisinage :
«[100] La Cour suprême a rappelé récemment, dans Ciment du St-Laurent c. Barette [159] , que le régime de responsabilité civile auquel se réfère cette disposition est fondé sur le caractère excessif des inconvénients subis par la victime et non sur le comportement de leur auteur présumé qui ne constitue pas le critère déterminant. Elle reconnaît une responsabilité civile fondée sur l’existence de troubles de voisinage malgré l’absence de faute prouvée ou présumée [160] . Cette responsabilité pourrait être engagée même si les normes en vigueur sont respectées [161] .»
[219] La Cour d’appel, dans l’arrêt Auberge du Parc , ajoute que :
«[15] Le fond de l’appelante ne bénéficie pas d’un droit acquis à ce que la situation du voisinage demeure inchangée . L’appelante n’a pas acquis le droit à la préservation intégrale de son environnement, du fait de l’antériorité de son établissement de santé et de thalassothérapie.
[16]
L’article
(…)
[18] L’antériorité d’un usage fait partie intégrante de l’examen contextuel requis dans les circonstances. La personne qui décide de vivre à proximité d’une source d’inconvénients connue accepte, dans une certaine mesure, les inconvénients normaux de l’environnement où elle s’établit.» [162]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[220] C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les reproches formulés par les trois propriétaires riverains.
[221] Selon le témoignage de monsieur Thibeault, lorsqu’il est assis avec sa conjointe sur la terrasse adjacente à leur maison ou dans leur terrain, situé en haut de la falaise, certains soirs, ils entendent toutes les conversations qui proviennent des usagers du quai «D» et cela les dérange. Le témoignage de monsieur Steffen est essentiellement au même effet.
[222] Quant au témoignage de monsieur Pierre Tremblay, il minimise la régularité du bruit provoqué par les usagers de ce quai, d’une part. Il ajoute, d’autre part, que le bruit ne l’incommode réellement que 2 à 3 fois par saison, lorsqu’il y a des «partys» organisés par Marina. Selon lui, ces bruits ne sont pas incommodants au point de s’en plaindre directement. D’ailleurs, il aurait aimé y être invité...
[223] En ce qui concerne le bruit qui serait fait, le Tribunal ne peut ignorer que lorsque quelqu’un achète une propriété sise en haut d’une falaise, le son qui est émis en bas a pour propriété de monter. L’endroit est aussi plus écho en raison de sa proximité immédiate avec l’eau. La preuve ne démontre pas non plus que ces soirées bruyantes aient lieu de façon continuelle, d’une part et se terminent régulièrement à des heures avancées, d’autre part.
[224] Les mêmes personnes se plaignent aussi de la fumée de BBQ qui seraient installés sur les bateaux et qui monterait vers leur propriété lorsqu’elle est poussée par le vent. Selon Marina, l’usage de BBQ sur chacun des bateaux individuels et des quais est strictement défendu. Le chalet qu’elle opère sur la terre ferme met un BBQ à la disposition de ses membres. Le Tribunal retient que la preuve n’est pas prépondérante à ce sujet.
[225] Quant aux ordures qui jonchent les berges riveraines de messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen, le Tribunal constate que cette situation est loin d’être agréable [163] . Cependant, outre leurs affirmations qu’elles proviennent des usagers du quai «D», aucune preuve additionnelle ne confirme leur provenance.
[226] Selon eux, les usagers du quai «D», utilisent fort peu leur bateau pour naviguer dans le fleuve. Il s’agirait plutôt, selon eux, de «chalet flottant» où leur propriétaire profite de la belle saison en ignorant les répercussions de leurs gestes pour les propriétaires de demeures riveraines [164] .
[227] Quant à la question des déchets que l’on retrouve sur les berges, il s’agit du non-respect d’une obligation de civisme faite à toutes personnes dans notre système de droit. À défaut par eux de pouvoir identifier spécifiquement à Marina l’identité du ou des membres qui font preuve d’un tel manque de civisme, le Tribunal est d’avis que Marina ne peut faire plus.
[228] Dans ces circonstances, le Tribunal ne retient pas la responsabilité de Marina pour des troubles anormaux de voisinage.
[229] Il y a maintenant lieu d’examiner si le recours de messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen est abusif comme le soutient Marina.
6.- La présence ou non d’un abus de droit de la part de messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen
[230] Comme on le sait, Marina soutient que l’exercice du recours dans le dossier 200-17-018142-133 par messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen contre elle, constitue un abus de droit. Elle réclame des dommages-intérêts à ce sujet.
[231] Les principes de l’abus de droit sont bien connus depuis l’arrêt de la Cour d’appel dans Viel c. Entreprises Immobilières du Terroir Ltée. [165] À ce sujet, monsieur le juge Rochon précise que :
«[74] Avant d’examiner plus avant cette question, il importe de distinguer et de définir l’abus de droit sur le fond du litige (l’abus sur le fond) de l’abus du droit d’ester en justice. L’abus sur le fond intervient avant que ne débute les procédures judiciaires. L’abus sur le fond se produit au moment de la faute contractuelle ou extracontractuelle. Il a pour effet de qualifier cette faute. La partie abuse de son droit par une conduire répréhensible, outrageante, abusive, de mauvaise foi. Au moment où l’abus sur le fond se cristallise, il n’y a aucune procédure judiciaire d’entreprise. C’est précisément cet abus sur le fond qui incitera la partie adverse à s’adresser aux tribunaux pour obtenir la sanction d’un droit ou une juste réparation.
[75] À l’opposé, l’abus du droit d’ester en justice est une faute commise à l’occasion d’un recours judiciaire. C’est le cas où la contestation judiciaire est, au départ, de mauvaise foi, soit en demande ou en défense. Ce sera encore le cas lorsqu’une partie de mauvaise foie multiplie des procédures, poursuit inutilement et abusivement un débat judiciaire. (…)»
[232] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen possèdent indéniablement le droit de s’adresser au Tribunal, tout comme le fait Marina, pour faire trancher le présent litige. Selon Marina, ils auraient pu le faire dans le contexte de la procédure déjà engagée par celle-ci. Cette affirmation a-t-elle pour effet d’empêcher les demandeurs de s’adresser eux-mêmes au Tribunal? Le Tribunal n’est pas de cet avis.
[233] Aucune preuve n’établit, lors de l’audience, que la conduite de l’un ou l’autre des demandeurs soit répréhensible, scandaleuse, outrageante, abusive ou de mauvaise foi. Leur conduite ne s’enferme pas plus dans une forme de malice pour poursuivre inutilement le débat judiciaire.
[234] Le Tribunal conclut que le recours institué par les demandeurs n’est pas abusif.
[235] Un dernier élément doit être déterminé, soit les dommages-intérêts et les frais judiciaires.
7.- Les dommages-intérêts et les frais judiciaires
[236] Eu égard aux conclusions auxquelles en vient le Tribunal concernant le droit des parties à des dommages-intérêts même de nature exemplaires et/ou punitifs, le Tribunal décide de ne pas en accorder pour les raisons déjà expliquées.
[237] Il reste à disposer de la question des frais judiciaires.
[238] Comme on peut s’en douter, chacune des parties les réclame. APQ réclame même que monsieur Thibeault soit condamné personnellement au paiement des frais d’expertise de monsieur Denis L. Tremblay…
[239] Certes, la partie qui obtient gain de cause a normalement droit au paiement des frais judiciaires ou dépens [166] . Cependant, le Tribunal possède une discrétion à ce sujet.
[240] Le Tribunal ne peut ignorer, d’une part, que Marina est un organisme sans but lucratif. Elle ne peut faire de déficit, comme l’expliquer lors de l’audience, son Commodore. Toute condamnation implique un paiement à être réclamé à chaque membre de celle-ci.
[241] Messieurs Thibeault, Tremblay et Steffen sont des particuliers qui supportent déjà le coût du présent recours judiciaire en payant leurs avocats, les déboursés encourus ainsi que la confection du volumineux rapport d’expert de monsieur Luc Bouchard.
[242] Procureur Général du Canada, tout comme Administration portuaire de Québec, possèdent, à défaut de preuve contraire, des ressources financières qui leur permettent de supporter les frais judiciaires ainsi que les honoraires de l’expert qu’APQ engage.
[243] En fait, cette accumulation de procédures judiciaires depuis la fin des années 1980 constitue une forme de «guérilla» judiciaire dont Marina est, de l’avis du Tribunal, au moins autant responsable que d’autres intervenants. Cependant, le Tribunal doit prendre en considération les limites réelles à ses ressources financières.
[244] Dans l’exercice de sa discrétion, le Tribunal conclut que chaque partie doit supporter ses frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[245] REJETTE la requête réamendée en injonction interlocutoire et injonction permanente et en dommages intentée par Marina;
[246] ACCUEILLE l’intervention du Procureur Général du Canada aux seules fins de déclarer que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont juridiction exclusives pour émettre les approbations requises en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables et ses règlements.
[247] ACCUEILLE en partie la défense de Pierre Tremblay;
[248] ACCUEILLE en partie la défense de monsieur Sylvio Thibeault;
[249] DÉCLARE que Sylvio Thibeault détient un bon et valable droit de propriété sur un immeuble désigné ainsi :
Tel que décrit à la page 2 de la pièce DTH-3;
[250] REJETTE l’intervention de l’Administration Portuaire de Québec;
[251] LE TOUT , chaque partie payant ses frais.
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__________________________________ SUZANNE HARDY-LEMIEUX, J.C.S. |
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Me François Marchand |
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Cabinet d’Avocats Saint-Paul - casier 191 |
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Procureur de la Marina de la Chaudière Inc. |
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Me Jacques Demers Me François Pinard Thériault |
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O’Brien Avocats - casier 41 |
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Procureurs de messieurs Sylvio Thibeault et Martin Steffen |
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Me Mariève Sirois-Vaillancourt 200, Boul. René-Lévesque Ouest Tour Est, 5 e étage Montréal, QC H2Z 1X4 Procureure du Procureur Général du Canada
Me Nancy Demers Fasken, Martineau, DuMoulin - casier 133 Procureure de l’Administration portuaire de Québec
Me Kathleen Dufour Carter, Gourdeau - casier 124 Procureure de monsieur Pierre Tremblay |
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Dates d’audition : |
1 er au 5 juin 2015 et 8 au 12 juin 2015 |
|
[1] PG-4 à PG-6
[2] DTH-3
[3] DM-14
[4] I-6, pages 27 et 28
[5] PM-2
[6] DTH-3
[7] PM-4
[8] PM-5
[9] PM-5
[10] PTH-6
[11] PTH-6, par. 155
[12] DT-2
[13] PM-6
[14] PM-7, par. 38
[15] PG-4 à PG-6 et PM-8, pages 71, 76 et 82
[16] PG-2 et PG-3
[17] PG-10
[18] PG-11
[19] PG-14
[20] PG-12 et PG-15
[21] PM-2
[22] PM-3
[23] DTH-3
[24] DTH-28
[25] PG-4 à PG-6
[26] DM-16A
[27] DM-10
[28] DTH-28
[29] DM-16A
[30] DM-16A
[31] DTH-5
[32] DTH-3 et DTH-5
[33] I-6, page 34
[34] PM-5, par. 67
[35] PM-5, par. 70
[36] PM-5, par. 10 et par. 72
[37] DTH-5
[38] I-6, pages 32 et 34
[39] I-6
[40] DTH-5, par. 22, note de bas de page 5
[41] DTH-5, page 9, par. 26
[42] DTH-6 et DTH-5, Annexe 3, onglet 4
[43] DTH-5, Annexe 2, onglet 4
[44] DTH-5, Annexe 2, onglet 4
[45] DTH-5, par. 28 et DTH-6
[46] DTH-5, Annexe 1, onglet 14, pages 1633 et 1634 et I-6, onglet 7, aux mêmes pages
[47] DTH-47
[48] DTH-47, mention manuscrite «embouchure de la rivière Bruyante ou Chaudière»
[49] DTH-7
[50] DTH-7; voir aussi DTH-5, par. 39
[51] DTH-8
[52] DTH-9
[53] DTH-5, par. 50 et DTH-10
[54] DTH-5, par. 51, page 21 et texte original à DTH-10, pages 762 et 763
[55] DTH-5, par. 50, dernier paragraphe de la citation
[56] DTH-11 et DTH-5, par. 58
[57] DTH-10, page 749 ou DTH-5, par. 50, page 20
[58] DTH-5, par. 64 et DTH-5, Annexe 2, onglet 5
[59] DTH-5, par. 71 et DTH-12
[60] DTH-12
[61] DTH-5, page 32 et DTH-13
[62] DTH-5, par. 82 à 85
[63] DTH-5, par. 86 et DTH-5, Annexe 2, onglet 6
[64] DTH-5, par. 88 et 90
[65] DTH-5, Annexe 2, onglet 7
[66] DTH-5, Annexe 2, onglet 7
[67] DTH-5, par. 93
[68] DTH-5, pages 38 et suivantes
[69] DTH-5, par. 103
[70] DTH-5, par. 103 et DTH-15
[71] DTH-5, par. 115
[72] DTH-5, Annexe 2, onglet 9, page 3
[73] DTH-5, Annexe 2, onglet 9, page 4, rubrique «Conditions», clause I°
[74] DTH-5, Annexe 2, onglet 9, 3 plans
[75] DTH-5, Annexe 2, onglet 10
[76] DTH-5, Annexe 2, onglet 11
[77] DTH-5, par. 4.18 et DTH-16
[78] DTH-5, par. 4.20 et DTH-17
[79] DTH-5, par. 4.21 et DTH-3
[80] DTH-10
[81] DTH-5, Annexe 3, onglet 8
[82] DTH-5, par. 119
[83] DTH-5, par. 126 et DTH-5, Annexe 2, onglet 11
[84] DTH-5, par. 157
[85] DTH-5, Annexe 3, onglet 13
[86] DTH-5
[87] I-6
[88] DTH-3
[89] Banque de Montréal c. Éducaction.com Inc. (Syndic de) , 2014 QCCA, 1431, par. 93
[90]
Jean-Claude Royer,
[91]
Jean-Claude Royer,
[92]
Jean-Claude Royer,
[93]
Charpentier
c.
Compagnie d'assurances Standard Life
,
[94]
[95] DTH-5
[96] I-6
[97] I-6, par. 1, page 4
[98] I-6, page 4, par. 2
[99] PM-5
[100] I-6, pages 13 et suivantes, section 3.3.1
[101] I-6, page 16, par. 25
[102] I-6, Annexe 7, page 16, rubrique 3.3
[103] DTH-5, par. 28 et DTH-6
[104] I-6, page 16
[105] I-6, pages 14 à 16
[106] I-6, page 16, rubrique 3.3.2
[107] I-6, aucune mention de DTH-47
[108] DTH-41
[109] I-6, page 4, par. 2 ainsi qu’à la page 32
[110] DTH-5, Annexe 1, onglet 14, pages 1633 et 1634 et I-6, onglet 7, aux mêmes pages
[111] DTH-5, par. 28 et DTH-6
[112] DTH-5, par. 28 et DTH-6
[113] DTH-5, par. 28 et DTH-6
[114] I-6, pages 13 à 16 et page 29
[115] Jean Nicot : Le Thresor de la langue francoyse (1606)
[116] Dictionnaire de l’Académie Française, 5 ième Edition, 1798
[117] Dictionnaire de l’Académie Française, 6 ième Edition, 1835
[118] Émile Littré : Dictionnaire de la langue française, 1872-77
[119] DTH-47
[120] DTH-47
[121] DTH-47
[122] I-6, pages 8 et 9 et page 17, par. 31
[123] DTH-5, pages 20 à 23
[124] DTH-5, page 22, par. 52 à 57
[125] DTH-5, Annexe 3, onglet 8, page 49 et DTH-5, par. 58 à 63
[126] DTH-5, rubrique 4.8, pages 25 à 28
[127] I-6, pages 19 et 20
[128] I-6, page 20, par. 40
[129] DTH-47
[130] I-6, page 21, rubriques 3.3.11, 3.3.12 et 3.3.13
[131] DTH-5, Annexe 3, onglets 7 et 8
[132] DTH-5, Rubrique 4.15, page 46 et I-6, page 22, Rubrique 3.3.13
[133] DT-5, Rubrique 4.15, par. 112
[134] DTH-5, Annexe 2, onglet 9
[135] DTH-5, page 47, par. 114 et ss
[136] DTH-5, pages 42 et ss, Rubrique 4.14
[137] DTH-5, page 48, par. 116 et ss
[138] I-6, pages 22 et 23
[139] [1908] 40 R.C.S. 1
[140]
Tanguay
c.
Canadian Electric Light Company
, [1908] 40 R.C.S. 1,
page 17; Voir au même effet :
Procureur général du Québec
c.
Houde
,
[141] DTH-5, pages 32 à 42
[142] DTH-5, pages 28 à 32, rubrique 4.9
[143] PM-5, par. 46
[144] Yvette Marie Kieran, «Histoire d’eau», Revue du Notariat, 1996, Vol. 98, pages 145 et ss
[145] Yvette Marie Kieran, «Histoire d’eau», Revue du Notariat, 1996, Vol. 98, pages 191 à 193
[146]
[147]
Ville de Dorval
c.
Drouin
,
[148] [1958] C.S. 259
[149] [2006] B.C.S.C. 1614, par. 10, 11, 14 et 24
[150] 1990, CanLII 4127, p. 10
[151] PG-4 à PG-6
[152] PM-7, au par. 38
[153] DT-4, photos 18 et ss.
[154] PTH-7, photos
[155] DTH-3
[156] DM-32
[157] DM-14
[158]
[159]
[160] Au paragraphe 75
[161] Au paragraphe 95
[162] 2009 QCCA 257
[163] PTH-9 et PTH-10, photos
[164] PTH-11
[165]
[166]
Art.