Bendakir c. NSL inc. |
2015 QCCQ 13049 |
COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile »
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N° : |
500-22-212143-146 500-22-209373-144
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DATE : |
27 novembre 2015
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ELIANA MARENGO, J.C.Q. |
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500-22-212143-146
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MOULOUD BENDAKIR et NOURA BENDAKIR
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Demandeurs
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c.
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N.S.L. INC. |
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Défenderesse
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et |
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500-22-209373-144
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MOULOUD BENDAKIR et NOURA BENDAKIR
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Demandeurs
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c.
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ME GENEVIÈVE LEGAULT
et
ME PIERRE BENOÎT
et
BENOÎT, LECLERC, LEGAULT INC.
et
FONDS D'ASSURANCE RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE DE LA CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC
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Défendeurs |
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JUGEMENT RECTIFIÉ
( Article
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[1] Le Tribunal a rendu un jugement séance tenante le 26 novembre 2015 dans la présente affaire. Ce jugement est entaché d'une erreur matérielle. Par suite d'une inadvertance manifeste, le jugement omet de prononcer sur une partie des demandes, soit les intérêts et l'indemnité additionnelle. Le Tribunal rectifie donc les conclusions du jugement rendu le 26 novembre 2015 comme suit:
« PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE l'action contre Me Pierre Benoît, avec dépens;
REJETTE l'action contre Benoît, Leclerc, Legault Inc., avec dépens;
ACCUEILLE en partie l'action contre Me Geneviève Legault et Le Fonds d'assurance- responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec;
CONDAMNE
Me Geneviève
Legault et Le Fonds d'assurance-responsabilité professionnelle de la Chambre
des notaires du Québec solidairement à payer à Mouloud Bendakir la somme de
5 000,00 $, le tout avec dépens, et à Noura Bendakir la somme de
5 000,00 $, le tout avec dépens,
et avec les intérêts au taux
légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
ACCUEILLE en partie l'action contre N.S.L. Inc.;
CONDAMNE
N.S.L. Inc. à
payer aux demandeurs conjointement la somme de 5 000,00 $ (pour les
honoraires extrajudiciaires), et à Mouloud Bendakir la somme de 5 000,00 $
(pour dommages moraux) et Noura Bendakir la somme de 5 000,00 $ (pour dommages
moraux), le tout avec dépens,
et avec les intérêts au taux légal de 5 % l'an
et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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__________________________________ ELIANA MARENGO, J.C.Q. |
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Me Marc Elhage |
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Avocat des demandeurs |
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Me Charles Bertrand |
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DUPLESSIS ROBILLARD |
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Avocats de la défenderesse N.S.L. Inc. |
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Me Stéphanie Beauchamp |
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DONATI MAISONNEUVE |
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Avocats des défendeurs Me Geneviève Legault, Me Pierre Benoît, Benoît, Leclerc, Legault Inc. et le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec |
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Date d’audience : |
26 novembre 2015 |
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Bendakir c. NSL inc. |
2015 QCCQ 13049 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-22-212143-146 500-22-209373-144 |
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DATE : |
26 novembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ELIANA MARENGO, J.C.Q. |
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JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE |
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La version écrite de ce jugement contient quelques modifications mineures, pour fins de compréhension.
[1] Le Tribunal est saisi de deux demandes. Dans l'une d'entre elles, les demandeurs poursuivent deux notaires, leur bureau et le Fonds d'assurance- responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec, en dommages, pour un montant de 28 668,39 $, relativement à l'achat d'une propriété sise au 3570, chemin Bois-Franc à Montréal. Dans l'autre, les demandeurs poursuivent l'entrepreneur/vendeur (« N.S.L. ») pour le même montant.
[2] Les demandes furent réunies, entendues ensemble et jugées sur la même preuve.
[3] À l'audience, après ré-amendement, l'avocat des demandeurs a bien précisé que la réclamation totale contre toutes les parties était de 28 668,39 $.
LES FAITS
[4] Les faits se résument comme suit.
[5] Le 9 mars 2010, les demandeurs offrent d'acheter un terrain et une maison de N.S.L. pour 850 000,00 $ (pièce P-1).
[6] Pour des fins fiscales, la transaction est scindée en deux. Le 31 août 2010, les demandeurs achètent le terrain de Multiterre Inc. pour 221 163,89 $. Me Geneviève Legault est le notaire instrumentant (pièce P-5). Ils achètent également la maison pour 598 836,11 $ et Legault rédige un acte d'hypothèque relative à cette créance (pièce P - 7).
[7] Les demandeurs signent aussi le document P-6 dans lequel ils reconnaissent que N.S.L. « enregistrera une hypothèque de 2 e rang sur le terrain au montant de 598 836,11 $ pour protéger sa créance , le tout aux frais des acheteurs » (gras ajouté) et ils reconnaissent de plus que « tout solde dû devra être acquitté à la livraison de la maison ou avant occupation ».
[8] Selon les demandeurs, la maison est affectée de vices et déficiences dont au moins un est majeur et concerne les fenêtres.
[9] Le demandeur rencontre Guido Di Zazzo, le représentant de N.S.L., au mois de décembre 2010. Selon le demandeur, une entente intervient entre eux relativement à ces déficiences et les extras qui lui sont réclamés au coût de 83 000,00 $. Cette entente voudrait que les demandeurs ne doivent rien pour les extras vu les déficiences et vices dans la propriété.
[10] Cependant, selon Di Zazzo, l'entente est tout autre. Premièrement, les déficiences sont mineures. Deuxièmement, le demandeur lui demande de « devancer la livraison » et de lui accorder jusqu'au 12 janvier 2011 pour payer les extras. Di Zazzo est d'accord sur les deux fronts. La livraison sera devancée. Étant donné qu'il ne pourra corriger toutes les déficiences dans ce délai, il accepte de réduire le montant des extras à 70 000,00 $ plus taxes.
[11] Les demandeurs prennent possession de l'immeuble le ou vers le 16 décembre 2010. Ils sont insatisfaits de la qualité des matériaux et de la construction. De plus, à tort ou à raison, ils croient avoir payé plus cher que d'autres auraient payé pour le même produit.
[12] Quoi qu'il en soit, à partir de janvier 2011, la relation entre les demandeurs et N.S.L. s'envenime.
[13] Les demandeurs n'acquittent pas la somme de 73 000,00 $ plus taxes, tel que convenu (selon Di Zazzo).
[14] Toujours selon Di Zazzo, lors d'une rencontre entre lui et le demandeur, ce dernier lui demande une réduction de prix de vente de 100 000,00 $. Choqué, il refuse et lui dit qu'il va prendre « tous les moyens » pour percevoir son dû et qu'il va « exercer la deuxième hypothèque ». C'est à cause de ces extras impayés qu'il refusera de signer la quittance après la remise des fonds le 16 décembre 2010.
[15] En effet, à cette date, Legault remet les fonds à N.S.L. Cependant, elle n'envoie un projet de quittance qu'au début janvier 2011, mais Di Zazzo ne le signe pas.
[16] À l'audience, Legault déclare que le demandeur l'appelle à deux reprises pour s'enquérir sur la quittance. Elle est d'accord que « ça fait un bout de temps » qu'elle a envoyé le projet à Di Zazzo et s'engage à vérifier le pourquoi du retard avec lui. Elle dit que c'est à ce moment-là qu'elle apprend qu'il y a un litige entre les parties au niveau des extras. Elle avise le demandeur en conséquence et lui annonce qu'elle n'a pas les moyens de faire signer la quittance par N.S.L.
[17] Le 12 février 2011, un dimanche matin, le demandeur « a la surprise de l'année ». Il se fait signifier par huissier un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire, alors qu'il croit que l'hypothèque est déjà radiée. En effet, les demandeurs ont payé tout ce qui est prévu dans les actes notariés à N.S.L.
[18] Il consulte rapidement un avocat qui lui dit qu'il devra s'adresser au tribunal pour rectifier la situation, d'où la requête en radiation d'une inscription d'hypothèque sur le registre foncier pour la somme de 590 836,11 $.
[19] Le 2 février 2012, la Cour supérieure donnera raison aux demandeurs, car l'acte hypothécaire ne prévoit pas que l'hypothèque garantisse des obligations futures contractées par les demandeurs envers N.S.L. (pièce P-11). Le Tribunal ordonnera la radiation de l'inscription de l'hypothèque du 31 août 2010 pour la susdite somme et de l'inscription du préavis d'exercice d'un droit hypothécaire du 12 février 2011.
[20] Entretemps, le 30 mai 2011, N.S.L. intente une requête introductive d'instance en délaissement forcé et prise en paiement. Au paragraphe 17 de la requête, elle allègue « Bien que cette requête sera dûment contestée, s'il advenait que la Cour consente à ladite requête, la requérante est en droit de demander à la Cour de condamner les Intimés à payer personnellement à la Requérante la somme de 83 061,28 $ » et demande à la Cour de l'autoriser à exercer la prise en paiement même si les demandeurs en l'instance ont acquitté plus de la moitié de l'obligation garantie par hypothèque; d'ordonner aux demandeurs de délaisser l'immeuble dans un délai de 15 jours à compter du jugement et de la déclarer seule et unique propriétaire de l'immeuble. Les demandeurs se défendent à l'action et se portent demandeurs reconventionnels réclamant 180 000,00 $ pour vices et malfaçons.
[21] Le 11 décembre 2013, les demandeurs intentent le présent recours en dommages contre les notaires et le Fonds d'assurance-responsabilité professionnelle des notaires du Québec pour honoraires extrajudiciaires et dommages moraux.
[22] Le 13 février 2014, soit le jour de l'audition de la requête en délaissement forcé, les parties règlent l'affaire hors cour. Fatigués et désemparés, les demandeurs acceptent de payer 60 000,00 $ plus taxes à N.S.L. pour les extras et pour acheter la paix.
[23] Et, finalement, le 14 mai 2014, les demandeurs intentent le présent recours contre N.S.L., encore une fois pour honoraires extrajudiciaires et dommages moraux.
LA FAUTE
[24] Devant cette preuve, peut-on conclure à responsabilité de la part des parties poursuivies?
[25] Premièrement quant à N.S.L., les fautes alléguées sont décrites aux paragraphes 22 à 24 de la requête introductive d'instance. Selon les demandeurs, elle aurait commis une faute en agissant déraisonnablement et en contrevenant à son obligation d'agir de bonne foi a) en refusant de signer la quittance permettant la radiation de l'hypothèque; b) en publiant le préavis d'exercice d'un droit hypothécaire en prise de paiement; et c) en produisant une requête introductive d'instance en délaissement forcé et en prise de paiement.
[26] Vu le libellé de la pièce P-6 qui établit le montant de la créance à 598 836,11 $ et considérant que l'acte hypothécaire cristallise le montant de la dette à 598 836,11 $ sans prévoir que l'hypothèque garantisse des obligations futures, le Tribunal est d'avis que N.S.L. a contrevenu à ses obligations contractuelles envers les demandeurs.
[27]
En vertu de l'article
[28] Le Tribunal comprend parfaitement qu'il y avait un désaccord entre les parties quant aux extras (il y en avait un aussi quant aux déficiences), mais cela n'annihile pas le fait que les demandeurs avaient remis le plein montant du prix de vente à N.S.L. conformément aux actes notariés intervenus.
[29]
N.S.L. n'était pas justifiée à agir comme elle l'a fait. Elle avait
l'obligation de signer et remettre la quittance au notaire, ce qu'elle n'a pas
fait. En agissant de la sorte, elle a effectivement contrevenu aux articles
[30]
Les demandeurs n'avaient pas à supporter les conséquences néfastes des
documents qui seraient déclarés imprécis. Et n'oublions pas que, selon
l'article
[31] Quant aux notaires maintenant, Me Pierre Benoît ne fut pas impliqué dans la rédaction des actes et les transactions visées, quoique son nom apparaisse dans le document P-6. Il ne peut donc avoir engagé sa responsabilité.
[32] Il en va de même quant à l'étude Benoît, Leclerc, Legault, Inc., car dans l'exercice des actes professionnels qu'il pose, le notaire instrumentant est indépendant.
[33]
Quant à Legault, les fautes qui lui sont reprochées sont alléguées aux
paragraphes 16 et suivants de la requête introductive d'instance amendée. En
résumé, elle n'aurait pas obtenu une quittance et radié l'hypothèque dans les
plus brefs délais. Les demandeurs invoquent les articles
[34] Dans le traité de droit civil intitulé « La responsabilité civile du notaire » [1] , voici ce que l'auteur professeur émérite à l'Université d'Ottawa Paul-Yvan Marquis écrit au sujet de la remise des fonds:
« Sous-section V
La remise des fonds
676.
Normalement, les fonds déposés seront remis aux personnes y ayant droit ou à
leur représentant dûment autorisé. Le notaire aura à se conformer aux
instructions du client déposant, à la convention des parties, aux normes de
pratique, à l'article
677. Le notaire doit donc adopter et maintenir sur ce point une politique interne caractérisée par la prudence et la fermeté. Il lui faut faire fi par conséquent des pressions et autres manœuvres de certains emprunteurs, vendeurs et entrepreneurs notamment. Il importe, par exemple, qu'il n'effectue aucune avance avant d'avoir valablement obtenu, si elle est requise, la renonciation ou la cession de priorité de la part de ceux qui, aux termes de l'article 2274(2) C. civ., bénéficient d'une hypothèque légale. Personne n'ignore que cette situation se présente fréquemment dans la vie professionnelle du notaire. Quelques litiges ont même contribué à des critiques injustifiées de la profession.
678. De même, les fonds nécessaires au paiement d'une créance hypothécaire préférentielle sont à retenir jusqu'à l'exécution de la quittance ou de la mainlevée. Il serait imprudent de se contenter alors d'une simple promesse de paiement de la part du débiteur et même parfois du seul engagement du créancier de procurer la libération. Les risques pour la personne intéressée lui seront signalés par les conseils du praticien.
Certes, il faut revenir spécialement sur ce cas particulier mais fréquent du déboursement des fonds confiés au notaire par un prêteur, par exemple, lorsque déjà un créancier hypothécaire antérieur possède sur l'immeuble une créance préférable. Suivant l'arrêt de la Cour d'appel en l'affaire Houle c. Société hypothécaire B.N.E., le notaire a alors une obligation de résultat:
[…] de ne pas débourser les fonds provenant d'un créancier hypothécaire désirant être de premier rang sans d'abord s'assurer de l'enregistrement des quittances de toutes créances hypothécaires ou privilégiées antérieures.
La dernière exigence, quant à l'enregistrement de la quittance, nous apparaît trop sévère et peut-être même irréaliste. Quel créancier, en effet, consentira à donner quittance d'une créance dont il n'a pas encore reçu le paiement? N'y aurait-il pas lieu plutôt de référer à l'exécution de la quittance, attendu que le notaire est tenu de soumettre celle-ci sans délai à la formalité de la publicité des droits. »
(soulignement ajouté)
Et à la page 430:
« 681 . Cependant, il ne faut pas conclure nécessairement que toute remise indue, totale ou partielle, des fonds ou toute retenue contestable de ces derniers puisse déclencher automatiquement les mécanismes de la responsabilité notariale. Chaque cas doit être examiné séparément. Est-il ou non possible, en somme, d'y déceler la présence des éléments essentiels de cette responsabilité?
Ainsi, la transgression par le notaire d'une ou de plusieurs de ses obligations ne donne pas inéluctablement naissance à une faute ou à un préjudice. »
[35]
Dans le cas présent, le Tribunal arrive à la conclusion que le notaire a
effectivement engagé sa responsabilité en remettant les fonds à N.S.L. le 16
décembre 2010 sans demander la signature d'une quittance, ce qu'elle n'a fait
qu'en janvier 2011. Face à la remise de cette somme importante, elle se devait
de veiller aux intérêts de ses clients de façon prompte et diligente. Le fait
que c'est le demandeur qui a dû l'appeler pour s'enquérir sur l'état du dossier
et le fait que sa réponse ait été « Oui c'est vrai - ça fait un bout de temps
», démontre que Legault n'a pas agi avec prudence et diligence et n'a pas agi
au mieux des intérêts de ses clients, le tout contrairement aux exigences de
l'article
[36] La nature du contrat intervenu entre Legault et les demandeurs impliquait nécessairement des obligations implicites pour celle-ci d'obtenir une quittance de N.S.L. à la remise des fonds et de radier l'hypothèque. Pour que ces obligations n'existent pas, il aurait fallu que les demandeurs les excluent formellement de son mandat, ce qu'ils n'ont pas fait [2] .
[37] Le Tribunal est conscient du fait que les notaires n'ont en général qu'une obligation de moyens et non de résultat; mais le notaire maintient à toute étape de son mandat une obligation de prudence et de diligence, et c'est là que Legault a failli.
[38] Legault prétend qu'elle n'aurait pas pu agir autrement dans les circonstances; mais si elle avait demandé une quittance au créancier en même temps qu'elle lui remettait les fonds, elle aurait su alors (et non en janvier) que les parties étaient en pourparlers quant aux extras et aux déficiences, et aurait pu agir en conséquence.
[39] Quoi qu'il en soit, le fait de ne pas avoir été diligente dans l'obtention concomitante ou presque concomitante de la quittance, constitue une faute envers les demandeurs.
LES DOMMAGES
[40] Les demandeurs réclament 8 668,39 $ pour honoraires extrajudiciaires.
[41] Or, seul l'abus du droit d'ester en justice peut être sanctionné par l'octroi de tels dommages [3] .
[42] Il y a une distinction essentielle à faire entre l'abus de droit sur le fond du litige et l'abus de droit d'ester en justice.
[43] L'abus de droit d'ester en justice est défini comme étant une « faute commise à l'occasion d'un recours judiciaire. Ce sera le cas où la contestation est, au départ de mauvaise foi, soit en demande ou en défense. Ce sera encore le cas lorsqu'une partie de mauvaise foi, multiplie les procédures, poursuit inutilement et abusivement un débat judiciaire ».
[44]
Tel que susdit, le Tribunal croit que N.S.L. a agi contrairement aux
articles
[45] Les demandeurs ont produit cinq notes d'honoraires des avocats C.D.G. (pièce P-12 en liasse). Sans le témoignage des avocats auteurs de ces notes, il est difficile pour le Tribunal d'établir avec exactitude le bien-fondé des montants facturés. Cependant, après analyse des factures et tenant compte de la règle de la proportionnalité dans la présentation de la preuve, le Tribunal accorde un montant forfaitaire de 5 000,00 $ aux demandeurs pour les honoraires extrajudiciaires encourus.
[46] Seule N.S.L. est responsable de ce montant, Legault n'ayant rien à voir évidemment avec l'institution de ces procédures.
[47] Quant à l'argument de la prescription soulevé par N.S.L., il est rejeté. Le recours a été institué le 14 mai 2014. Le Tribunal considère que le point de départ pour calculer la prescription quant à la présente action en dommages est le jugement rendu le 2 février 2012 par l'honorable Thomas M. Davis, J.C.S., accueillant la requête en radiation des demandeurs. Les demandeurs ont donc agi à l'intérieur du délai de 3 ans qui leur est accordé.
[48] Selon le principe fondamental en matière de prescription, elle ne commence à courir avant que ne soit né le droit de recourir à l'action soit avant le premier moment où la victime a la possibilité d'agir. Ce moment survient lorsque le demandeur a connaissance des trois éléments de la responsabilité, soit la faute, le dommage et le lien causal. Il est primordial que le demandeur sache que la partie adverse a commis une faute à son endroit [4] , et dans l'opinion du Tribunal c'est à la date du jugement du juge Davis, que les demandeurs l'ont su.
[49] Quant aux autres dommages, le Tribunal accorde un montant de 10 000,00 $ au demandeur, pour dédommager le stress et les troubles et inconvénients (y compris la perte de temps), qu'il a subis comme conséquence directe et immédiate des susdites fautes. Le témoignage du demandeur fut fort crédible et convaincant. Quoiqu'il n'ait pas produit de preuve documentaire quant à son salaire, le Tribunal le croit quand il dit avoir perdu approximativement 10 jours de travail pour cette affaire, ce qui se traduit en une valeur monétaire que le Tribunal arbitre à 3 500,00 $. Quant au stress et les autres troubles et inconvénients subis, décrits de façon crédible au procès (anxiété; stress; bouleversement dans sa vie quotidienne, personnelle et au travail; effets néfastes psychologiques, etc.), le Tribunal lui accorde un montant de 6 500,00 $. La responsabilité de ce montant global de 10 000,00 $ sera partagée à parts égales entre N.S.L. et Legault, donc 5 000,00 $ chacun.
[50] Quant à la demanderesse, qui a également témoigné avec crédibilité et conviction quant aux dommages qu'elle a subis tant au niveau professionnel qu'au niveau personnel, le Tribunal lui accorde 2 600,00 $ pour la perte de 5 jours de travail et 7 400,00 $ à titre de dédommagement pour les effets sismiques que les susdites fautes ont eu directement sur sa vie aux niveaux professionnelle, personnelle, familiale et psychique. Ce montant sera aussi partagé à parts égales entre N.S.L. et Legault.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE l'action contre Me Pierre Benoît, avec dépens;
REJETTE l'action contre Benoît, Leclerc, Legault Inc., avec dépens;
ACCUEILLE en partie l'action contre Me Geneviève Legault et le Fonds d'assurance-responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec;
CONDAMNE Me Geneviève Legault et le Fonds d'assurance-responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec solidairement à payer à Mouloud Bendakir la somme de 5 000,00 $, le tout avec dépens, et à Noura Bendakir la somme de 5 000,00 $, le tout avec dépens;
ACCUEILLE en partie l'action contre N.S.L. Inc.;
CONDAMNE N.S.L. Inc. à payer aux demandeurs conjointement la somme de 5 000,00 $ (pour les honoraires extrajudiciaires), et à Mouloud Bendakir la somme de 5 000,00 $ (pour dommages moraux) et à Noura Bendakir la somme de 5 000,00 $ (pour dommages moraux), le tout avec dépens.
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__________________________________ ELIANA MARENGO, J.C.Q. |
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Me Marc Elhage |
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Avocat des demandeurs |
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Me Charles Bertrand |
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DUPLESSIS ROBILLARD |
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Avocats du défendeur N.S.L. Inc. |
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Me Stéphanie Beauchamp |
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DONATI MAISONNEUVE |
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Avocats des défendeurs Me Geneviève Legault, Me Pierre Benoît, Benoît, Leclerc, Legault Inc. et le Fonds d'assurance-responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec |
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Date d’audience : |
26 novembre 2015 |
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[1] Paul-Yvan MARQUIS, La responsabilité civile du notaire , Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 1999, pages 425 à 427.
[2] Idem, p. 83s.
[3]
Lévesque c. Carignan (Corp. de la Ville de
)
[4]
Céline GERVAIS,