RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX
DÉCISION
[1] Le 15 juin 2015, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a adressé à la titulaire un avis de convocation à une audition en vue d’examiner et d’apprécier les allégations décrites dans l’avis et au document qui lui est annexé et d’entendre tout témoignage utile aux fins de déterminer s’il y a eu manquement à ses obligations légales et, le cas échéant, sanctionner tel manquement.
[2] L’audience a eu lieu le 20 octobre 2015 au Palais de justice de Montréal. La titulaire, 9262-6597 Québec inc. était représentée par son président M. Christian-Martin Proulx, et était assisté de son procureur M e Nick Hould. La Direction du contentieux de la Régie était représentée par M e Simon Dupuis.
LES FAITS
[3] Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :
[Transcription conforme]
Tolérer des boissons alcooliques acquises non conformément au permis :
Le 27 février 2015, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 1) :
- 91 cannettes de bière de 355 millilitre(s) de marque Les trois lettres, 6,5% alc./vol.
- 68 cannettes de bière de 355 millilitre(s) de marque Cette sorte-là, 4,8% alc./vol.
Ce(s) contenant(s) n'était(ent) pas marqué(s) (mention CSP ou timbre).
Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) dans la réserve arrière.
Total en litres du (des) contenant(s) : 56,445 litre(s)
*****
AUTRES INFORMATIONS PERTINENTES :
9262-6597 Québec inc. est autorisé(e) à exploiter cet établissement depuis le 26 janvier 2012.
La date d'anniversaire du(des) permis est le 19 décembre.
L’AUDIENCE
[4] Dès le début de l’audience, M e Dupuis apporte certaines corrections à l’avis de convocation :
- Le permis de bar no 9844721 doit se lire : situé sur la terrasse avant, capacité 66
- Le permis de bar no 9864547 doit se lire : situé sur la terrasse côté droit , capacité 30.
Preuve de la Direction du contentieux
[5] M e Dupuis présente une preuve documentaire contenue dans le document D-1 joint à l’avis de convocation.
[6] Le 27 février 2015, les policiers ont saisi, dans l’établissement de la titulaire, 91 canettes de bière de marque « Les Trois Lettres » et 68 canettes de bière de marque « Cette sorte-là » qui ne portaient pas la mention CSP. Ces contenants ont été trouvés dans la réserve arrière et dans d’autres endroits.
[7] Un représentant de la titulaire a déclaré qu’il s’agit d’une erreur du brasseur.
[8] M e Dupuis rappelle que la titulaire exploite son établissement depuis janvier 2012.
Preuve de la titulaire
Témoignage de M. Christian Martin Proulx
[9] Il est le président et possède % des actions de la titulaire. Il est assisté de son directeur général, M. Nicolas Robichaud. Ce dernier à la responsabilité des achats de boissons alcooliques.
[10] Concernant la saisie de plusieurs canettes de bière, il dépose sous la cote T-1 une copie de facture d’achats datée du 6 février 2015, provenant de « Les Brasseurs du Nord inc. ».
[11] Il attire l’attention du soussigné sur les 4 e et 5 e items où on peut remarquer la présence d’achat de 6 caisses de chacune des marques de canettes saisies. Il précise que chacune des caisses contient 24 canettes
[12] Les commandes sont faites à raison d’une fois par mois environ.
[13] Il attribue l’erreur à son brasseur qui savait qu’il s’agissait d’un permis de bar et que les canettes étaient destinées à des dépanneurs.
[14] Contre-interrogé, il précise pourquoi les policiers ont observé certaines canettes de bière portant un timbre alors que d’autres portent un code imprimé au-dessous de chacune des canettes.
[15] Il avoue qu’il fait plutôt confiance à son brasseur quant à la responsabilité de s’assurer que toutes les canettes portent la mention CSP.
[16] Aucune vérification n’est effectuée par ses employés concernant la présence de timbre ou CSP sur les canettes de bière.
[17] Il estime ses ventes à environ canettes de chaque sorte par semaine.
Témoignage de M. Marco Duffour
[18] Il est le représentant du brasseur, fournisseur de canettes de bière saisies.
[19] Il confirme sous serment qu’il s’agit d’une erreur de codification attribuée au brasseur. Ces canettes ne devaient pas être livrées à la titulaire, mais plutôt à des dépanneurs.
[20] Il affirme qu’à sa connaissance, c’est la première fois en 18 ans d’expérience chez le brasseur qu’une erreur de la sorte se produit.
Plaidoirie de la Direction du contentieux
[21] M e Dupuis rappelle que les policiers ont saisi 159 canettes de bière totalisant 56.4 litres qui ne portaient pas la mention CSP.
[22] La titulaire avoue qu’elle n’effectue des vérifications que sur les achats provenant de la SAQ et non pas sur ceux du brasseur de bières.
[23] C’est la responsabilité de la titulaire de s’assurer de la présence du timbre ou de la mention CSP sur ses boissons alcooliques, les brasseurs commettent des erreurs à certaines occasions.
[24] L’absence de CSP sur les canettes de bière crée une présomption d’acquisition non conforme. Cette présomption peut être renversée selon les éléments de preuve présentés par la titulaire.
[25] M e Dupuis estime que la facture d’achats présentée sous T-1 ainsi que le témoignage du représentant du brasseur militent en faveur de la titulaire pour renverser la présomption d’acquisition non conforme des canettes de bière.
[26] La facture déposée est contemporaine à la saisie et corrobore le témoignage de M. Proulx sur la fréquence des achats et les ventes hebdomadaires de canettes de bière.
[27] Il laisse à la discrétion du soussigné le soin de conclure si la titulaire a toléré la présence de boissons alcooliques acquises non conformément à ses permis.
[28] S’il y a lieu d’une sanction, il suggère une suspension des permis pour une période de 14 jours en conformité avec la jurisprudence.
Plaidoirie de la titulaire
[29] M e Hould considère que la titulaire a renversé la présomption d’acquisition non conforme de ses boissons alcooliques en présentant la facture d’achats sous T-1.
[30] M. Proulx possède 15 années d’expérience et fait confiance à son fournisseur de bière depuis toujours puisqu’il n’a jamais eu de problème et il ne s’agit pas de laxisme de sa part.
[31] Des vérifications de la présence de timbres sur les produits provenant de la SAQ sont faites régulièrement.
[32] Il suggère la non-intervention contre la titulaire.
LE DROIT
[33] Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :
[Transcription conforme]
Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)
82.1 Sous la réserve des droits qui lui sont conférés par la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), à titre de titulaire de permis de boisson artisanale ou de producteur artisanal de bière, un titulaire de permis ne peut garder, posséder ou vendre dans son établissement :
(…)
3° de la bière qui n'a pas été achetée directement de la Société, d'un titulaire d'un permis de brasseur ou de distributeur de bière délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec, ou d'un agent d'un titulaire de permis de brasseur ou de distributeur de bière;
(…)
84. Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie (…)
Loi sur les permis d'alcoo [2] l (LPA)
72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de brasseur, de production artisanale, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis. (…)
86. (…) La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si : (…)
4° le titulaire du permis a contrevenu à l’article 72.1; (…)
La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l’article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants :
a) la quantité de boissons alcooliques ou d’appareils de loterie vidéo;
b) le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaises qualité ou impropres à la consommation;
c) le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;
d) le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l’article 72.1 dans les cinq dernières années;
e) le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu’elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13)
ANALYSE
[34]
L’ensemble de
la législation en matière d’alcool démontre l’intention du législateur
d’assurer un contrôle très serré du commerce de l’alcool au Québec tant au
niveau de la fabrication, de la distribution que de la vente. Selon les
articles
[35] Le tribunal doit statuer en premier lieu si la titulaire a acquis des boissons alcooliques non conformément à ses permis. Si c’est le cas, il doit déterminer si la titulaire a toléré leur présence dans son établissement.
[36] La preuve prépondérante révèle que la titulaire a acquis ses canettes de bière conformément à ses permis. Autant le témoignage du représentant de la titulaire que celui de l’agent du brasseur, fournisseur de ces canettes, démontrent que la titulaire s’approvisionne régulièrement et uniquement chez son brasseur depuis plusieurs années.
[37] La facture déposée en preuve est contemporaine à la saisie et corrobore les témoignages entendus.
[38] Ces éléments de preuve permettent à la titulaire de renverser la présomption d’acquisition non conforme de ces canettes.
[39] Par conséquent, le tribunal conclut que la titulaire n’a pas toléré la présence dans son établissement de boissons alcooliques acquises de façon non conforme à ses permis et il n’y a pas lieu d’intervenir contre la titulaire.
[40] Par ailleurs, le tribunal met en garde la titulaire qu’elle demeure responsable de toute erreur commise par ses fournisseurs incluant les brasseurs de bières ou par ses employés qui cause une infraction aux lois et règlements régissant ses permis.
[41] La preuve révèle que la titulaire n’effectue aucune vérification de contenants de bière reçus faisant ainsi confiance à son fournisseur.
PAR CES MOTIFS, |
N'INTERVIENT PAS contre la titulaire dans la présente affaire.
|
|
|
Régisseur |