Syndicat copropriété 1200 Lucille-Teasedale c. De Blois |
2015 QCCQ 13510 |
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JB 4453
«division des petites créances» |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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LOCALITÉ DE |
SAINT-JÉRÔME |
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« Chambre civile » |
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N° : |
700-32-029685-144 |
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DATE : |
8 DÉCEMBRE 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
ANNIE BREAULT, J.C.Q. |
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SYNDICAT COPROPRIÉTÉ 1200 LUCILLE-TEASEDALE |
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Demandeur |
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c. |
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PHILIPPE DE BLOIS |
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Défendeur |
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-et- |
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INTACT ASSURANCES |
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Appelée |
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JUGEMENT |
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1. CONTEXTE ET POSITIONS DES PARTIES
[1] Le demandeur administre un immeuble situé au 1200, rue Lucille-Teasdale à Terrebonne ( «Immeuble» ). Le défendeur est propriétaire de l’unité 301 située dans cet Immeuble [1] . L’appelée est l’assureur habitation du défendeur.
[2] Dans la nuit du 27 juillet 2013, un dégât d’eau survient à l’intérieur de l’Immeuble, provenant du débordement de la laveuse située dans l’unité du défendeur. Comme conséquence de ce débordement, des dommages par l’eau sont causés également à deux autres unités situées aux étages inférieurs [2] .
[3] Ces dommages ont entraîné des réparations totalisant 26 5221,43 $ pour lesquelles le demandeur a été indemnisé par son assureur habitation, Desjardins Assurances [3] . Il réclame toutefois un montant de 5 000 $ représentant la franchise d’assurance assumée par lui dans le cadre de ce sinistre [4] .
[4] Le demandeur soutient que le défendeur doit être tenu responsable des dommages, puisqu’ils ont été causés par la défectuosité ou le bris d’un module empêchant le fonctionnement adéquat de la valve de sûreté de la laveuse.
[5] Un reproche additionnel est formulé à l’égard du défendeur en ce que le robinet alimentant la laveuse n’était pas fermé lors du sinistre. Une telle exigence n’est pas imposée par la déclaration de copropriété, mais il s’agit, de l’avis du demandeur, d’une prudence élémentaire qui aurait empêché le sinistre de se produire.
[6] Le défendeur nie toute responsabilité, puisque les dommages ne résultent pas du mauvais fonctionnement de son appareil, mais bien de la présence de débris dans l’aqueduc. Ces débris, conséquence probable de travaux de construction à proximité de l’immeuble, ont empêché le bon fonctionnement d’une valve située à l’intérieur de la laveuse causant ainsi son débordement. D’ailleurs, la laveuse n’a fait l’objet d’aucune réparation suite au sinistre et fonctionne adéquatement depuis.
[7] Le défendeur conteste également le bien-fondé du reproche relatif au robinet d’alimentation de la laveuse. Il ne s’agit pas d’une précaution nécessaire et susceptible de constituer une faute, l’accès de ce robinet étant par ailleurs difficile.
[8] Le défendeur soutient que la poursuite intentée contre lui est abusive, puisque les représentants du demandeur sont informés des conclusions partagées par les experts en sinistres de leur assureur habitation respectif et plus particulièrement de l’absence de faute du défendeur.
[9] Le défendeur reproche l’insistance manifestée à son égard par le demandeur, et plus particulièrement par son représentant, M. Michel Durette. Il est interpellé à chaque occasion pour rembourser ce montant, en plus de recevoir des mises en demeure en novembre 2013 et mai 2014. Étant donné les conclusions des experts en sinistre, cette insistance s’apparente, selon lui, à de l’intimidation ou du harcèlement. Il a d’ailleurs préféré quitter la copropriété plutôt que de continuer à vivre dans un tel climat.
[10] Se portant demandeur reconventionnel, le défendeur réclame une somme de 265 $ représentant la perte de revenus pour son absence au travail lors de l’audience.
2. ANALYSE ET DÉCISION
[11] Chaque partie devant le tribunal doit apporter la preuve prépondérante des faits au soutien de ses prétentions [5] . Ainsi, pour obtenir gain de cause, le demandeur doit apporter la preuve prépondérante de la responsabilité du défendeur découlant du fait autonome de la laveuse, ou alternativement, établir les éléments constitutifs de la responsabilité civile extracontractuelle, soit la commission d’une faute par le défendeur, les dommages subis, de même que l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et ces dommages.
[12]
Le demandeur recherche en l’instance la responsabilité civile du
défendeur pour le fait que la laveuse appartient au défendeur. Alternativement,
le demandeur soutient que la responsabilité du défendeur doit être retenue en
raison de son défaut de fermer le robinet d’alimentation de la laveuse. Ces
deux régimes de responsabilité sont prévus aux articles
[13] À noter que le demandeur s’appuie également sur les obligations décrites à la déclaration de copropriété, lesquelles n’ajoutent ou ne modifient en rien le fardeau de la preuve ci-avant exposé, puisque la déclaration reprend les obligations prévues aux articles 1457 et 1465 C.c.Q. [6] .
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.
1465. Le gardien d'un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu'il prouve n'avoir commis aucune faute.
[14] La preuve ne permet pas de conclure que le demandeur a satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait.
[15]
L’article
[16] En l’instance, le fonctionnement de la laveuse n’est pas en cause. En fait, elle n’est pas en fonction lors du sinistre, de sorte qu’il est difficile d’y voir le fait autonome de la laveuse comme source du dommage.
[17] Subsidiairement, le technicien dépêché sur les lieux par l’assureur habitation a examiné la laveuse et plus particulièrement les quatre composantes qu’il identifie comme susceptibles d’être source de débordement pour conclure qu’aucune de ces composantes n’est en cause [8] . Le fonctionnement adéquat de la laveuse y est également confirmé suite à certains tests.
[18] Puisque la laveuse n’est pas en fonction lors du dégât, le technicien conclut que l’électrovanne peut seule être en cause en ce que, bien qu’elle soit en parfait état, elle a probablement été obstruée par un corps étranger en provenance de la tuyauterie de l’immeuble [9] .
[19] Or, le défendeur a fait entendre M. Dominick Lapierre, expert en sinistre qui a été chargé du sinistre par l’assureur habitation du défendeur. Ce dernier confirme que les conclusions partagées par les deux assureurs sont à l’effet que l’obstruction de l’électrovanne est probablement contextuelle, en ce qu’elle est due à la présence de chantiers de construction à proximité de l’immeuble. L’obstruction provient probablement de débris découlant de ces nouveaux raccordements au réseau municipal. En raison de cette conclusion quant à la cause probable du sinistre, l’assureur du demandeur n’a formulé aucune réclamation subrogatoire à l’assureur du défendeur.
[20] Ainsi, même en présumant que le débordement de la laveuse alors qu’elle n’est pas en fonction peut constituer le fait autonome de la chose, la preuve prépondérante établit que la cause est attribuable à une source hors du contrôle du défendeur.
[21] Ce n’est pas le bien sous la garde du défendeur qui a engendré le dommage. La laveuse fait partie de la chaîne d’événements qui mène au dommage, mais elle n’en est pas l’origine.
[22] La preuve ne permet pas davantage de conclure que le fait de ne pas fermer entre chaque utilisation le robinet d’alimentation constitue une faute justifiant de retenir la responsabilité civile extracontractuelle du défendeur. Par ailleurs, une telle obligation n’est pas davantage prévue dans la déclaration de copropriété.
[23] La demande du demandeur est en conséquence rejetée, avec dépens.
[24]
Quant à la demande reconventionnelle, elle sera également rejetée, mais
sans frais. Ce n’est pas parce qu’une réclamation est rejetée, comme c’est le cas
en l’instance, qu’elle doit automatiquement être considérée comme abusive.
L’abus prévu à l’article
[25] De plus, aucune preuve, notamment documentaire, ne supporte la perte salariale alléguée par le défendeur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] REJETTE la demande du demandeur, AVEC DÉPENS ;
[27] REJETTE la demande reconventionnelle du défendeur, SANS FRAIS .
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__________________________________ ANNIE BREAULT, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
SAINT-JÉRÔME LE 4 SEPTEMBRE 2015 |
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[1] Le défendeur est propriétaire de l’unité 301 lors des faits en litige, unité qu’il a cependant vendue en juin 2015.
[2] En plus de l’unité 301, les dommages ont touché les unités 101 et 201.
[3] Pièces P-1 et P-2
[4] Pièce P-3
[5]
Article
[6] La déclaration prévoit que «7 o tout propriétaire reste responsable, à l’égard des autres copropriétaires et du syndicat, des conséquences dommageables entraînées par sa faute ou sa négligence et celle d’un de ses préposés ou par le fait d’un bien dont il est légalement responsable. Ainsi, tout copropriétaire qui cause un dommage aux parties communes ou à une autre partie privative doit rembourser au syndicat ou au copropriétaire concerné toute somme qu’il pourrait être appelé à payer par suite de ce dommage, notamment, la somme représentant toute franchise d’assurance;» - Pièce P-4
[7] Les auteurs Baudouin, Deslauriers et Moore font état de deux conditions incluses dans le vocable du «fait autonome du bien», soit l’absence d’intervention humaine et la mobilité ou le dynamisme de l’objet - BAUDOUIN, Jean-Louis, DESLAURIERS, Patrice et MOORE, Benoît, La responsabilité civile - Volume 1 : Principes généraux , 8 e édition, Éditions Yvon Blais, 2014, par. 1-946
[8] Pièce P-8 - Page 2
[9] Idem - Page 3