9113-1417 Québec inc. (Gestion immobilière Dessureault Hubert) c. Beaumier |
2015 QCCQ 13699 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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« Chambre civile » |
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N° : |
400-32-013223-156 |
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DATE : |
22 décembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ALAIN TRUDEL, J.C.Q. |
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9113-1417 QUÉBEC INC. faisant affaire sous le nom de GESTION IMMOBILIÈRE DESSUREAULT HUBERT |
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et |
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9208-9101 QUEBEC INC. faisant affaire sous le nom de GESTION IMMOBILIÈRE DESSUREAULT HUBERT |
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Demanderesses |
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c. |
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PIERRE BEAUMIER |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Alléguant que l’échec d’une transaction immobilière découle de l’omission du défendeur de divulguer au promettant acheteur le statut d’ensemble immobilier des deux immeubles à logement convoités, les demanderesses réclament 15 000 $ de dommages.
[2] Le défendeur conteste la réclamation. Il plaide avoir avisé les défenderesses du statut d’ensemble immobilier des immeubles convoités et que l’échec de la transaction découle plutôt de l’insouciance et du manque d’expérience des représentants des demanderesses en matière immobilière.
[3] Se portant demandeur reconventionnel, il réclame 12 285,13 $ pour les dommages, troubles et inconvénients découlant de nombreuses démarches liées à cette infructueuse transaction.
Mise en contexte
[4] Le défendeur est propriétaire de deux immeubles comportant huit logements chacun sis au 3430 et 3440, Côte Rosemont à Trois-Rivières.
[5] En 2012, intéressées par les deux immeubles propriétés du défendeur, les demanderesses, par l’intermédiaire de MM. Hubert et Dessureault, présentent une offre d’achat au montant de 1 200 000 $. Cette offre n’a pas de suite pour les raisons qu’il est inutile de préciser pour les fins du présent jugement.
[6] Quelque mois plus tard, les discussions entre les parties reprennent. Afin de s’entendre sur un prix de vente des deux immeubles, les parties décident de mandater conjointement une firme d’évaluation agréée et obtenir une valeur marchande des immeubles.
[7] Parallèlement, les demanderesses entreprennent des démarches actives auprès de leur institution financière et la Société canadienne d’hypothèque et de logement pour compléter le montage financier permettant de présenter une offre d’achat formelle.
[8] Le 2 février 2015, les demanderesses présentent au défendeur une offre d’achat visant les deux immeubles pour une somme de 1 135 000 $.
[9] Cette offre est conditionnelle à l’obtention d’un financement adéquat et à la production par le défendeur d’un certificat de localisation et un plan d’arpenteur montrant l’état actuel de la propriété.
[10] Le 6 février 2015, de manière à respecter ses engagements prévus à l’offre d’achat, le défendeur mandate une firme d’arpenteur géomètre afin de produire un certificat de localisation et un plan d’arpenteur à jour.
[11] Le plan est fourni aux demanderesses dès sa production.
[12] Or, quelques jours avant la signature de l’acte de vente, les représentants des demanderesses informent le défendeur que la transaction ne peut être conclue en raison du fait que les immeubles convoités constituent un ensemble immobilier au sens de la Loi sur la Régie du logement . Ils reprochent au défendeur d’avoir caché délibérément cette information.
[13] Après vaines discussions, le 1 er mai 2015, par l’intermédiaire de leur procureur, les demanderesses informent le défendeur qu’elles considèrent l’offre nulle et non avenue et réclament 15 937,80 $ en dommages.
[14] Le 11 juin 2015, elles logent contre le défendeur un recours devant la Cour du Québec, division des Petites Créances.
Analyse et discussion
[15] Les demanderesses reprochent au défendeur d’avoir omis ou négligé de dévoiler le statut d’ensemble immobilier des deux immeubles visés par la transaction.
[16] Cette considération affectant les conditions de financement et la valeur marchande des biens immobiliers visés, les demanderesses se voient obligées de renoncer à l’acquisition et d’assumer à perte plusieurs déboursés en plus des troubles et efforts investis en vain dans cette aventure.
[17]
L’article
1458. Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.
Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.
[18] Pour avoir gain de cause, les demanderesses ont le fardeau de convaincre le Tribunal que le défendeur a commis une faute par omission en ne dévoilant pas le statut d’ensemble immobilier des immeubles vendus, qu’elles ont subi des dommages et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et les dommages allégués.
[19]
En matière d’appréciation de la preuve, le Tribunal se guide sur les
dispositions des articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[20] Le défendeur a-t-il honoré les engagements qu’il a contractés envers les demanderesses? A-t-il effectivement dénoncé aux demanderesses le statut d’ensemble immobilier aux immeubles convoités?
[21] La preuve à cet effet est hautement contradictoire.
[22] Le défendeur prétend avoir dénoncé cet état de fait dans les premières discussions survenues entre les parties en 2012. Il allègue avoir alors informé les représentants des demanderesses ne pas pouvoir vendre les immeubles séparément en raison de leur désignation à titre d’ensemble immobilier.
[23] Il ajoute avoir réitéré cette information au cours de la reprise des discussions en 2013.
[24] Les représentants des demanderesses nient catégoriquement ces allégations. Ils précisent que le défendeur a délibérément caché cette information en leur fournissant un certificat de localisant datant de plus de trente ans et en négligeant d’informer l’évaluateur agréé du statut des immeubles au moment de lui confier le mandat d’évaluation.
[25] Après analyse et considération, le Tribunal retient la version des faits présentée par le défendeur qui apparaît plus plausible et est en lien avec les circonstances de l’affaire pour les raisons suivantes.
[26] D’abord, la preuve démontre que le défendeur n’avait aucun intérêt à ne pas dévoiler une information de cette nature alors que sa réticence ne pouvait que faire achopper une transaction dans laquelle il a investi temps et argent.
[27] Rien dans la preuve ne permet de croire que le défendeur désirait nuire au bon déroulement de cette transaction, bien au contraire.
[28] Le défendeur a participé de bonne foi aux négociations malgré les difficultés rencontrées et a respecté en tout temps ses obligations contractuelles envers les demanderesses.
[29] Il a accepté de diminuer le prix d’achat et d’effectuer des travaux correctifs sur les immeubles et s’est toujours montré disponible et intéressé à conclure la transaction.
[30] On ne peut non plus retenir contre lui le fait qu’il n’ait pas énoncé le statut des immeubles à l’évaluateur agréé mandaté conjointement par les parties, puisque cette information avait déjà été révélée aux demanderesses. Son silence auprès de l’évaluateur peut s’excuser du fait que les demanderesses ont requis, afin de diminuer les coûts de l’évaluation, qu’un seul immeuble ne fasse l’objet du rapport d’évaluation.
[31] Enfin, le défendeur s’est empressé de fournir à l’institution financière le certificat de localisation qu’il avait en sa possession dès le début des discussions afin de permettre à cette dernière de débuter les travaux liés à la préparation du montage financier.
[32] Pour ces raisons, le Tribunal conclut que les demanderesses n’ont pas rencontré leur fardeau de prouver la faute du défendeur et leur recours doit être rejeté.
[33] Mais, il y a plus.
[34] La preuve non contredite démontre que dès la ratification de la promesse d’achat, le défendeur s’est empressé de mandater l’arpenteur géomètre Pierre Brodeur, afin de produire un certificat de localisation et plan d’arpenteur à jour et ainsi respecter les engagements pris à cet effet à l’offre d’achat.
[35] Or, comme le prétend les demanderesses, si c’est à la suite de la production de ce rapport qu’elles ont appris le statut d’ensemble immobilier des immeubles convoités ou qu’elles en ont réalisé la teneur et les conséquences, il était donc contractuellement possible pour elles de se dédire de l’offre et de ne pas transiger, ce qu’elles ont fait par ailleurs, sans reproche de la part du défendeur.
[36] Elles ne peuvent maintenant chercher à être compensées pour les démarches et déboursés encourus afin de concrétiser une occasion d’affaires qui, à leurs yeux, n’en était finalement pas une.
Demande reconventionnelle
[37] Le défendeur se plaint que l’attitude des représentants des demanderesses dans le cours des négociations et le recours non fondé et abusif intenté contre lui lui occasionne d’importants dommages.
[38] S’il est vrai que les parties ont investi de part et d’autre, temps et argent dans l’aventure et qu’elles n’en ont pas tiré profit, on ne peut conclure à la mauvaise foi ni de l’une ni de l’autre.
[39] Les dommages réclamés par le défendeur sont de la nature des dérangements, soucis et tracas normaux avec lesquels les gens impliqués dans ce type d’affaires doivent composer dans le succès comme dans l’échec.
[40] Enfin, le défendeur n’a pas démontré que les demanderesses ont abusé de leurs droits d’exercer ce recours judiciaire contre lui au sens des principes élaborés dans l’arrêt Viel [1] de la Cour d’appel du Québec.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[41] REJETTE la demande;
[42] CONDAMNE les demanderesses à payer au défendeur la somme de CENT QUATRE-VINGT-DIX DOLLARS ( 190 $) à titre de frais judiciaires.
[43] REJETTE la demande reconventionnelle, sans frais.
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__________________________________ ALAIN TRUDEL, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
19 novembre 2015 |
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