9100-8649 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec

2015 QCCQ 13710

 

COUR DU QUÉBEC

Division administrative et d'appel

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

« Chambre civile »

 

N° :

500-80-018245-119

 

 

DATE :

10 décembre 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MARTINE L. TREMBLAY, J.C.Q.

 

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9100-8649 QUÉBEC INC.

 

Requérante

 

c.

 

 

 

L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

 

Intimée

 

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JUGEMENT

 

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[1]            L’Agence du revenu du Québec (l’«  ARQ  ») demande le rejet de l’appel d’un avis de cotisation émis en matière de taxe de vente du Québec («  TVQ  »). Elle argue que celui-ci n’aurait plus aucune chance raisonnable de succès, puisqu’il soumet à notre Cour des questions en litige tranchées par la Cour canadienne de l’impôt («  CCI  ») dans une décision confirmée par la Cour d’appel fédérale («  CAF  »).

[2]            La demanderesse 9100-8649 Québec inc. («  9100  »), bien que dûment convoquée et appelée, est absente.

QUESTION EN LITIGE

[3]            Le principe de courtoisie judiciaire ou la règle de l’abus de procédure permettent-ils de rejeter l’appel ?

 

LES FAITS

[4]            Entre le 1 er janvier 2006 et le 31 décembre 2008, 9100 exploite deux restaurants avec permis d’alcool.

[5]            Dans le cadre d’une vérification fiscale reliée aux déclarations de 9100 en matière de TVQ et de taxes sur les produits et services («  TPS  »), la vérificatrice a choisi d’avoir recours à une méthode alternative visant à reconstituer les ventes des deux restaurants à partir des achats, en se servant d’un ratio établi sur certains items à partir d’un échantillon de factures.

[6]            L’ARQ a ainsi conclu à un écart de revenus de 3 167 703,82 $ pour les années 2006, 2007 et 2008, lequel a été utilisé comme base des avis de cotisations émis tant pour la TVQ que pour la TPS.

[7]            Le 11 janvier 2011, 9100 dépose une requête en appel de l’avis de cotisation pour la TVQ au greffe de cette Cour et un avis d’appel à la CCI pour la cotisation concernant la TPS [1] .

ANALYSE

[8]            Notre Cour n’est pas liée par la décision de la CCI rejetant l’appel de la cotisation TPS.

[9]            Par contre, encore récemment [2] , elle reconnaissait que le principe de courtoisie judiciaire s’applique lorsque la CCI décide du dossier d’un contribuable qui soulève des faits et moyens de contestation similaires à ceux soulevés devant notre Cour, en fonction de dispositions de la loi fiscale fédérale somme toute identiques à celles de la loi québécoise en litige devant notre Cour.

[10]         Ce principe de la courtoisie judiciaire veut que notre Cour fasse preuve de déférence envers une décision motivée de la CCI en l’absence de circonstances exceptionnelles.

[11]         Les exceptions à ce principe sont :

a)     les cas où l’ensemble des faits ou les éléments de preuve ne sont pas les mêmes pour les deux causes;

b)     les cas où la question à trancher est différente;

c)     les cas où la décision antérieure n’a pas examiné la loi ou la jurisprudence qui aurait donné lieu à un résultat différent, c’est-à-dire lorsque la décision est manifestement erronée;

d)     les cas où la décision suivie créerait une injustice [3] .

[12]         Le Tribunal souligne que la CCI applique ce principe de courtoisie judiciaire à l’égard des jugements de notre Cour [4] .

[13]         Le Tribunal a relu avec attention les faits allégués à l’avis d’appel déposé devant la CCI [5] , la réponse à celui-ci [6] , le jugement de la CCI [7] et le jugement de la CAF [8] .

[14]         Il appert que la période concernée et les opérations commerciales à la base de la cotisation dont appel devant notre Cour sont identiques à celles considérées par la CCI pour la cotisation réclamant la TPS. D’ailleurs, cette cotisation de TPS découle du travail effectué par la même vérificatrice des affaires de 9100.

[15]         Non seulement l’avis d’appel et la requête en appel de cotisation sont essentiellement identiques, puisque reposant sur les mêmes faits, mais la réponse des autorités fédérales est un clone de la défense de l’ARQ. D’ailleurs, les dispositions de la Loi fédérale sur la taxe d’accise [9] considérées par la CCI sont similaires à celles de la Loi sur la taxe de vente du Québec [10] à la base du litige devant notre Cour.

[16]         Le jugement de la CCI du 14 mai 2013, confirmé par la CAF, séance tenante, le 28 janvier 2014, est motivé et rejette les moyens soulevés par 9100, soit que :

a)     la méthode de vérification alternative ne pouvait pas être utilisée en l’espèce parce que l’appelante possédait l’ensemble de ses registres comptables et, parce qu’après avoir procédé à 4 vérifications, la vérificatrice n’a trouvé que des écarts variant de 0,2 % à 3,8 % du chiffre d’affaire.

b)     les prémisses à la base de la méthode alternative utilisée n’étaient pas fiable;

c)     les lettres et le témoignage des employés de 9100 devaient être acceptés comme une preuve prima facie renversant la présomption de validité de la cotisation et que l’autorité fiscale n’avait pas rempli son fardeau de preuve;

d)     le pourcentage de perte de 8% utilisé aux fins du calcul, basé sur l’affaire Restaurant Barolo inc. [11] , était arbitraire et ne tenait pas compte des explications de l’appelante.

[17]         Relativement à la pénalité de 25 %, la CCI a noté que 9100 n’a pas fait de représentations lors de l’audience. Déclarant que le fardeau de la preuve relatif à cette disposition repose sur la cotisante [12] , la CCI a conclu que la preuve démontrait des omissions importantes et répétées de 9100 dans les déclarations de TPS, soit des ventes non déclarées totalisant 3 167 703,82 $ et représentant 49,76 % des ventes déclarées de 6 365 002 $. Elle décide donc que la seule conclusion possible à tirer des faux énoncés ou omissions répétitifs et inexpliqués de 9100 dans ses déclarations de taxes, est qu’ils soient le résultat d’une négligence flagrante de celle-ci, équivalant à une « faute lourde  ».

[18]         Vu l’absence de 9100 à l’audience sur la présente requête, le Tribunal conclut qu’elle ne prétend pas, contrairement à M. Borduas dans Borduas c. Agence du revenu du Québec [13] , qu’elle ferait valoir, sur la question des pénalités, une preuve différente ou des représentations à la lumière des faits retenus par la CCI.

[19]         En l’espèce et en l’absence de circonstances exceptionnelles, le Tribunal conclut donc qu’il est approprié d’appliquer le principe de la courtoisie judiciaire et de faire preuve de déférence envers la décision motivée de la CCI ayant tranché les moyens de contestation soulevés dans le présent dossier, d’autant plus que cette décision a été confirmée par la CAF.

[20]         9100 étant absente à l’audience, il n’y a pas lieu de pousser davantage l’étude de la question soumise par l’ARQ et de décider si tenir une audience dans le présent dossier constituerait un abus de procédure ou une violation de la règle de la proportionnalité eu égard à la nature du litige et à la finalité de la demande.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

            REJETTE la requête en appel d’avis de cotisation;

            LE TOUT , sans frais.

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                                                                                      MARTINE L. TREMBLAY, J.C.Q.

M. Bobby Dion

LARIVIÈRE MEUNIER

Représentant l’intimée

 

Date d’audience : 30 septembre 2015



[1]     Pièce R-1.

[2]     Gilbert c . Agence du revenu du Québec , 2014 QCCQ 4299 , paragr. 31 et 32, confirmé par 2015 QCCA 1909 , la Cour d’appel ne critiquant pas, au paragraphe 26, la possibilité de recourir au principe de la courtoisie judiciaire.

[3]     Almrei c. Canada (Citoyenneté et immigration , 2007 CF 1025 (Canlii) paragr. 62.

[4]     2749807 Canada inc. c . La Reine , 2004 CCI 457, paragr. 19 et 20; Congiu c. La Reine , 2014 CAF 13 , paragr. 4 à 7 et Houda International inc. c. La Reine , 2010 CCI 622.

[5]     Pièce R-1.

[6]     Pièce R-2.

[7]     Pièce R-3.

[8]     Pièce R-4.

[9]     Loi sur la taxe d’accise , L.R.C. 1985, c. E-15.

[10]    RLRQ, c. T-0.1.

[11] Restaurant Barolo inc. [11] c. Quebec (Sous-ministre du revenu), 2007 QCCQ 316 (Canlii).

[12] Ce qui est également le cas en droit québécois.

[13] 2015 QCCQ 762