Clinique vétérinaire St-Anicet c. Jutras |
2015 QCCQ 14188 |
|||||||
JG2338
|
||||||||
« Division des petites créances » |
||||||||
CANADA |
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||||
DISTRICT DE |
BEAUHARNOIS |
|||||||
LOCALITÉ DE SALABERRY-DE-VALLEYFIELD « Chambre civile » |
||||||||
N° : |
||||||||
|
|
|||||||
|
||||||||
DATE : |
21 décembre 2015 |
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CÉLINE GERVAIS, J.C.Q. |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
|
||||||||
CLINIQUE VÉTÉRINAIRE ST-ANICET |
||||||||
|
||||||||
c. |
||||||||
MATHIEU JUTRAS |
||||||||
|
||||||||
|
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
JUGEMENT |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
[1] Il s'agit d'une réclamation de 1076,68 $, représentant le solde dû relativement aux soins apportés au chien de Mathieu Jutras.
LES FAITS :
[2] Le 24 mai 2014, Mathieu Jutras se présente à la Clinique Vétérinaire St-Anicet avec Shyva, un chien femelle de race American Stafford, âgée de huit ans. Monsieur Jutras avait constaté que l'estomac de son chien avait gonflé et qu'elle était souffrante. Les vétérinaires de la Clinique ont diagnostiqué une torsion de l'estomac, et ont recommandé une chirurgie, à laquelle M. Jutras a consenti. Monsieur Jutras reconnaît avoir été informé par les vétérinaires du coût approximatif des services, mais reproche essentiellement à la Clinique un manque d'information et de communication quant à l'état de santé de son chien.
[3] L'opération a été effectuée le 25 mai 2014, mais l'animal est décédé le lendemain.
[4] Le coût total des frais facturés à M. Jutras s'élève à 1210 $ plus taxes, de laquelle somme M. Jutras a payé un montant de 395 $.
[5] La Clinique réclame donc le solde de 996,20 $ en plus des frais de dépistage de 80,48 $ encourus pour retracer M. Jutras.
[6] Le seul motif de contestation allégué par M. Jutras dans ses procédures écrites est le non-respect des procédures demandées. Appelé à expliquer ce qu'il entendait par là, M. Jutras a indiqué avoir reçu un appel de la Clinique au matin du 26 mai 2014 vers 10 h 30 pour demander son autorisation d'effectuer une prise de sang, ce à quoi il a consenti. Or, le chien serait décédé dans les minutes qui ont suivi, et le Dr Quenneville a expliqué au Tribunal qu'il n'avait pas pu procéder à la prise de sang, puisqu'il était impossible de le faire vu le décès de l'animal.
[7] Monsieur Jutras indique qu'il a contacté la Clinique en fin de journée pour savoir s'il pouvait aller rendre visite à son chien. Il a alors ressenti le malaise de la réceptionniste qui l'a transféré à une vétérinaire qui lui a alors annoncé le décès de son chien. Monsieur Jutras s'est immédiatement rendu à la Clinique pour aller le voir une dernière fois. Il a été très étonné de constater que son chien avait encore les yeux grands ouverts, même si on lui avait mentionné qu'il était mort dans son sommeil et sans reprendre conscience depuis l'anesthésie, mais surtout, de constater que son chien était congelé.
[8] Au cours de l'audition, le Tribunal a réalisé que M. Jutras avait encore beaucoup de questions quant à ce qui s'était réellement passé lors de l'hospitalisation de son chien, et a considéré qu'il avait droit à des réponses. Le Tribunal a alors demandé au Dr Quenneville de lui fournir une copie du dossier médical de Shyva. Comme le Dr Quenneville n'avait pas son dossier avec lui au moment de son témoignage, il s'est engagé à en fournir des copies le plus rapidement possible, ce qui a été fait dans les jours suivants l'audition. Le Tribunal a donc reçu une copie du dossier médical, ainsi qu'un CD contenant les radiographies effectuées. Le Tribunal a ensuite transmis ces documents à M. Jutras en lui demandant ses commentaires, et en lui indiquant que s'il le jugeait nécessaire, une autre date d'audition pourrait être fixée pour continuer le dossier.
[9] Monsieur Jutras a transmis ses commentaires au Tribunal dans une longue lettre de dix pages, sans requérir une nouvelle audition, demandant au Tribunal de rendre jugement en fonction du dossier.
[10] Dans ses commentaires, M. Jutras soulève plusieurs contradictions entre ce qui apparaît au dossier médical et ce dont il a eu connaissance. Le Tribunal résume les commentaires ci-après :
- Le dossier médical indique qu'une intervention de ce genre dans un hôpital spécialisé pourrait coûter entre 6000 $ et 10 000 $ sans garantie de survie. Monsieur Jutras soutient qu'on lui a plutôt mentionné un coût de 4000 $;
- Le dossier médical indique qu'il aurait demandé qu'on essaie de sauver son chien, ce qui est nié par M. Jutras qui était bien conscient que la vétérinaire Dre Cusson s'était proposée d'essayer de l'opérer malgré le fait qu'elle n'avait pratiqué cette chirurgie que sur des bovins;
- Monsieur Jutras ajoute qu'il a consenti à débourser un montant pouvant s'élever à 2000 $ pour la chirurgie;
- Tant dans son témoignage que dans ses commentaires écrits, M. Jutras a indiqué que lors de l'appel du vétérinaire qui a suivi l'opération, on lui aurait mentionné que l'opération s'était bien déroulée et que les organes internes étaient redevenus roses immédiatement après l'opération. On lui aurait alors demandé de téléphoner avant de passer pour voir son chien, qui devait être gardé en observation. Le dossier médical au contraire, indique un pronostic sombre et un estomac de couleur violet, ainsi que le fait que M. Jutras en ait été informé;
- Le dossier médical indique encore que le réveil de Shyva a été très prolongé dû à l'insuffisance des organes à éliminer l'anesthésie. On indique que l'animal a de la difficulté à se réveiller, qu'elle est semi-consciente par moment et que M. Jutras est informé de cette complication par téléphone;
- Monsieur Jutras se demande pourquoi la Clinique n'a pas procédé à une prise de sang en constatant la difficulté de Shyva à reprendre conscience, et qu'on ait attendu au 26 mai pour le demander;
- Le dossier médical indique que le 26 mai au matin, Shyva est toujours inconsciente. Le dossier indique une tentative infructueuse de contacter M. Jutras à son travail à la Ville de Valleyfield pour l'informer de la condition de son chien et de suggérer une prise de sang pour évaluation des fonctions rénales et hépatiques. Monsieur Jutras ne croit pas que l'appel ait pu être fait à 9 h, puisque les messages lui sont toujours transmis directement par radio ou par son contremaître sur son lieu de travail, spécialement dans un cas d'urgence comme dans le présent dossier;
- Quoi qu'il en soit, M. Jutras a donné son accord au Dr Quenneville à 10 h 30, ce qui est conforme à ce qui se trouve au dossier;
- Le dossier consigne le décès de Shyva à 10 h 30, et le fait que la prise de sang est impossible à effectuer dû à l'hémolyse du sang. Le dossier indique que M. Jutras est avisé du décès de Shyva à ce moment;
- Monsieur Jutras ne comprend pas, malgré les explications qui ont été données par le Dr Quenneville à l'audience, pourquoi il aurait été impossible de faire une prise de sang immédiatement après le décès du chien;
- Par ailleurs, M. Jutras, tant dans son témoignage que dans ses commentaires écrits, soutient fermement qu'il n'a pas été avisé du décès de son chien ce matin-là, sinon il s'y serait rendu sur-le-champ. Les commentaires écrits de M. Jutras démontrent la grande affection que celui-ci avait pour son animal, et il maintient sa version qu'il a appris le décès de l'animal à 16 h après avoir terminé sa journée de travail pour pouvoir aller voir son chien;
- Monsieur Jutras décrit l'état dans lequel il a trouvé Shyva, et ne peut croire que celle-ci est décédée dans son sommeil comme on le lui a représenté. Il soupçonne que Shyva est décédée à la suite d'une surdose de médicament;
Bref, la lecture du dossier médical n'a manifestement pas répondu à toutes les questions de M. Jutras, qui se demande encore l'heure exacte de la mort de son chien, et les causes de son décès.
ANALYSE ET DÉCISION :
[11] Si le Tribunal comprend les nombreux questionnements de M. Jutras, il n'en demeure pas moins que celui-ci n'a pas présenté de preuve médicale pouvant permettre au Tribunal de conclure qu'une faute professionnelle a été commise par la Clinique. Une partie qui soutient une prétention ou un argument doit en faire la preuve de façon prépondérante, et à cette fin elle se doit de faire plus que soulever des soupçons.
[12] Le Tribunal n'a pas eu la preuve que les vétérinaires qui ont opéré Shyva ont commis une erreur qui ait causé son décès.
[13] Cependant, M. Jutras soulève certaines lacunes dans la communication que le Tribunal considère sérieuses. Le Tribunal a entendu le témoignage de M. Jutras et croit sincèrement à l'affection que celui-ci avait envers son animal, et croit également qu'il se serait immédiatement déplacé vers la Clinique s'il avait effectivement été avisé du décès dès que celui-ci est survenu. Le Tribunal n'a pas non plus compris, malgré les explications données par Dr Quenneville, comment il se faisait que l'animal avait encore les yeux ouverts à l'arrivée de M. Jutras, non plus que la raison pour laquelle le corps de l'animal était raide et glacé.
[14]
Le compte d'honoraires comprend les frais de
chirurgie, de consultation, de radiographie, de médicaments et d'incinération.
Selon l'article
[15] Les honoraires facturés dans le présent dossier semblent correspondre à ces critères.
[16] L'article 10 du même Code prévoit aussi que le médecin vétérinaire doit informer dès que possible son client de tout incident ayant entraîné des conséquences significatives sur la santé d'un animal.
[17]
Il y a eu dans le présent dossier des lacunes dans
la communication d'information et dans la façon dont la dernière rencontre
entre M. Jutras et Shyva s'est produite. Pour cette raison, en application de
l'article
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie l'action;
CONDAMNE le défendeur, Mathieu JUTRAS, à payer à la demanderesse, CLINIQUE VÉTÉRINAIRE ST-ANICET, la somme de 800 $, sans intérêts;
LE TOUT sans frais.
|
|
|
__________________________________ CÉLINE GERVAIS, J.C.Q. |
|
|
|