Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 500 (TUAC-500) et Alimentation Sophie Quenneville inc. (Métro Morgan) (grief syndical)

2015 QCTA 1071

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

N o de dépôt : 2016-0224

 

 

Date: 4 décembre 2015

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :            Me Pierre Laplante

 

 

                                                                  ENTRE

 

Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 500

(TUAC-500)

 

Ci-après appelé le syndicat                 

 

ET

 

Alimentation Sophie Quenneville inc.

(Métro Morgan)

 

Ci-après appelé l ’employeur

 

 

Grief : G-28510

(Affichage d’un poste de salarié régulier)

 

 

 

Pour l’employeur :                M. Yves Girard

                                               Conseiller principal en relations de travail

Métro Richelieu inc.

                                              

Pour le syndicat :                  Me Josée Lavallée

                                               Melançon Marceau

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

(En vertu du Code du travail du Québec, art. 100 et ss)

 

 

 

 

LES FAITS

 

[1]            L’employeur opère un marché d’alimentation situé sur la rue Ste - Catherine, dans l’Est de la ville de Montréal. L’employeur est un franchisé de Métro Richelieu inc.

[2]            L’entreprise se répartit entre 6 rayons [1] , à savoir :

 

A)    L’épicerie;

B)    Les viandes;

C)   Les fruits et légumes;

D)   Le service;

E)    La boulangerie;

F)    La charcuterie.

 

[3]            C’est dans ce dernier rayon, soit celui de la charcuterie que prend place le grief sous étude.

[4]            Le rayon de la charcuterie est en opération 7 jours par semaine, de 8h00 à 22h00.

[5]            Cinq personnes travaillent de façon régulière dans le rayon de la charcuterie. Il s’agit de :

 

A)    Le gérant, M. André Gamache;

B)    L’assistante-gérante, Mme Anne-Marie Parent;

C)   L’assistante-gérante par intérim, Mme Vanessa Roch;

D)   Une commis, Mme Linda Allie;

E)    Une commis, Mme Anne-Marie Lebrun.

 

[6]            Outre les personnes susmentionnées, le rayon de la charcuterie requiert également les services d’employés à temps partiel, lesquels se subdivisent en employés à temps partiel pleine disponibilité et employés à temps partiel avec disponibilité restreinte.

[7]            En septembre 2013, la salariée temps plein Linda Allie s’absente pour maladie. Il s’agit d’une invalidité longue durée.

[8]            Ce sont des commis à temps partiel qui sont appelés à effectuer les heures de travail de Mme Allie.

[9]            En novembre 2013, le gérant, M. André Gamache, s’absente pour maladie.

[10]         En tout temps pertinent, ce gérant n’est pas revenu au travail depuis ce mois de novembre 2013. Il est toujours considéré en absence maladie par l’employeur.

[11]         L’assistante-gérante Anne-Marie Parent fut appelée à remplacer le gérant de la charcuterie.

[12]         De fait, le ou vers le 3 juillet 2014, l’employeur a confirmé que Mme Anne-Marie Parent était la gérante par intérim du rayon de la charcuterie.

[13]         Quelque temps plus tard, soit le 31 juillet 2014, l’employeur a affiché le poste d’assistante-gérante au rayon de la charcuterie.

[14]         Le ou vers le 22 août 2014, Mme Vanessa Roch fut nommée au poste d’assistante-gérante par intérim du rayon de la charcuterie.

[15]         Du 8 février 2015 au 18 avril 2015, soit pendant une période de 10 semaines consécutives, les commis à temps partiels Isabelle Marion et Alexandra Cossette ont effectué, en moyenne, 35 heures et plus de travail par semaine.

[16]         Le ou vers le 16 avril 2015, lors d’une rencontre de relations de travail, le syndicat a demandé que soient affichés deux postes de salariés réguliers en raison desdites 35 heures de travail effectuées à chaque semaine, pendant 10 semaines, par les commis à temps partiel Marion et Cossette, et ce, en conformité avec la convention collective.

[17]         L’employeur a refusé d’afficher des postes de salariés réguliers.

[18]         La demande syndicale fut réitérée quelque temps plus tard et l’employeur donna la même réponse.

[19]         Finalement, le 22 avril 2015, le syndicat devait déposer un grief réclamant, pour l’essentiel, l’affichage de deux postes de salariés réguliers.

 

 

 

LA DÉCISION

 

[20]         Le grief repose sur le contenu de l’article 9.12 E1) de la convention collective. Cet article se lit comme suit :

 

9.12  Distribution des heures

 

 

          2-        Distribution des heures disponibles aux salariés à temps        partiel

 

         E1)     Si un salarié à temps partiel ou un salarié régulier 32/39 travaille en moyenne trente-cinq (35) heures et plus par semaine dans une (1) classification et un (1) rayon pendant dix (10) semaines consécutives, à l’exception des heures travaillées pour remplacement d’un ou des salariés absents en vertu d’une absence prévue à la convention collective ou autorisée par l’Employeur, un salarié parmi les salariés à temps partiel ou un salarié 32/39 devient salarié régulier (39 heures) selon les règles de l’ancienneté décrites à l’article 5. Il est entendu que le salarié en congé hebdomadaire n’est pas considéré absent au sens de la présente clause.  Cependant, est considéré absent un salarié qui effectue une assignation temporaire suite à une lésion professionnelle et un salarié absent de son poste aux fins de remplacer une personne exclue de l’unité d’accréditation.

 

         Si un salarié à temps partiel devient salarié régulier en vertu de l’application de la présente clause et de ce fait en faisant des heures notamment le dimanche et/ou plus d’un (1) soir par semaine, les parties conviennent que lors de l’affichage dudit poste, il sera indiqué que le dimanche et/ou plus d’un (1) soir par semaine constitue une exigence du poste à remplir.

 

[21]         Cet article consacre la prétention syndicale à l’effet que les commis à temps partiel Marion et Cossette ayant effectué en moyenne 35 heures de travail par semaine pendant 10 semaines consécutives, un ou deux postes de salariés réguliers auraient dû être affichés. En fait, la preuve a révélé que Mme Cossette avait effectué un total de 388 heures, pour une moyenne de 38.8 heures par semaine, alors que Mme Marion avait effectué 423 heures au total, pour une moyenne de 42.3 heures par semaine.

[22]         Cette accumulation des heures de travail par des temps partiel a été réalisée par l’application des règles de distribution des heures disponibles, laquelle mécanique de distribution est définie à l’article 9.12 2 A à D. Cet article se lit comme suit :

 

ARTICLE IX          HEURES DE TRAVAIL

 

9.12  DISTRIBUTION DES HEURES

 

          Distribution des heures disponibles aux salariés à temps partiel    

 

         A)       Les heures de travail disponibles pour les salariés à temps partiel sont établies et distribuées de la façon suivante :

 

         L’Employeur doit établir pour le salarié à temps partiel des groupes d’heures de travail quotidiens les plus longs possible en autant qu’il ait besoin de salariés à temps partiel.

 

         B)        Un (1) groupe d’heures de travail quotidien pour les salariés à temps partiel est un nombre d’heures de travail à être effectuées au cours d’une (1) journée dans une (1) seule classification et dans un (1) seul rayon.

 

         C1)     Sous réserve des dispositions prévues à l’annexe «D», l’Employeur distribue d’abord les heures de travail disponibles parmi les salariés à temps partiel à disponibilité pleine de façon à accorder au salarié ayant le plus d’ancienneté le maximum d’heures de travail chaque jour et chaque semaine, dans sa classification et dans son rayon.

 

         C2)     L’Employeur distribue ensuite les heures de travail qui restent parmi les salariés à temps partiel à disponibilité restreinte de façon à accorder au salarié ayant le plus d’ancienneté le maximum d’heures de travail chaque jour, dans sa classification et dans son rayon, en autant qu’il soit disponible pour remplir ce groupe d’heures quotidien complet selon sa formule de disponibilité.

 

         D)       Si un salarié à temps partiel n’a aucun groupe d’heures disponibles dans sa classification et dans son rayon, au cours d’une journée complète, il peut exiger des groupes d’heures quotidiens complets dans sa classification et dans l’autre rayon qu’il a choisi si son ancienneté et sa disponibilité le lui permettent et qu’il puisse accomplir le travail à y être effectué et ce, pour chaque jour de la semaine.

 

 

[23]         Cela étant dit, l’article 9.12 E1) énonce une exception à l’application de ce principe. Cette exception précise que ne sont pas comptabilisées les heures de travail effectuées en remplacement de salariés absents.

[24]         Comme nous l’avons vu précédemment, pendant cette période de 10 semaines servant d’assise à la réclamation syndicale le gérant du rayon de la charcuterie André Gamache était absent et la salariée à temps régulier Linda Allie l’était également.

[25]         L’employeur a donc donné le maximum d’heures par jour et par semaine à Mmes Cossette et Marion, tout en respectant l’ancienneté au rayon de la charcuterie. Incidemment, le syndicat n’a pas contesté la mécanique de distribution des heures utilisée par la partie patronale tout au long des semaines litigieuses.

[26]         En ce qui a trait aux remplacements, la preuve a révélé ce qui suit :

 

A)    Mme Isabelle Marion :

 

a)     Semaine du 8 au 14 février :     30.5 heures;

b)     Semaine du 15 au 21 février :   31.5 heures;

c)     Semaine du 22 au 28 février :   23.5 heures;

d)     Semaine du 1 er au 7 mars :       39.5 heures.

 

B)    Mme Alexandra Cossette :

 

a)     Semaine du 8 au 14 février :     31.5 heures;

b)     Semaine du 15 au 21 février :   32 heures;

c)     Semaine du 22 au 28 février :    31 heures;

d)     Semaine du 1 er au 7 mars :      15.5 heures.

 

[27]         Il en résulte que si les heures de remplacements sont retranchées, les salariés à temps partiel n’ont pas atteint la moyenne de 35 heures de travail par semaine au cours de la période ciblée de 10 semaines consécutives. En fait, la preuve a révélé que Mme Isabelle Marion passe de 423 heures totales à 298.5 heures et Mme Alexandra Cossette passe de 388 heures à 278 heures. Plus spécifiquement et uniquement pour les 4 semaines ci-haut mentionnées, Mme Marion a conservé une moyenne d’environ 29.8 heures travaillées sans remplacement, ce qui est bien en-deçà de la moyenne exigée de 35 heures en moyenne par semaine. Il en va de même dans le cas de Mme Cossette.

[28]         De l’admission de la partie syndicale, une comptabilité similaire à celle susmentionnée ressortirait si le calcul et la répartition des heures devaient être faits pour les semaines restantes de la période des 10 semaines consécutives.

[29]         La partie syndicale a prétendu que le gérant de rayon André Gamache, qui est en invalidité depuis une très longue période de temps, ne reviendra pas au travail. Conséquemment, les heures de remplacement ne sont pas de véritables heures de remplacement et ne devraient pas être soustraites de la comptabilité des heures dans l’application de l’article 9.12 E1).

[30]         La preuve n’est pas à cet effet.

[31]         L’employeur considère et déclare ledit gérant Gamache comme en absence maladie long terme.

[32]         Les documents produits, s’échelonnant de la date d’absence du gérant jusqu’à la date du grief, énoncent une absence long terme pour maladie.  Il n’y a aucune preuve qu’il n’en soit pas ainsi et, dans le temps, il n'y a eu aucune contestation du statut d'absence pour maladie du gérant Gamache.

[33]         La partie syndicale a de plus plaidé que l’employeur avait « saupoudré » les remplacements afin de rendre inapplicable l’objectif recherché par la clause 9.12 E1) soit la création d’un poste régulier advenant qu’un salarié à temps partiel fasse 35 heures de travail en moyenne pendant 10 semaines consécutives. La preuve a révélé que l’employeur avait appliqué la distribution des heures de remplacement en conformité avec les dispositions de la convention collective.

[34]         Incidemment, les affichages d’horaires, les affichages de postes, les nominations et remplacements qui ont suivi l’absence pour la maladie du gérant Gamache n’ont jamais été contestés.

[35]         De plus l’article 9.12 E1 ne couvre pas que les absences de salariés réguliers comme l’a argumenté la partie syndicale.   L’article 9.12 E1) précise que sont exclues de la comptabilité susmentionnée les heures travaillées pour remplacement d’un salarié absent. Quant à l’exception de 9.12 E1), cet article ne distingue pas le salarié régulier du salarié à temps partiel.

[36]         Par ailleurs, l’article .02 A) de cette même convention collective définit le terme salarié comme tout salarié régi par la présente convention collective selon les dispositions de la clause 1.01 ci-après.

[37]         Si les parties avaient voulu que seules les heures travaillées en remplacement d’un salarié régulier soient exclues elles l’auraient précisé. D’ailleurs et pour d’autres raisons, dans ce même article 9.12 E1) les parties ont utilisé les termes salarié à temps partiel, salarié régulier 32/39 et salarié régulier.

[38]         Enfin et dans un autre ordre d'idée, il n’est pas inutile de souligner que l’article 9.12 E1) mentionne que ce sont les absences prévues à la convention collective qui se regroupent toutes sous le titre de l’exception contenu audit article 9.12 E1) . Or, cela inclut donc les absences pour vacances.

[39]         Mme Vanessa Roch était en vacances au cours de la semaine du 1 er au 7 mars.

[40]         Conséquemment, en tenant compte de ces heures de travail devant être comblées pendant l'absence de Mme Roch, la comptabilité des heures travaillées à l'appui du grief aurait dû être revue à la baisse en ce qui a trait aux heures faites par Mmes Marion et Cossette.

[41]         Il est vrai que les salariées Marion et Cossette ont effectué en moyenne 35 heures de travail par semaine au cours de la période litigieuse, soit pendant les 10 semaines consécutives s’échelonnant du 8 février 2015 au 18 avril 2015. Il est également vrai cependant que ces « 35 heures » sont en bonne partie la résultante de remplacements et, à ce titre, ces remplacements faisaient partie de l’exception convenue entre les parties à l’article 9.12 E1).


[42]         Pour tous ces motifs, après avoir étudié la preuve et sur le tout délibéré, le tribunal d’arbitrage

 

 

REJETTE le grief G28510.

 

 

Blainville, ce 4  décembre 2015

 

 

 

 

                                                                  Me Pierre Laplante

                                                                  Arbitre

                                                                 


Annexe I

 

DESCRIPTIF

 

 

Date du mandat :

 

-       Le 18 septembre 2015

 

 

 

Dates d’audience :

 

-       Les 24 septembre et 9 novembre 2015

 

 

 

Lieu d’audience :

 

-       Montréal

 

 

 

Admissions :

 

-       Le 24 septembre 2015, les parties ont déclaré que l’arbitre avait été régulièrement saisi et qu’il avait compétence pour entendre le grief;

 

-       Le 24 septembre 2015, le syndicat a amendé le règlement requis au grief afin que la réclamation ne porte que sur l’affichage d’un seul poste et non de deux postes de salarié régulier.

 

 

 

Les témoins :

 

1)    Mme Sophie Quenneville, propriétaire-franchisée;

 

2)    M. Nicolas Lemieux, représentant syndical



[1] Voir article 1.01 B) de la convention collective